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comprirent à quelles conditions la Hollande pouvait être indépendante, et le système de l'indépendance s'établit sur les ruines de tous les autres.

Il est de l'intérêt de l'Europe que la France ne s'étende pas jusqu'au Rhin: c'est là le principe de l'indépendance belge; ce principe est ancien; on l'appliqua pendant deux siècles, en confiant la garde de la Belgique à d'autres peuples1; pour la première fois, les

1 Cette application se fit au moyen du système dit de la barrière.

Ce fut dans le traité de Nimègue, du 10 août 1678, qu'on posa d'une manière expresse en principe que la Belgique ne pouvait être réunie à la France.

Ce principe resta sans sanction jusqu'à la conclusion du traité de la grande alliance, du 7 septembre 1701, qui stipula que les alliés emploieraient tous leurs efforts « pour reprendre et conquérir les provinces du

Pays-Bas espagnol, dans l'intention qu'elles servent de digue, de rem<< part et de barrière pour séparer et éloigner la France des Provinces-Unies, « comme par le passé, lesdites provinces du Pays-Bas espagnol ayant fait la « sûreté des seigneurs États-Généraux jusqu'à ce que, depuis peu, Sa Majesté Très Chrétienne s'en fût emparée. » Il résulte de ce texte qu'on avait en vue principalement la sécurité de la Hollande.

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Le traité du 29 octobre 1709 reconnut de nouveau l'impossibilité de la réunion intégrale ou partielle de la Belgique à la France; disposition reproduite dans les préliminaires de paix signés par l'Angleterre avec la France le 8 octobre 1711, et dans le traité conclu par l'Angleterre avec la Hollande le 30 janvier 1813.

Enfin, le traité d'Utrecht du 11 avril 1713 stipula que les provinces belges détachées de la domination espagnole seraient confiées à la Hollande, pour ne passer en la possession de la maison d'Autriche qu'après que celle-ci se serait entendue avec les États-Généraux sur la manière dont lesdites provinces leur serviraient de barrière et de sûreté; la Hollande effectua la remise en se réservant le droit de garnison dans les forteresses belges, par le traité du 15 novembre 1715.

Le système de la barrière avait ainsi reçu son complément; il resta la base du droit public du XVIIIe siècle jusqu'au règne de Joseph II, qui fit implicitement révoquer le droit de garnison par le traité de Fontainebleau du 8 novembre 1785.

L'auteur de l'Essai sur la nécessité du rétablissement du royaume des

392 CARACTÈRE EUROPÉEN DU PRINCIPE DE L'INDÉPENDANCE BELGE

Belges sont eux-mêmes chargés de se garder. Se montreront-ils dignes de cette mission? Là est leur avenir.

L'indépendance belge, sainement entendue, n'a rien d'hostile aux autres peuples; elle assure un long repos à cette partie du continent, en dissipant une chance de guerre qui plane sur l'Europe depuis le règne de Charles-Quint. Notre révolution se recommande par un caractère tout national qu'on a ou calomnié, ou méconnu; elle n'est ni antisociale, ni antiPays-Bas (brochure de 84 pages, La Haye, 1833), après avoir énuméré les traités que nous venons d'analyser, se fonde sur l'ancien droit public pour condamner la création du royaume de Belgique et pour soutenir la nécessité d'une restauration intégrale.

Nous partons du même principe: la non-réunion de la Belgique à la France. Ce principe a reçu successivement trois applications :

1° Système dit de la barrière, c'est à dire assujettissement de la Belgique à la Hollande;

20 Établissement du royaume-uni des Pays-Bas, c'est à dire égalité politique de la Belgique et de la Hollande et union;

3o Création du royaume de Belgique, c'est à dire indépendance belge et séparation absolue.

Le rétablissement du système de la barrière est impossible: la Belgique est trop forte pour se résigner à cette condition; la Hollande ne l'est plus assez pour exercer son ancienne suprématie.

Le rétablissement pur et simple du royaume-uni des Pays-Bas est impossible deux populations auxquelles on reconnaît l'égalité politique se retrouveraient en présence; la même lutte ramènerait la même catastrophe.

Ces deux combinaisons étant épuisées, on a dû recourir à une troisième, la seule en rapport avec la civilisation moderne: la fondation d'un royaume de Belgique. De la vassalité la Belgique a passé à l'égalité, de l'égalité à l'indépendance la plus haute condition sociale.

Au delà de la troisième combinaison, dont nous faisons en ce moment l'essai, il n'y a plus que le partage.

La question n'est donc pas entre le système de la barrière ou la restauration intégrale et l'indépendance; elle est entre l'indépendance et le partage. Nous avons prouvé ailleurs que la séparation administrative était impraticable. Voyez ci-dessus, t. I, p. 30. (Note de la 3o édition.)

monarchique, ni antireligieuse; elle n'a poursuivi aucune de ces chimères qui ont égaré les révolutionnaires de la fin du xvme siècle; sont but n'a été ni la république, ni la théocratie, ni la conquête; et cependant, on a appelé sur elle l'anathème. C'est de l'Allemagne surtout que sont partis les cris accusateurs de l'Allemagne, à laquelle nous rattache une confraternité bien ancienne. Car remontons au delà de la conquête française, au delà de 1790; ce n'est plus la France, c'est l'Allemagne qui projette sa grande ombre sur la Belgique. Dans les jours de notre omnipotence révolutionnaire, avons-nous servi d'agents provocateurs, avons-nous secoué sur l'Allemagne cette anarchie dont nous avions le dépôt? L'anarchie, nous l'avons étouffée dans notre sein; nous avons servi de barrière contre la propagande française. Le peuple belge a donné l'exemple d'un haute moralité, que l'Allemagne est digne de comprendre; il y a eu des désordres, mais partiels et passagers; pas un grand crime, pas une exécution capitale n'a marqué ces deux années que nous avons traversées en nous demandant : « Où donc est le gouvernement? » De fait, la révolution a aboli la peine de mort en Belgique. L'Allemagne a comme nous des griefs contre la Hollande; le même système qui a fermé l'Escaut a entravé le Rhin; le même siècle a vu la ruine d'Anvers et celle de Cologne. De nos jours, Anvers et Cologne se regardent de nouveau en face; en nous opposant au retour du monopole hollandais, nous plaidons la cause de la Prusse rhénane.

La Belgique est encore une nouveauté pour elle

même comme pour les autres; sa situation sera mieux comprise par ses voisins, à mesure qu'elle la comprendra mieux elle-même; la science sociale s'acquiert lentement. La Belgique a son sort dans ses mains; si elle périt, ce sera par un suicide. Le temps des illusions est passé; c'est à la raison d'achever ce que l'enthousiasme a commencé, à l'union de conserver ce que l'impulsion populaire a fondé. Nos pères n'ont connu que la province et la commune; combien notre horizon s'est étendu! Au dessus de la commune et de la province, nous apparaissent la nation et l'Europe: nous avons quatre ordres d'idées à combiner et à concilier. Ne proscrivons point ce vieil amour des libertés communales et provinciales; mais que l'esprit de localité se meuve dans la sphère secondaire qui lui est assignée; gardons-nous de tomber dans des fautes pour ainsi dire héréditaires, gardons-nous d'encourir le reproche que Guillaume d'Orange adressait aux révolutionnaires du XVIe siècle « Sera-ce point un reproche à jamais sur «< nous, si, ayant un si bel estat en mains, les moyens «< si beaux, par une misérable cupidité d'attirer à nous quelques commodités au préjudice de nos compa<«<triotes, les uns tirant d'un côté, les autres de l'autre, <«< nous nous trouvons en un instant accablés par notre <<< ennemi mortel? Ayez souvenance de la très grande << diminution de cet estat à laquelle n'advint pour autre <«< chose sinon que les provinces s'amusant à débattre «<les unes contre les autres pour quelques commodités, « le reste fut abandonné. »

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FIN DE L'ESSAI.

DÉFENSE DE L'ESSAI

CONTRE LE BARON DE KEVERBERG

AU SUJET

DES CAUSES DE LA RÉVOLUTION

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