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L'acquéreur est celui qui acquiert à titre onéreux.

ACQUIT. (Législation.) On désigne ainsi tout acte par lequel on déclare avoir reçu le montant d'une obligation.

Les mots pour acquit, accompagnés de la signature du porteur d'un billet à ordre, constatent que le paiement en a été effectué entre ses mains.

Payer en l'acquit d'un tiers, c'est acquitter la dette à laquelle ce tiers se trouvait personnellement obligé.

L'acquit-à-caution est un certificat délivré au bureau des douanes ou des contributions indirectes pour faire passer librement des marchandises au lieu de leur destination.

D'après la loi du 22 août 1791, il n'est dû aucun droit d'entrée ni de sortie pour les marchandises expédiées par mer, d'un port de France à un autre, en passant par l'étranger : mais ces marchandises sont déclarées vérifiées et expédiées sous acquit-à-caution contenant soumission de rapporter, dans un délai fixé suivant la distance des lieux, un certificat de l'arrivée ou du passage des marchandises au bureau désigné, ou de payer le double droit de sortie. COFFINIÈRES.

ACQUITTEMENT. (Jurisprudence.) C'est la déclaration faite par le juge, ou par les juges, que le prévenu ou l'accusé est innocent de la contravention ou du crime dont on l'accuse. Dans les cours d'assises, l'acquittement est prononcé par le président, après la déclaration du jury qui déclare l'accusé non coupable du crime qu'on lui impute. La mise en liberté est la conséquence naturelle de l'acquittement.

ACRE (Saint-Jean d'). (Géographie et Histoire.) Cette ville, appelée Acsaph chez les Hébreux, Acco chez les Grecs, Ptolémaïs chez les Romains et au moyen âge, et maintenant Akha par les Turcs, est le chef-lieu de d'un éyalet de même nom, dans la Turquie d'Asie. Située sur une baie de la Méditerranée, au pied du mont Carmel, elle est la résidence d'on pacha. Quoique sale et mal bâtie, elle a quelques beaux édifices, tels que le palais du pacha, la mosquée bâtie par Djezzar, les bazars, les bains publics, etc. Le port, quoique engorgé, est un des meilleurs de la côte. Il sert d'entrepôt aux cotons de la Syrie.

Saint-Jean d'Acre a joué un grand rôle dans l'histoire des croisades. Godefroi s'en était emparé presque sans résistance en 1100. Saladin y entra de même en 1187, après la bataille de Tibériade, et voulant opposer aux chrétiens, comme un boulevard, la ville qui avait favorisé leur premier débarquement, il y fit exécuter de grands travaux de fortification. Ces travaux n'étaient pas encore achevés quand une flotte chrétienne parut à l'horizon, occupa la rade, et débarqua une nom.

breuse armée, qui s'établit autour de la ville. Le siége commença au mois de septembre 1189. Les croisés assiégeaient la ville, et étaient eux-mêmes assiégés dans leur camp par Saladin, qui occupait les montagnes voisines. Pendant deux ans cet état de choses se prolongea avec des alternatives de succès et de revers pour les deux partis. Tantôt Saladin, voyant ses communications avec la ville interrompues, et les chrétiens bien enfermés dans leur camp, désespérait de leur faire lever le siége; tantôt les chrétiens, harcelés par Saladin, décimés par la maladie, en proie à tous les genres de misère, étaient au moment d'abandonner leur entreprise. Enfin, au printemps de l'année 1191, Philippe-Auguste de France et Richard d'Angleterre arrivèrent avec de nouvelles forces. Les travaux du siége reprirent alors une nouvelle ardeur, et la ville se rendit après une défense désespérée.

Les chrétiens, instruits par l'exemple de leurs ennemis, résolurent de défendre, à l'aide de Saint-Jean d'Acre, fortifiée encore et rendue imprenable, les conquêtes qu'ils avaient l'intention de faire. Mais Jérusalem resta au pouvoir des musulmans, et Saint-Jean d'Acre devint la capitale de ce qui restait des colonies chrétiennes fondées par les croisés et la résidence du roi de Jérusalem. Alors le commerce y apporta la richesse, le luxe y déploya sa magnificence, et Saint-Jean d'Acre devint une ville importante.

Mais cette importance ne devait pas durer longtemps; les musulmans ne souffraient qu'avec peine la présence des chrétiens en Syrie; le sultan d'Égypte, Malek-Aschraf, entreprit d'anéantir les colonies chrétiennes, et il vint, en 1291, mettre le siége devant SaintJean d'Acre. Ce fut en vain que les Hospitaliers, les Templiers, les chevaliers de l'ordre Teutonique firent pour la défendre des prodiges de valeur; elle fut prise, ses fortifications furent rasées, son port comblé, et le commerce de l'Asie prit une autre route.

L'histoire cessa alors de faire mention de Saint-Jean d'Acre, dont le nom ne reparut plus qu'au dix-huitième siècle. A cette époque un cheik arabe, Daher, y établit sa résidence et en commença la restauration. Son successeur, Djezzar-Pacha, continua d'y rappeler la prospérité. En 1799, Bonaparte se présenta devant ses murs, et y trouva une vive résistance, appuyée par la flotte anglaise de Sydney Smith. L'armée française n'avait pas d'artillerie de siége; elle était décimée par la peste, et, au bout de 61 jours, le siége fut levé. Mais il finit par une terrible exécution; le reste des munitions fut employé à détruire les fortifications et les édifices publics de la ville.

En 1832, Saint-Jean d'Acre subit une nouvelle attaque, qui réussit cette fois; Ibrahim

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Paclia s'en empara après un siége de courte durée. Les Anglais la rendirent aux Turcs, en 1840, après l'avoir bombardée et en partie détruite.

La population de cette ville, composée de Turcs, d'Arabes et de juifs, est évaluée à 20,000 habitants.

Y.

AGROAMATIQUES. (Philosophie.) Ce mot, qui vient du grec axpózuaι, étre auditeur, se dit de certaines doctrines non écrites, mais transmises oralement à un petit nombre d'élus, parce qu'on les juge inaccessibles ou dangerenses pour la foule. Quelquefois même on étend cette qualification à des doctrines écrites, lorsqu'elles portent sur les points les plus ardus de la science, et qu'elles sont rédigées dans un langage en rapport avec le sujet. C'est ainsi que tous les ouvrages d'Aristote ont été divisés en deux classes: les livres exotériques, destinés à un grand nombre de lecteurs, et les livres acroamatiques, réservés à quelques dis ciples choisis, à quelques adeptes, si ce mot peut s'employer en pareil cas.

X.

ACROBATE. Ce mot, qui vient du grec ȧxpobaτéw, marcher sur la pointe du pied, s'emploie pour indiquer certains faiseurs de tours, et principalement ceux qui font leurs exercices sur une corde lâche ou tendue, soit horizontalement, soit obliquement. Les Romaius en distinguaient de quatre sortes; car la chose, comme le mot, remonte à une haute antiquité; mais aujourd'hui, ce genre d'exercice est peu cultivé chez nous; il a fait place à d'autres. Nous avions cependant encore, il y a quelques années, des théâtres d'acrobates; mais peu à peu le goût du public l'exigeant sans doute, la parole y a remplacé l'action : on y joua d'abord des pièces à trois personnages, où le dialogue devait être précédé de quelques passes sur la corde; puis le privilége s'est étendu, et aujourd'hui la corde et le balancier ont complétement cédé la place au drame et au vaudeville.

X.

ACROCÉRAUNIENS. (Géographie.) Les monts Acrocérauniens n'ont pas été décrits dans l'antiquité; les poëtes ont attaché à leur nom une célébrité toute mythologique, les his toriens et les géographes n'ont mentionné avec quelques détails que les villes du littoral de cette partie de l'Épire. Les voyageurs modernes eux-mêmes n'ont exploré cette chaîne que fort tard. Avant M. Pouqueville on manquait entièrement de détails sur l'étendue et l'élévation des monts Acrocérauniens, sur les ruines, les habitations, les peuples qu'ils renfermaient; et pour cette raison les deux cha. pitres qu'il a consacrés à la description de l'Acrocéraune sont peut-être les plus curieux de son livre il semble y raconter une découverte.

La chaîne des monts Acrocérauniens, ap

pelés aujourd'hui monts de la Chimère, se di-
rige du S. E. au N. O. sur une longueur d'en-
viron 16 lieues, dans la partie méridionale du
Sandjak d'Aulone; elle se termine au N. O.
au cap de la Linguetta, qui ferme au S. le
golfe d'Aulone, et s'étend au N. jusqu'à l'em-
ouch ure de la Voïoussa; au S., elle vient
finir aux environs de Delvino; à l'E, le cours
de la Voïoussa (anc. Aous) et celui de l'Ar-
gyro Castro, un de ses affluents, la suivent et
la limitent. Cette chaîne est une des branches
de la chaîne hellénique et elle tient au Mez-
zovo ou Pinde, qui est le centre des montagnes
de la péninsule grecque. Le versant occidental
des monts Acrocérauniens présente des pré-
cipices affreux, des pics élevés et sombres,
une végétation aride; l'aspect du versant op-
posé est tout différent.

Les bourgades citées par le voyageur dans
la partie occidentale de l'Acrocéraune sout
Chimara, chef-lieu d'une juridiction qui com-
prend la plus grande partie de la Chaonie ma-
ritime des anciens, Vouno, à deux lienes plus
loin, Liatis, Drimadez, Palæassa et le port
de Condami. M. Pouqueville a découvert sur
ce versant diverses ruines; entre autres, près
de Chimara, une enceinte pélasgique. Nous ne
rappellerons pas ici les considérations de géo-
graphie ancienne qu'il a exposées à cette
occasion M. Letronne (Journal des Sa
vants, 1828) a suffisamment montré combien
elles manquaient de justesse; mais il a dé-
terminé avec plus de bonheur le lieu où César
aborda pour aller combattre Pompée, et re-
connu, près du val d'Orso, l'emplacement
probable de la ville des Daorsi, peuple qu'on
ne connaissait que par les médailles.

La partie orientale de l'Acrocéraune est appelée aujourd'hui Japourie, dénomination qui dérive du nom ancien d'lapygie; le cheflieu en est Dukates, dont on attribue la fondation à Michel Ducas. A une lieue et demie de Dukates, M. Pouqueville a reconnu les raines de la ville d'Oricum, mentionnée souvent par les historiens anciens. Les autres cantons de la Japourie sont celui de Canina ( peut-être l'ancienne Eneus), qui renferme les lieux de Dragiates, de Radima, de Mavrona, de Crionero; et le canton de Coudessi, qui comprend quatorze villages répandus autour de la vallée que baigne la Suchista, le territoire ancien d'Apollonie et ces fameuses mines de bitume décrites si poétiquement par Plutarque dans la vie de Sylla.

Dans la partie septentrionale de l'Acrocéraune, M. Pouqueville a encore signalé l'emplacement de plusieurs villes anciennes, Amantia, que Cicéron, César, Pline ont nommée comme une ville importante, Byllis, suivant la ville des Bylliones qui habitaient, Strabon, depuis Épidamne et Apollonie jus

qu'aux monts Cérauniens; il a aussi reconnu la voie romaine qui remontait d'Apollonie par Byllis et Amantia à Buthrotum avec des embranchements sur Oricum, Paleste et le port de Panorme. M. Pouqueville termine la description de l'Acrocéraune par le tableau le plus triste de la barbarie, de l'ignorance et de la misère des quarante-cinq mille individus qui en composent la population.

AMÉDÉE TARDIEU.

ACRODYNIE (1). (Médecine.) En 1828 et 1829, les médecins observèrent à Paris une maladie épidémique dont le symptôme le plus saillant était un fourmillement douloureux, ayant son siége constamment aux pieds, et plus rarement aux mains. Un jeune médecin, M. Dance, que le choléra a enlevé prématurément à la science, a donné de cette maladie une excellente monographie, à laquelle nous emprunterons la substance de cet article.

La maladie débutait par des engourdisse. ments, des fourmillements, quelquefois même des élancements aux mains et aux pieds, mais plus souvent dans ces dernières parties. Ces douleurs, dont l'intensité variable était cependant plus forte la nuit que le jour, dépassaient rarement les poignets et les malléoles, bien que, dans quelques cas, elles s'étendissent le long des membres jusqu'au tronc, et même au cuir chevelu. Elles étaient, le plus souvent, accompagnées de perversion ou de diminution de la sensibilité des parties affectées. C'était au début un sentiment de froid,❘ qui plus tard était suivi d'une sensation de chaleur brûlante; souvent les parties malades devenaient tellement sensibles que la moindre pression, le contact même était douloureux. Les corps les plus polis semblaient parsemés d'aspérités; d'autres fois, le tact était en quel que sorte aboli. Enfin, tous ces symptômes pouvaient aller jusqu'à l'engourdissement, la contracture, la paralysie des membres, dans l'épaisseur desquels se faisaient néanmoins sentir, par intervalles, de violentes douleurs accompagnées de crampes, de tressaillements, de soubresauts des tendons.

Parfois il se manifestait, aux extrémités, une rougeur érythémateuse, quelquefois même des éruptions de divers caractères, mais le plus souvent sous forme de petits boutons rouges et coniques. Dans quelques cas il y avait desquamation, à la suite de sueurs locales; le corps muqueux se trouvait alors à nu, et les parties acquéraient une sensibilité douloureuse. La fièvre, du reste, était le plus ordinairement nulle ou fort modérée, et l'insomnie n'était causée que par la vivacité des douleurs.

Il était rare que les fonctions digestives ne

(1) Des mots grecs áxpoç, à l'extrémité, et òòúvn,

douleur.

fussent point altérées dans le cours de la maladie; cependant ce trouble était tellement variable, que chez certains malades il n'y avait que perte d'appétit jointe à un sentiment de pesanteur à l'estomac, tandis que chez d'autres on observait des vomissements, des coliques, et le plus souvent du dévoiement alternant avec la constipation. Dans les cas les plus graves, des évacuations sanguinolentes avaient lieu par haut et par bas.

Dans la plupart des cas, la terminaison fut heureuse, malgré les rechutes; la mort n'eut lieu, en général, que chez des sujets âgés et affaiblis, ou atteints de maladies intercur rentes.

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Les causes de cette singulière épidémie sont restées inconnues : les influences de régime, de condition, de localité, n'ont rien of fert de constant; aucun âge, aucun sexe n'a été épargné; les hommes, toutefois, y ont été sujets plus que les femmes; l'âge viril et la vieillesse, plus que l'enfance et la jeunesse.

Comme dans toutes les épidémies, les traitements les plus contraires ont été suivis de succès égaux; en sorte que les résultats ob tenus pour la thérapeutique de cette affection sont plutôt négatifs que positifs : c'est, du reste, le propre des constitutions épidémiques de déjouer tous les efforts de l'art.

A. DUPONCHEL.

ACROSTICHE. (Littérature.) C'est un petit poëme qui tient au Parnasse un rang distingué entre la charade, l'énigme, le logogriphe, les bouts-rimés, et autres niaiseries littéraires. L'acrostiche se compose d'autant de vers qu'il y a de lettres dans le nom qu'on a pris pour sujet. Chaque vers doit commencer par une des lettres de ce nom, prises de suite. Ainsi, pour faire un acrostiche sur le mot Nicolas, le premier vers commencera par un N, le second par un I, etc., de ma nière que le nom entier se trouve inscrit à la gauche du poëme. Quand on veut doubler la difliculté, et par conséquent le mérite de l'ouvrage, on redouble l'acrostiche, c'est-à-dire qu'on place une seconde fois le nom à l'hé mistiche; c'est atteindre le sublime du genre. L'acrostiche se consacre ordinairement à la louange d'un grand roi, d'un prince, d'un protecteur, d'un bon-papa, ou d'une maîtresse. Ce poëme était jadis exclusivement à l'usage de la flatterie et de la galanterie. Dans le temps où l'on faisait un cas particulier des titres, des cordons et des parchemins, les acrostiches étaient fort à la mode; les abbés et les marquis se livraient surtout à ce genre de poésie. L'acrostiche était alors un poëme de cour ou de ruelle; tout l'esprit s'y trouve au commencement des vers, comme dans les bouts-rimés il est à la fin. Hâtons-nous de dire que le goût a depuis longtemps fait jus

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ACTE. (Art dramatique.) Acte, en poésie, signifie une division du drame qui sert à reposer l'esprit du spectateur, et en même temps à marquer, comme par des jalons, la route parcourue par le poëte. L'acte subit luimême des subdivisions déterminées par l'entrée ou la sortie des divers personnages, et ces subdivisions prennent le nom de scènes, chez nous du moins car dans le théâtre anglais, où les changements de lieu se multiplient indéfiniment, une nouvelle scène ne commence qu'au moment où l'action se transporte d'un endroit dans un autre.

Les Grecs ignoraient cette division par actes. Chez eux, jamais la scène n'était vide : si les héros du drame se taisaient, le chœur prenait la parole, et tenait éveillée l'attention de l'amphithéâtre. Les Romains, dont l'esprit moins littéraire était plus prompt à la fatigue, senti. rent le besoin d'établir, pour ainsi dire, des étapes sur la route que leur attention devait parcourir. L'usage et la volonté des poëtes, appuyée de l'approbation du public, fixèrent le nombre de ces divisions à cinq, et Horace fit une loi de cet usage:

Neve minor, neu sit quinto productior actu
Fabula.

Ce précepte,consigné dans l'Art poétique, resta sacré pour les Romains, et au moment où les poëtes français du dix-septième siècle tirèrent l'art dramatique de son long sommeil, le conseil donné par Horace sortit en même temps de l'oubli, et, comme jadis, eut de nouveau force de loi. En effet, Corneille et surtout Racine, qui allèrent chercher leurs inspirations dans la tragédie grecque, qui en firent leur étude et leur modèle, l'assujettirent aux règles établies par les Romains. Au reste, il faut que cette division en cinq actes comporte de grands avantages, il faut qu'elle réunisse bien les conditions nécessaires à la conduite et au développement de l'action; car Shakspeare, cet esprit libre et indépendant, Shakspeare qui refusa de coucher son génie sur ce lit de Procuste, et ne voulut pas entrer dans cette prison à triple muraille que les anciens avait édi fiée à l'aide des trois unités, Shakspeare a

(1) Du grec ἀκρωτήριον.

cependant adopté pour ses chefs-d'œuvre ce nombre de cinq actes.

Si la tragédie se montra satisfaite des limites que lui imposait ainsi une vieille loi régénérée par elle-même, si elle s'astreignit volontairement à développer les caractères, à nouer et à dénouer les événements qu'elle mettait en scène, en cinq actes, ni plus ni moins, quelle que fût la portée ou l'insignifiance de ces ca. ractères, quelle que fut la simplicité ou la complication de ces événements, la comédie se montra plus récalcitrante l'intérêt résul tant d'une intrigue habilement conduite, artistement filée, comme on dirait aujourd'hui, n'était pas ce que cherchait alors la comédie; elle frappait sur les vices, raillait les ridicules, peignait les mœurs; elle avait la préten tion d'amuser et d'instruire, non d'intéresser. Pour arriver au but qu'elle se proposait, il lui fallait broder sur un léger canevas de piquants détails, grouper autour d'une action vulgaire et insignifiante des caractères fortement conçus et habilement tracés. Or la principale condition de la comédie est d'être amusante si elle n'appelle pas constamment le rire sur les lèvres du spectateur, ou la méditation dans son esprit, cachant la morale sous la gaîté, et faisant ressortir l'enseignement du plaisir, elle est perdue. Que faire donc, si le caractère choisi par l'auteur n'admet pas de longs déve loppements; si le vice ou le ridicule qu'il attaque, peu varié dans ses effets, menace son ouvrage de monotonie; si la peinture de mœurs qu'il a entreprise doit être renfermée dans un cadre peu étendu, si c'est un tableau de genre enfin qu'il a à faire? Molière se trouva en face de cette difficulté, et il aima mieux laisser de côté une règle toute de convention, que de risquer la défaite, dans une lutte à armes inégales, contre l'ennemi mortel de toute œuvre comique, contre l'ennui. Il résolut de réduire les proportions de son œuvre, selon que le sujet l'exigerait, et c'est à cette décision que nous devons Georges Dandin, l'École des Maris, les Précieuses ridicules, le Mariage forcé, etc. Un exemple frappant fera comprendre la justesse d'esprit que déploya Molière en se décidant ainsi : dans un temps où, ignorant probablement sa force, il n'osait pas encore opposer aux règles établies les inspirations de sa haute raison, il fit le Dépit amoureux; la pièce avait cinq actes, et, surchargée de détails inutiles, encombrée de longueurs fatigantes, elle serait sans doute aujourd'hui abandonnée exclusivement aux méditations des lecteurs, si M. O. Leroy n'eût eu l'idée d'extraire la pierre précieuse cachée dans sa grossière monture. Grâce à lui, le Dépit amoureux se joue maintenant, remis en deux actes, et cette hardie mutilation (blamable en général, selon nous, mais justifiée

par le succès en cette circonstance) en a fait un des ouvrages de l'ancien répertoire que l'on revoit avec le plus de plaisir.

Molière avait donc ainsi, et non sans de bonnes raisons, acquis à la comédie une liberté que la tragédie se refusait. Après lui, son exemple fut suivi, bien que la comédie n'ait pas tardé à changer de but et de destination. La comédie de mœurs et de caractères fit place peu à peu à la comédie d'intrigue, à mesure que les sujets s'épuisèrent. En effet, la reproduction des originaux existants a des bornes que n'a pas l'imagination on peut inventer toujours, on a bientôt tout imité. Cependant les nouveaux auteurs comiques ne se montrèrent pas disposés à se départir du bénéfice que leurs devanciers leur avaient transmis. La comédie ainsi transformée garda son indépendance, que le drame, révolutionnaire dans son essence, préféra, comme de juste, aux barreaux qui enfermaient la tragédie, et contre lesquels, brusque et remuant comme il est, il se fût sans cesse heurté. Aujourd'hui la question est jugée, et toute œuvre dramatique a incontestablement le droit de s'étendre en un, deux, trois ou quatre actes, selon son bon plaisir. Au reste, satisfait d'avoir ainsi fait acte d'indépendance, l'ancienne division est celle que le drame affectionne le plus, et il la conserve le plus souvent.

Outre la lutte, terminée par la victoire, qui a permis à l'auteur dramatique de rester en deçà de la limite prescrite par Horace, le drame a fait et fait encore de temps en temps quelques tentatives pour s'aventurer au delà. Mais ces entreprises sont rarés; car on ne peut guère regarder comme coupables de pareille audace, les pièces où l'auteur combat, à l'aide des tableaux, l'unité de lieu trop gênante encore. Les tableaux ne sont qu'une division de l'acte; Corneille lui-même en a usé dans le Cid et dans Cinna, bien qu'à présent le théâtre français supprime en général les changements de décoration nécessités par l'action, et qu'en conservant ce vestibule perpétuel, ennemi mortel de la vraisemblance, il donne à Corneille un ridicule que le grand poëte avait évité. C'est là un grand exemple, et d'ailleurs la longueur des ouvrages représentés, l'immense quantité d'imagination qu'on y dépense, l'intérêt compliqué qu'on y prodigue, si fatigant pour l'esprit de celui qui écoute, rendent peut-être au moins utiles ces suspensions multipliées, et ces changements de lieu qui réveillent de temps en temps l'attention lassée du spectateur. Hâtons-nous d'ajouter que l'ap. probation accordée à l'usage ne justifie pas l'abus.

ST. A. CHOLER. ACTE. (Législation.) C'est, en général, tout ce qui se dit, se fait ou s'écrit; et, dans ENCYCL. MOD. T. I.

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un sens restreint, c'est un écrit qui constate qu'une chose a été dite, ou faite acte et action semblent synonymes; ils sont cependant différents, car ou l'action procède de l'acte, ou l'acte de l'action.

Les actes se divisent d'abord en actes authentiques et en actes privés.

Un acte est dit authentique, d'après l'étymologie grecque, parce qu'il a un auteur certain, et par conséquent une autorité. Les actes authentiques appartiennent à l'une des quatre classes suivantes: 1° les actes législatifs et ceux qui émanent du pouvoir exécutif ou gouvernement; 2° les actes judiciaires; 3o les actes administratifs; 4° enfin les actes reçus par les notaires.

On pourrait encore diviser en deux grandes classes les actes authentiques; savoir: 1° tous ceux qui sont relatifs à des intérêts purement civils; 2o ceux qui tendent à constater et punir les contraventions, les délits et les crimes.

La loi accorde aux actes authentiques le privilége de faire pleine foi de ce qu'ils contiennent jusqu'à inscription de faux.

Les actes privés sont tous des écrits faits par des particuliers, sans le ministère d'aucun fonctionnaire ou officier public. Tous actes peuvent être faits de cette manière, sauf les exceptions relatives à ceux qui doivent être notariés ; et en outre un grand nombre d'actes privés tels que le testament olographe, le billet à ordre, sont assujettis à certaines formes dans leur rédaction. La loi refuse aux actes privés le privilége qu'elle accorde aux actes authentiques; quand des écritures privées ont la forme d'un acte, elles ne produisent qu'une apparence ou un commencement de preuve. Celui à qui on oppose cet acte est obligé d'avouer ou de désavouer sa signature, et si elle est déniée, on est admis à en faire la vérification par tous les genres de preuves.

Nous examinerons au mot Langue ce qui est relatif à celle dans laquelle les actes doivent être écrits, et les questions importantes que ce sujet fait naître, en prenant en considération la situation politique de chaque peuple. Voyez ÉTAT civil, NOTORIÉTÉ, etc.

COURTIN.

ACTE ADDITIONNEL. (Histoire.) Lorsque Napoléon, échappé de l'île d'Elbe, débarqué au golfe Juan, accueilli partout avec enthousiasme dans sa marche rapide à travers la France, se retrouva à Paris, aux Tuileries, assis dans le même appartement et sur le même siége que Louis XVIII avait quitté la veille, il regarda autour de lui, et comprit que les choses n'étaient plus telles qu'il les avait laissées. Pendant dix ans, il avait travaillé à établir sa puissance absolue, à courher sous son despotisme impérial cette forte nation qui avait secoué la tyrannie et qui

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