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ne pent mieux, de molesse, de couleur de reflet et de plis; mais s'il ne faut pas habiller une personne comme un mannequin, il ne faut pas habiller un mannequin comme une personne. Plus la draperie est vraie, plus l'ensemble est choquant, si la figure est fausse. J'en dis autant de la perfection de ces broderies. Plus elles sont parfaites, plus elles font sortir la maussaderie des objets faux sur lesquels elles sont appliquées. Puisque toutes les figures sont mannequinées, il falloit aussi mannequiner les draperies. Voulez-vous sentir la vérité de cette observation? Attachez un beau point de Hongrie sur un bras de bois, et vous verrez comme le travail et la richesse du point et la vérité des plis dessècheront et roidiront ce bras de bois encore davantage.

Ce rare morceau coûte quinze mille francs, et l'on donneroit toute chose à un homme de goût pour l'accepter, qu'il n'en voudroit point. Une seule tête de Greuze auroit mieux valu.... Mais, me direz-vous Greuze fait le portrait, et supérieurement à Roslin? Il est vrai. Greuze compose, et Roslin n'y entend rien? D'accord!

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Pourquoi donc M. Fatelet et M. de Mu

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rigny? Eh! qui sait les motifs particuliers qui meuvent ces grandes têtes-là? Greuze proposoit de rassembler la famille dans un sallon le matin; d'occuper les hommes à de la physique expérimentale, les femmes à travailler, et les enfans turbulens à déranger et à agacer les uns et les autres. Il proposoit quelque chose de mieux; c'étoit d'amener au château du bon seigneur, les paysans, les pères, mères, frères, soeurs, enfans, pénétrés de reconnoissance des secours qu'ils en avoient obtenus dans la disette de 1757. Dans cette année malheureuse, M. le duc de la Rochefoucault employa soixante mille francs à faire travailler et subsister les habitans de ses terres: on donnoit six liards deux sols, aux enfans de cinq ans qui ramassoient des pierres dans de petits paniers. Voilà l'action qu'il convenoit de consacrer par la peinture (1). Ce spectacle eut autrement

(2) Il y avoit cent traits de cette illustre et respectable famille à consacrer. M, le duc de la Rochefoucault étoit en ces derniers temps presque le seul qui vécût dans ses terres en grand seigneur. Il joignoit à l'avantage d'être le chef d'une des plus illustres maisons de France, le mérite d'être un des plus honnêtes hommes royaume. Son rang se montroit, non dans la hauteur

affecté que les complimens du père Cassandre, les révérences de M. Liandre, le satin de Mamselle Zirzabelle, et toute la parade de Nicolet.

UNE TÊTE DE JEUNE FILLE.

Cet essai de pastels à l'huile ne me déplaît pas. Cette manière de peindre a de la vi gueur. Cela tiendra mieux que cette poussière précieuse que le peintre en pastel dépose sur sa toile, et qui s'en détache aussi facilement que celle des aîles d'un papillon.

des manières, mais par d'éminentes vertus. Sa fortune immense servoit à répandre des bienfaits, à encourager l'industrie, à mettre le pauvre en état de gagner sa vie par son travail. Cet esprit de bienfaisance et de bonté s'est perpétué dans sa famille. Madame la duchesse d'Enville est une des plus excellentes femmes que j'aie jamais connues, Tout ce qu'elle a fait pour secourir, soutenir, protéger la malheureuse famille Calas, est incroyable. Je ne pardonnerai à M. Roslin, ni à la vie, ni à la mort, d'avoir aussi ridiculement et aussi maussadement travesti la

femme de France que j'aime et que je respecte le plus.

Autres Portraits.

Ses autres portraits, parmi lesquels il y a celui de madame Adélaïde et celui de madame Victoire, sont communs, pour ne rien dire de pis. Nulle transparence. Ces teintes imperceptibles, cette dégradation délicate d'où résulte l'harmonie, ne vous y attendez pas : ils sont tous, je ne dis pas d'un coloris, mais d'une couleur entière; c'est du rouge et du plâtre.

Madame Adélaïde et madame Victoire, bien engoncées, bien roides, bien massives, bien ignobles, bien maussades, bien plaquées de vermillon, ressemblent supérieurement à deux têtes de coëffeuses, surchargées de de graines, de chenilles, d'agrémens, de chaînettes, de points, de soucis de hanneton, de fleurs d'Italie, de festons, de toute la boutique d'une marchande de modes. Ce sont, si vous l'aimez mieux, deux grosses créatures en chasubles qu'on ne sauroit regarder sans rire; tant le mauvais goût en est choquant!

Roslin, suédois de naissance, est aujourd'hui un aussi bon brodeur que Carle

Vanloo fut autrefois un grand teinturier. Cependant il pouvoit être un peintre; mais il falloit venir de bonne-heure dans Athènes. C'est-là qu'aux dépens de l'honneur, de la bonne-foi, de la vertu, des mœurs, on fait des progrès surprenans dans les choses de goût, dans le sentiment de la grace, dans la connoissance et le choix des caractères, des expressions et des autres accessoires d'un art qui suppose le tact le plus délié, le plus délicat, le jugement le plus exquis, je ne sais quelle noblesse, une sorte d'élévation, une multitude de qualités fines, vapeurs délicieuses qui s'élèvent du fond d'un lieu empesté. Vos artistes, mon ami, auront de la verve; mais elle sera dure, agreste et sauvage. Les Goths et les Vandales ordonneront une scène; mais combien de siècles s'écouleront avant qu'ils sachent, je ne dis pas l'ordonner comme Raphaël, mais sentir combien Raphaël l'a noblement, simplement, grandement ordonnée! Croyez-vous que les beaux-arts puissent avoir aujourd'hui à Francfort et à Léipsick le caractère qu'ils ont eu autrefois dans Athènes et dans Rome, ou même celui qu'ils ont sous nos yeux dans Paris? Non, les mœurs n'y sont pas. Les

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