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» enfans légitimes, mais pour des enfans d'adul» tère » : Ergo adulteri, et non filii estis. S'il vous épargne la verge et la correction, craignez qu'il ne vous réserve au supplice.

Il n'est pas à propos que tout nous succède : il est juste que la terre refuse ses fruits à qui a voulu goûter le fruit défendu. Après avoir été chassés du paradis, il faut que nous travaillions avec Adam, et que ce soit par nos fatigues et par nos sueurs que nous achetions le pain de vie. Quand tout nous rit dans le monde, nous nous y attachons trop facilement; le charme est trop puissant et l'enchantement est trop fort. Ainsi, mes Frères, si Dieu nous aime, croyez qu'il ne permet pas que nous dormions à notre aise dans ce lieu d'exil. Il nous trouve dans nos vains divertissemens, il interrompt le cours de nos imaginaires félicités, de peur que nous ne nous laissions entraîner aux fleuves de Babylone, c'est-àdire au courant des plaisirs qui passent. Croyez donc très-certainement, ô enfans de la nouvelle alliance, que lorsque Dieu vous envoie des afflictions, c'est qu'il veut briser les liens qui vous tenoient attachés au monde, et vous rappeler à votre patrie. Le soldat est trop lâche qui veut toujours être à l'ombre; et c'est être trop délicat que de vouloir vivre à son aise et en ce monde et en l'autre. Il est écrit: « Mal>> heur à vous qui riez, car vous pleurerez un jour (1) ». Ne t'étonne donc pas, chrétien, si Jésus-Christ te donne part à ses souffrances, afin de t'en donner à sa gloire, et s'il te fait sentir les piqûres de tant

(1) Luc. VI. 25.

d'épines

d'épines qui percent sa tête. Est-ce être maltraité, que d'être traité comme Jésus-Christ? est-ce être maltraité que d'être inquiété où le plus grand malheur c'est d'être en repos?

Par conséquent, chrétiens, montons avec JésusChrist en Jérusalem: prenons part à ses opprobres et à ses souffrances : buvons avec lui le calice de sa passion. La matière ne manquera pas à la patience. La nature a assez d'infirmités, le monde assez d'injustices, ses affaires assez d'épines, ses faveurs assez d'inconstances, ses rebuts assez d'amertumes, ses engagemens les plus agréables assez de captivités : il y a assez de bizarreries dans le jugement des hommes, et assez d'inégalités, de contrariétés dans leurs humeurs. Ainsi, de quelque côté et par quelque main que la croix de Jésus-Christ nous soit présentée, embrassons-la avec joie, et portons-la du moins avec patience. «Regardez, dit le saint apôtre, Jésus>> Christ qui nous a donné et qui couronne notre foi. Songez que la joie lui étant offerte, il a préféré la » croix, il a choisi la confusion; et maintenant il est » assis glorieux à la droite de son Père (1) ». Voici une perte de biens, une insulte, une contrariété, une maladie : « Pensez donc sérieusement à celui qui a souffert une si horrible persécution par la » malice des pécheurs, afin que votre courage ne » défaille pas, et que votre espérance demeure » ferme » Ut ne fatigemini animis vestris deficientes (2).

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Quels vices avons-nous corrigés? quelles passions avons-nous domptées ? quel usage avons-nous fait (1) Heb. XII. 2. — - (2) Ibid. 3.

BOSSUET. XII.

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des biens et des maux de la vie? Et populus ejus non est reversus ad percutientem se, et Dominum exercituum non exquisierunt (1) : « Le peuple n'est

point retourné vers celui qui lé frappoit, et ils » n'ont point recherché le Dieu des armées ». Quand Dieu a diminué nos biens, avons-nous songé en même temps à modérer nos excès ? quand la fortune nous a trompés, avons-nous tourné notre cœur aux biens qui ne sont point de son ressort ni de son empire? au contraire n'avons - nous pas été de ceux dont il est écrit: Dissipati sunt, nec compuncti (2); «Ils ont été affligés sans être touchés de componc>>tion>> ? Serviteurs opiniâtres et incorrigibles, qui se révoltent même sous la verge, frappés et non corrigés, abattus et non humiliés, châtiés et non convertis. Pharaon endurcit son cœur sous les coups redoublés de la justice; la mer l'engloutit dans ses abîmes.

O Dieu, que nous recevons mal les afflictions ! Nous sentons la peine du péché, et nous n'en fuyons pas la malice. Notre foiblesse gémit sous les fléaux de Dieu, et notre cœur endurci ne se change pas. Quand il appuie sa main, nous promettons de nous » convertir; s'il retire son glaive, nos promesses » s'évanouissent; s'il frappe, nous crions qu'il nous

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pardonne; s'il pardonne, nous le contraignons de >> redoubler ses coups » : 'Si feriat, clamamus ut parcat; si parcit, iterum provocamus ut feriat (3). L'impatience nous emporte, s'il tarde à nous secourir; nous redevenons insolens, s'il est prompt et

(1) Is. 1x. 13. — (2) Ps. xxxiv. 19.— (3) Ex Miss. Gallic. tom. 11, Annal, Eccl. Franc. pag. 505.

facile à se relâcher. Quand nous sommes pressés par la maladie, nous demandons du temps pour nous convertir si Dieu nous rend la santé, nous nous moquons, nous abusons de la patience qui nous attend: sous les coups, nous reconnoissons la justice qui nous châtie, et après nous oublions la bonté qui nous épargne.

Vous, qui n'avez que Dieu pour témoin; vous, qui êtes à la croix avec Jésus-Christ, non comme le voleur qui blasphême, mais comme le pénitent qui se convertit; prenez garde seulement, n'irritez pas Dieu par vos murmures, n'aigrissez pas vos maux par l'impatience. [ Rappelez-vous les paroles consolantes que Jésus-Christ adresse à ce pécheur repentant ] « Aujourd'hui vous serez en paradis avec » moi » : Hodie mecum eris in paradiso (1). Hodie, aujourd'hui; quelle promptitude! Mecum, avec moi; quelle compagnie! In paradiso, dans le paradis; quel repos!

(1) Luc. XXIII. 43.

E

II. SERMON

POUR LE DIMANCHE

DE LA QUINQUAGÉSIME.

Ignorance, désordre, inconstance de l'homme loi de Dieu, lumière de l'esprit, règle de la volonté, repos de l'ame..

Cogitavi vias meas, et converti pedes meos in testimo

nia tua.

J'ai étudié mes voies, et enfin j'ai tourné mes pas du côté de vos témoignages. Ps. cxvIII. 59.

PUISQUE la licence effrénée tient maintenant ses grands jours, puisqu'en haine de la pénitence que nous allons bientôt commencer, le diable s'efforce de noircir ces jours par l'infamie de tant d'excessives débauches; c'est une institution sainte et salutaire de les sanctifier autant que nous le pourrons par des prières publiques et par la parole divine. Mais comme durant ce temps les hommes ensevelis dans le vin, la bonne chère, les délices brutales, semblent avoir oublié qu'ils sont faits à l'image de Dieu, puisqu'ils égalent leur félicité à celle des bêtes brutes; j'ai cru que je ferois une chose fort profitable à votre salut, si je vous représentois aujourd'hui avec le prophète David les vrais devoirs de la vie humaine. C'est

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