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honnête, pour douze ou quinze années de courses relatives à cet ouvrage. Ce domestique, de lui-même, à l'insçu de son maître, pense que le mien n'a rien eu, qu'il a plus fatigué que lui, et il vient, sans l'avoir connu précédemment, lui offrir la moitié do sa récompense. Je n'y entends rien, ou cette justice est au-dessus de la piété filiale. Quoi qu'il en soit, revenons à notre bas-relief.

La mère est assise sur le char; elle à sur un de ses genoux un vase de sacrifice. Ses deux mains sont posées sur le haut du vase. Son caractère est simple; l'attitude vraie et la draperie bien entendue. Cela a une odeur d'antiquité qui plaît. Le char est solide et de belle forme. Les deux enfans sont nuds, dans le goût sain du bas-relief, et tirant bien. Mais il faut tout dire; la mère paroît un peu jeune pour d'aussi grands enfans; il falloit là une matrône vénérable par son âge, d'un caractère de tête touchant. Celui des enfans qui est sur le plan de devant, a la jambe gauche pleine de vérités de nature; mais la droite est cassée au-dessous du genou. La tête de l'autre enfant est mal dessinée; prenez-le par le nez, mettez-le

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de face, et vous verrez que son oreille faisant autant de chemin que son nez, se trouvera derrière sa tête. Et puis, ils ont tous les deux la physionomie de nos anges. Du reste, ce jeune artiste sait amollir et vivifier le marbre. Qu'il soit reçu bien vite! M. Flipot, ouvrez les deux battans.

Il y a de ce Berruer un vase de marbre, autour duquel on voit de bas-relief des enfans qui jouent avec un cep de vigne. Petit chef-d'œuvre ; enfans groupés à ravir, bien larges, jouant bien; marbre bien mou, bien paîtri, le bas-relief bien entendu, et le vase d'une forme ! Ce large cerceau de marbre blanc qui porte le bas-relief est du meilleur effet.

Un tombeau qui a le caractère lugubre, c'est celui-ci. Figures bien pathétiques; l'une triste et muette, l'autre agissante et parlante. La première est l'Amitié qui s'abandonne à sa douleur; l'autre est la Pureté qui pare une urne cinéraire d'une guirlande. Beile draperie, bien poétique! Beaux caractères de têtes! belle pensée!

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Il y a du même artiste d'autres projets de tombeaux; mais il ne sont pas aussi beurenx.

Vous voilà tiré des sculpteurs et moi aussi. Vous voyez, mon ami, que cent morceaux de sculpture s'expédient à moins de frais que cinq ou six tableaux. Ce sont les ouvrages de sculpture qui transmettent à la postérité les progrès des beaux-arts chez une nation. Le temps anéantit les tableaux; la terre conserve les débris du marbre et du bronze. Que nous reste-t-il d'Apelle? Rien. Mais, puisque son pinceau égaloit les sublimes ciseaux de son temps, l'Hercule-Farnèse l'Apollon du Belvedere, la Vénus de Médicis, le Gladiateur, le Faune, le Laocoon, l'Athlète expirant témoignent et déposent aujourd'hui de son talent.

Nous avons perdu dans l'intervalle du Salon précédent à celui-ci, un habile statuaire. C'est Réné-Michel Slodtz. Il nâquit à Paris en 1705; il gagne le prix de l'académie à vingt-un ans. Il part pour Rome: il s'y instruit; il s'y distingue. Je n'ai vu de lui que son buste d'Iphigénie, et son mausolée de, Languet, curé de Saint-Sulpice, le plus grand charlatan de son état et de son siècle.

La tête de ce dernier est de toute beauté, et le marbre demande sublimement pardon

▲ dieu des friponneries de l'homme. Je ne connois point de pécheur à qui il ne pût inspirer quelque confiance en la miséricorde infinie. Cependant l'Iphigénie l'emporte encore sur ce morceau. Tout y est, et la noblesse de caractère, et le choix des formes, et leur pureté, et la netteté du travail, et l'excellence du goût: cela est à compter parmi les précieux ouvrages de l'art.

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Slodtz revint à Paris en 1747. Le plat Coypel, alors premier peintre du roi, et dont un certain M. de Tournehem, oncle de madame de Pompadour et directeur de l'académie, étoit embéguiné, reçut Slodtz froidement, et l'artiste resta sans travail. Bonne leçon pour les souverains! S'ils mettent à la tête des arts une espèce, c'est du dégoût qu'ils assurent aux hommes rares, et de la protection aux espèces. Le ciseau tombe des mains de Slodtz, et le voilà livré à la décoration théâtrale, aux catafalques, aux feux d'artifice et à toutes les puérilités des menus. Mais quel est sur l'homme l'effet de son talent ravalé? Le chagrin, la mélancolie, la bile épanchée dans le sang et la mort, comme il arriva à Slotz en 1764. Son sort appelle celui dụ Puget.

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On

On vante de Slodtz le tombeau du marquis Caponi à Florence, uue tête de Calchas, et les bas-reliefs dn portrait de Saint-Sulpice. Il avoit su se garantir de l'exactitude froide et de la simplicité affectée, les deux défauts où l'on tombe par une imitation servile de l'antique. Il étoit entraîné à la manière souple et gracieuse, jusqu'à lui sacrifier quelquefois la correction du dessin. Il savoit travailler le marbre, et on lui connoît peu d'égaux dans l'art de bien draper. Du reste, homme de bien, avec le sceau de l'habile-homme, saus jalousie.

LES GRAVEURS.

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I vous pensez, mon, ami, que parmi cette multitude innombrable d'hommes qui traçent des caractères alphabétiques sur le papier, il n'y en a pas un qui n'aît sa manière d'écrire assez différente d'une autre, pour qu'un expert qui sait son métier, n'en puisse attester par serment, et former la sentence du juge (1), vous ne serez pas surpris qu'il n'y

(1) Vous prenez mal votre temps, mon cher philosophe, pour me faire croire à la science des écrivainsBb

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