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de son confrère, l'auroit mis au grand jour. Le tapissier la placé dans un coin. J'aime à voir que Char in pense et sente bien.

Autre composition malade d'une maladie plus dangereuse; c'est la bile verte répandue. Ce morceau est aussi sec aussi monotone, aussi terne, aussi froid, aussi sale que le précédent. Chardin l'a fourré dans le même coin. M. Chardin, je vous en loue.

Il y aura, mon ami, dans cet article de Vernet quelques redites de ce que j'en écrivois il y a deux ans; mais l'artiste me montrant le même génie et le même pinceau, il faut bien que je retombe dans le même éloge. Je persiste dans mon opinion. Vernet balance le Claude Lorrain dans l'art d'élever des vapeurs sur la toile, et lui est infiniment supérieur dans l'invention des scènes, le dessin des figures, la variété des incidens et le reste. Le premier n'est qu'un grand paysagiste tout court; l'autre est un peintre d'histoire, selon mon sens. Le Lorrain choisit des phénomènes de nature plus rares, et par cette raison peut-être plus piquans; l'atmosphère de Vernet est plus commune, et par cette raison plus facile à reconnoître,

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ROSLI N.

UN PÈRE ARRIVANT DANS SA TERRE OU IL EST REÇU PAR SES ENFANS.

Tableau de dix pieds sur huit.

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CE tableau représente les portraits de toute la famille de la Rochefoucault, une des plus illustres maisons de France, et une des plus respectables par ses vertus et la noblesse de ses sentimens. Pour faire ce tableau, il y avoit concurrence entre Roslin et Greuze. Notre amateur M. W'atelet, qui sait en peinture tout ce qu'il en a écrit en poésie, et M. le marquis de Marigny, chef et protecteur des arts, ont fait préférer Roslin. Voyons ce qu'a fait celui-ci, et nous dirons ensuite un mot de ce que l'autre se proposoit de faire.

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Le tableau de Roslin représente M. le duc de la Rochefoucault, chef de la maison, mort depuis quelques années. Il arrive

dans

dans une de ses terres où sa famille l'attend. Ses deux filles, madame la duchesse d'Enville et madame la duchesse d'Estissac, vont audevant de lui; elles sont suivies par leurs enfans. Les figures sont de petite nature. Je vais prendre ma description par la droite, et la suivre jusqu'à l'extrémité gauche de la toile.

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On voit d'abord un carosse de campagne, le cocher sur son siège, et quelques valets de pieds à la livrée de la Rochefou cault. Vers la portière, sur le devant, une paysanne par le dos, étalant son tablier pour recevoir quelque largesse. Au pied de cette femme un enfant aussi par le dos, agenouillé et le corps appuyé sur une hotte; puis, un autre domestique; plus, sur le devant, un enfant en chemise et en culotte tête et pieds nuds, avec un groupe de paysans et de paysannes auxquels un autre valet du pied distribué des aumônes. Au milieu de la toile, le chef de la famille, ayant un de ses petits-fils derrière lui. Au devant de lui ses deux filles, suivies de leurs enfans, s'avancent bien posément. Derrière ce groupe, à quelque distance, un jeunehomine faisant une révérence maussade:

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c'est le fils aîné de la duchesse d'Estissac. Proche de lui, deux autres jeunes enfans. Tout-à-fait sur la gauche, une jeune fille. Voilà les personnages et quelque-uns des accessoires du tableau. Couvrez le fond d'une grande terrasse de verdure, et vous aurez toute la sublime composition de Roslin.

Jamais composition ne fut plus sotte, plus platte et plus triste. Le roide des figures l'a fait surnommer le Jeu de Quilles de Roslin. Au premier aspect, on se croiroit sur le théâtre de Nicolet, au milieu de la plus belle parade. On reconnoît le père Cassandre à son air long, sec, triste, triste, enfumé et inaussade. Cette grande créature qui s'avance en satin blanc, c'est Mamselle Zirzabelle, et ce grand flandrin qui tire sa révérence, c'est monsieur le beau Liandre; le reste, ce sont les bambins de la famille.

Les valets de pied, les paysans, les enfans, le carosse, durs et secs tant qu'on veut. Les autres figures sans expression dans les têtes, sans graces, sans dignité dans le maintien. C'est un cérémonial d'un froid et d'un empesé à faire bailler. Quoi ! ces filles ne songent pas à aller au-devant de leur père,

les bras ouverts; ni ce père à ouvrir ses bras pour les recevoir; ni aucun de ces petits enfans à se détacher des autres, et à crier en courant: Bon jour, mon grand papa! bon jour, mon grand papa! Je ne sais si tous ces gens-là étoient bien pressés, bien contens de se rejoindre. Cela devroit être ; car c'est la famille de France la plus unie, la plus honnête, et où l'on s'aime le plus. C'est l'hôtel de la Rochefoucault que la tendresse paternelle et la piété filiale ont choisi pour asyle; mais il n'en reste aucun vestige sur la toile de Roslin. Ici, il n'y a ni ame, ni vie, ni joie, ni vérité. Ni ame, ni vie, ni joie, ni vérité dans les maîtres. Ni ame, ni vie, ni joie, ni vérité dans les valets. Ni ame, ni vie, ni vérité, ni joie, ni mouvement dans les paysans. C'est un grand et triste éventail. Cette grande terrasse verte et monotone qui occupe le fond, joue trèsbien le vieux tapis usé d'un billard, et achève d'obscurcir, d'assourdir et d'attristerla scène.

Cependant, il faut avouer qu'il y a des étoffes, des draperies, des imitations de détail de la plus grande vérité. Ce satin par exemple, de manselle Zirzabelle est on

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