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merveille avec la légèreté et la fonction de la figure. Son visage est beau; on y voit un intérêt tendre et doux pour les fleurs qu'elle protège, et qu'elle cherche à dérober aux menaces du froid en étendant sur elles un pan de son vêtement. Elle est un peu penchée, et il est impossible d'imaginer son action faite avec plus de vérité et de grace. Je relis ma description et je la trouve calquée sur la figure. Ceux qui cherchent noise à tout lui trouvent le menton un peu trop saillant.

SAINT-AMBROISE.

Modèle de quatre pieds six pouces de haut.

C'EST ce fougueux évêque qui osa fermer les portes de l'église à Théodose, et à qui un certain souverain de par le monde, qui dans la guerre passée avoit une si bonne envie de faire un tour dans la rue des prêtres, et une certaine souveraine, qui vient de débarrasser son clergé de toute cette richesse inutile qui l'empêchoit d'être respec

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table, auroient fait couper la barbe et les oreilles en lui disant : « apprenez, mon» sieur l'abbé, que le temple de votre Dieu " est sur mon domaine, et que si mon pré» décesseur vous a accordé par grace les » trois arpens de terrain qu'il occupe, je

puis les reprendre et vous envoyer porter "Vos autels et votre fanatisme ailleurs. Ce "lieu-ci est la maison du père commun » des hommes, bons ou méchans, et je " veux entrer quand il me plaira. Je ne » m'accuse point à vous; quand je daigne"rois vous consulter, vous, n'en savez pas " assez pour me conseiller sur ma conduite, » et de quel front vous immiscez-vous d'en " juger? » Mais le plat empereur ne parla pas ainsi, et l'évêque savoit bien à qui il avoit à faire. Le statuaire nous l'a montré dans le moment de son insolente apostrophe. Il a le bras étendu, le front de la réprimande et de la sévérité; il parle : la tête est d'humeur, mais je la crois un peu petite. La draperie, grande, large, bien traitée, pittoresquement relevée par-devant, dessinant à merveille le bras gauche qu'elle couvre, et sous lequel j'imagine que l'évêque tient son bréviaire ou ses homélies;

si le volume en paroît énorme, c'est la faute du costume et non de l'artiste. Je pense bien qu'il se seroit plu davantage à nous montrer un prophête juif ou quelque prêtre idolâtre, dont un bout du vêtement seroit venu se répandre sur la tête, après avoir parcouru et moulé tout le corps. Au reste, on peut tirer parti de tout, et Falconet l'a prouvé par son Saint-Ambroise qui n'est pas occupé, comme on a coutume de nous montrer ses pareils, à ramener sa chappe sous son bras, et à nous rappeler le geste familier de Pantalon.

ALEXANDRE CÉDANT CAMPASPE l'une de ses Concubines, AU PEINTRE APELLE,

Bas-relief en marbre, de deux pieds six pouces de haut sur deux pieds de large.

Il faut que je décrive ce bas-relief, parce qu'il est beau, et que, sans l'avoir bien présent, il seroit difficile d'entendre mes observations.

A droite, le peintre a quitté son chevalet,

sur lequel on voit l'ébauche de Campaspe. Il a un genou en terre; il est surpris et pénétré de la faveur du souverain. Cette figure de ronde bosse correspond au chevalet qui est de bas-relief.

A gauche, Alexandre est à côté de Campaspe, sur le fond, debout, un peu avancé vers Apelle. Il paroît offrir au peintre ce beau modèle : il tient de la main gauche sa concubine par le poignet; son autre bras est posé sur les épaules de Campaspe. C'est l'action d'un homme qui la cède à celui qui l'a desirée.

Campaspe est assise sur un siége couvert de quelque draperie; elle a les yeux baissés elle a derrière elle un coussin. Cette figure est de ronde bosse, et elle correspond en partie à l'Alexandre qui est en bas-relief, et à deux soldats placés derrière elle, qui sont aussi de bas-relief.

L'Apelle de cette composition paroît être une réminiscence du Pygmalion d'il y a deux ans. Le trait qu'il a tracé sur sa toile devroit être léger comme un fil d'araignée, et il est grossier.

L'Alexandre est de toute beauté. La bonté et la noblesse sont peintes sur son

visage; mais c'est la bonté qui domine, peutêtre même un peu trop. Du reste, on ne pensera jamais une action plus vraie, une position plus simple et une draperie plus noble; ce large manteau jetté sur ses épaules fait à ravir.

que,

Il est d'un homme d'esprit d'avoir fait baisser les yeux à Campaspe. Gaie, elle auroit blessé la vanité d'Alexandre, qu'elle auroit quitté sans regret; triste, elle auroit mortifié Apelle. Mais il y a tant d'innocence et de simplicité dans le caractère de sa tête, si vous placez un voile au-dessus de sa gorge, et que, ce voile tombant jusqu'au bout de ses pieds, tous ses appas nuds vous soient dérobés, de manière que vous n'apperceviez plus que la tête, vous prendrez cette Campaspe pour une fille bien élevée qui ignore ce que c'est qu'un homme, et qui se résigne à la volonté de son père qui lui donne l'artiste que voilà pour époux. Ce caractère de tête est faux; c'est encore une réminiscence, mais bien déplacée, de la statue de Pygmalion. Falconet, mon ami, vous avez oublié l'état de cette femme; vous n'avez pas pensé que c'est une concubine, qu'elle a couché avec Alexandre, et qu'elle

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