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vraie, et le morceau sera précieux; ear il est bien vêtu et d'une naïveté d'expression et de caractère tout-à-fait piquante. Il a quelque chose de plus original que ce polisson de Drouais, qui, avec son porte-feuille sous le bras et son chapeau sur la tête, fit une fortune si générale à un des Salons pré

cédens.

JULIAR T.

A M. Juliart la même politesse, s'il vous plaît, qu'à M. Drouais. Si vous trouvez ame qui vive à Paris, autre que le menu M. de la Ferté, qui sache que M. Juliart ait fait un paysage, deux paysages, trois dessins de paysages, j'ai tort de ne les avoir

portrait du petit Fox, le plus jeune des fils de milord

Holland.

Je ne comprends pas comment Drouais n'est pas Le peintre de toutes les femmes de Paris. Sa craie et son vermillon avec de la grace dans les positions, et du goût dans la parure, sont précisément ce qu'il leur faut. Roslin est aussi faux que Drouais, et par-dessus. le marché, maussade et froid. Cependant il a la pratique Zes femmes, et Drouais paroît réduit aux enfans,

pas vus, admirés, et de m'en taire. Cependant, mon ami, ma devise n'est pas celle du sage d'Horace: Nil admirari. Si l'on ne peut obtenir et garder le bonheur qu'à cette condition, Denis Diderot est fort à plaindre. Vous me direz que j'entends mal le nil admirari du poëte. C'est, il ne faut s'étonner de rien. Grimm , prenez-y garde. On n'admire guère ce qui n'étonne pas (1), et comptez que si M. de la Ferté, propriétaire des productions de M. Juliart, admire ses productions, c'est qu'il est plus ou moins étonné du prodigieux talent de

l'artiste.

DESHA Y S.

C'EST le frère de celui que nous venons de perdre. Ces deux frères me rappellent une aventure de la jeunesse de Piron; car aujourd'hui, ce vieux fou se frappe la

(1) En revanche, on peut s'étonner sans admirer; ainsi, si je m'étonne du goût de M. de la Ferté, je ne l'admire pas pour cela,

poitrine et se fesse devant dieu de tous les mots plaisans qu'il a dits et de toutes les drôles de sottises qu'il a faites. Pardieu, mon ami! cet atôme qu'on appelle homme a de la vanité bien plus gros que lui! Un malheureux méchant petit poëte qui s'imagine qu'il a fâché l'Eternel, qu'il le réjouit, et qu'il est en son pouvoir de faire rire ou pleurer dieu, à son gré, comme un idiot du parterre! Ce Piron donc qui s'étoit un soir énivré avec un acteur, un musicien et un maître à danser, s'en revenoit avec ses convives faisant bacchanale dans les rues. On les arrête; on les conduit chez le commissaire Lafosse, qui demande à l'auteur qui il est: celui-ci répond, le père des Fils ingrats; à l'acteur, qui répond qu'il est le tuteur des Fils ingrats; au maître. à danser et au musicien qui répondent, l'un qu'il apprend à danser, l'autre qu'il montre à chanter aux Fils ingrats. On les jouoit alors. Le commissaire, sur ces réponses n'a pas de peine à deviner à quelle espece de gens il a à faire. Il quitte son air grave, et se met de bonne humeur avec eux. Il dit à Piron qu'il étoit un peu de la famille, et qu'il avoit eu un frère qui étoit homme

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294).

d'esprit et poëte (1). Pardieu! lui répond Piron, je le crois bien; j'en ai bien un, moi, qui est bête à manger du foin. Le Deshays qui est mort en auroit pu dire autant, et même à un commissaire ; car il s'exposoit volontiers à rendre visite à ces magistrats subalternes, qui veillent ici à ce qu'on ne 'casse pas les lanternes et qu'on ne batte pas les filles chez elles. Je m'amuse à vous faire des contes, parce que je n'ai rien

vous dire du cadet des Deshays, dont les tableaux sont encore plus mauvais que ceux de l'aîné n'étoient bons, quoiqu'ils fussent très-bons; qui n'a pas une bluette de génie, qui est sans talent, et qui est entré à l'académie de peinture, comme l'abbé du Resnel à l'académie française. Ce dernier disoit: connoissez-vous un homme plus heureux que moi? J'ai désiré trois choses en ma vie, et je les ai eues toutes trois. J'ai voulu être poëte, et je l'ai été; j'ai voulu être de l'académie, et j'en suis; j'ai voulu avoir un carosse, et j'en ai un. Un conte, mon ami, et un propos plaisant valent mieux

(1) Le frère du commissaire Lafosse, dont il est question ici, a fait une tragédie de Manlius qui est restée au théâtre.

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que cent mauvais tableaux et tout le mat qu'on en pourroit dire.

LÉPIC I E.

MON

ON ami, si nous continuions à faire des contes!

LA DESCENTE DE GUILLAUMELE-CONQUÉRANT EN ANGLETERRE. Tableau de vingt-six pieds de large, sur douze de haut.

Un général ne pouvoit guère faire mieux entendre à ses soldats qu'il falloit vaincre ou mourir, qu'en brûlant les vaisseaux qui les avoient apportés. C'est ce que fit Guillaume. Le beau trait pour l'historien! Le beau modèle pour les conquérans ! Le beau sujet pour le peintre! pourvu que ce peintre ne soit pas Lépicié. Quel instant croyezvous que celui-ci ait choisi? Celui, n'est-ce pas, où la flamme consume les vaisseaux et où le général annonce à son armée l'alternative terrible? Vous croyez qu'on vois

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