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faut que l'emprunteur vende à des taux élevés, ce qui ruine le consommateur; ou qu'il se borne à un gain si médiocre qu'il ne peut cou. vrir ses pertes, ce qui amène les nombreuses faillites dont nous sommes journellement spectateurs.

Qu'est-ce toutefois que l'agiotage qui s'exerce sur les valeurs réelles, comparé à celui qu'on ne cesse d'exercer sur les valeurs fictives? Qui ne se rappelle le scandaleux trafic du gouvernement, des fonctionnaires et des citoyens, sur les assignats et les mandats? Qui ne sait que de nos jours les bons royaux, dont l'émis sion n'est ni limitée par la loi, ni soumise à une surveillance indépendante du ministère, pourraient ouvrir la porte d'un nouvel abus ? Qui ne voit journellement les agioteurs envahir la bourse, vendre sans pouvoir livrer, acheter sans pouvoir payer, exploiter l'escroquerie d'heure à heure, de jour à jour, de mois à mois? L'un, novice encore, ne s'exerce que sur des sommes modestes; l'autre, plus aguerri, ose, la bourse vide, opérer sur des millions : et, comme si l'heure des marchés publics ne suffisait pas à leur voracité financière, quand le parquet est fermé, ils vont spéculer dans la coulisse; lorsque la bourse se ferme, ces boxeurs de la finance se cramponnent dans la rue, et vont spéculer dans le ruisseau; le soir, la nuit, ils ouvrent encore des tripots de jeu et de pari, car le jour ne suffit pas à ce rapace agiotage, à moins qu'il ne commence la veille pour ne finir que le lendemain.

Quel est le peuple dont la morale ne serait corrompue par un pareil trafic? Et que serait-ce encore si nous osions le poursuivre dans les marchés, les fournitures, les soumissions, car il n'est point de porte qu'il ne se soit ouverte, et de barrière qu'il n'ait franchie? Mais si nous ne pouvons surveiller l'agiotage sur les routes publiques, du moins nous est-il permis d'envisager son influence sur le crédit particulier. Et d'abord le papier du négociant n'est point de l'argent et ne peut être échangé au pair, il faut nécessairement qu'un intérêt, un bénéfice détermine à courir les risques de l'échange. Cet obstacle se lève toujours de bonne foi, souvent même avec un rare désintéressement, chez les banquiers, les capitalistes, les négociants: mais dans le trafic clandestin dont nous traitons, qui évalue les risques? qui fixe la prime qui doit les couvrir? ce n'est pas la loi, c'est l'agioteur. Il y a mieux : malgré cette prime, on ne veut point de la signature isolée de l'emprunteur; il est forcé de chercher des endosseurs, et ceux-ci exigent encore un autre agio! Qui ne voit que ces usures accumulées ruinent le commerçant ? qui ne voit encore que les agioteurs lui ont prêté non de l'argent, mais une simple garantie? car les endosseurs n'y sont que pour leur signature; et le prê

teur, qui par la sienne donne une valeur à la lettre de change, la rejette dans le commerce, et en retire le montant qui lui sert à une spéculation nouvelle. Ici s'offre un abus plus singulier à l'intérêt, aux diverses signatu res, on veut ajouter d'autres garanties, et l'on demande des valeurs en nantissement; l'emprunteur cède le gage, et, dans l'impossibilité d'en échanger la valeur contre de l'argent, il ajoute aux pertes qu'il a faites lors de l'emprunt les pertes qu'il fait plus tard par l'abandon à vil prix du nantissement qu'il a cédé.

Arrêtons nous, c'est assez marcher dans la boue. Quelques écrivains ont pensé que l'agiotage était un moyen actif de circulation et augmentait les richesses. Il y a mutation et non augmentation, car avec l'agiotage il n'y a pas de profit pour l'un qu'il n'y ait perte pour l'autre : l'agiotage est comme les privilé ges politiques, il ne produit rien, et souvent empêche qu'on ne produise; il ne vit point par lui-même, mais de la substance de l'industrie à laquelle il s'attache. Plus on voit de banqueroutes, plus l'agiotage a de succès: sa prospérité croft en raison directe du malheur des temps, car alors l'industrie est forcée de se livrer à lui, et, profitant des calamités publi ques, il ne capitule pas avec elle, il vent qu'elle se rende à discrétion.

Quand la politique favorise les agioteurs, elle finit par devenir elle-même un agiotage. Le gouvernement directorial en offre la preuve: quand les agioteurs républicains ne trouvèrent plus rien à vendre, ils vendirent la république. Voyez BANQUE, COMMERCE, JEUX DE BOURSE, JEUX PUBLICS, INDUSTRIE, LETTRES DE CHANGE, LOTERIE, MONNAIES, PAPIER MONNAIE, USURE. J.-P. PAGÈS.

AGNADEL OU AGNADELLO. (Géographie et Histoire.) Bourg situé dans le royaume Lombard Vénitien, province de Lodi, sur un canal, entre l'Adda et le Sério; on y compte 1,800 habitants.

Louis XII y remporta, le 14 mai 1509, une victoire complète, sur les Vénitiens comman. dés par l'Alviane et le comte Pitigliano. L'Alviane tomba au pouvoir des Français, qui prirent en outre vingt pièces d'artillerie.

En 1705, une nouvelle bataille fut livrée près d'Agnadel par le duc de Vendôme au prince Eugène, et cette fois encore la victoire fut pour les Français.

AGNANO (Lac d'), Anianus lacus. (Géographie.) Lac du royaume de Naples. Il est formé par le cratère d'un ancien volcan. Sur ses bords se trouvent les Étuves de SaintGermain et la Grotte du Chien, et à un kilomètre de distance, la vallée de la Solfatara. De temps en temps, les eaux du lac, quoique froides, semblent être en ébullition. — AGNANO est aussi le nom d'une ville de Toscane, si

tuée à 8 kilomètres N. E. de Pise, et qui possède des eaux minérales.

AGNAT. (Législation.) La famille romaine se composait de plusieurs personnes réunies sous la puissance d'une seule, et de la personne elle-même exerçant cette puissance : c'était le père de famille. Tous ceux qui étaient soumis à ce pouvoir paternel étaient agnats entre eux. On entrait dans la famille par mariage, par adoption, et alors on acquérait les droits des agnats. On en sortait par l'adoption dans une autre famille, par l'émancipation, et alors les droits d'agnation cessaient. La transmission de ces droits, provenant du chef de famille, ne pouvait s'effectuer que par les måles. De là vient que la descendance des mâles a été considérée comme cause de l'agnation, quoiqu'elle n'en fût que la cause éloignée : c'était l'unité de la famille qui constituait réellement l'aguation.

La cognation était le corrélatif de l'agnation. Elle exprimait la descendance d'une même souche, mais sans unité de famille. Deux frères utérins, c'est-à-dire nés de la même mère et de deux pères différents, étaient cognats. Les agnats, sortis de la famille, ne conservaient plus avec elle qu'une simple cognation, qui ne changeait, ni ne pouvait changer. D'après la loi des Douze Tables, les droits d'agnation appartenaient aux femmes, tant qu'elles restaient dans la famille. Mais plus tard, l'agnation conférant des droits d'hérédité, et différentes lois ayant été rendues dans le but de conserver les biens dans chaque famille, on restreignit la qualité d'agnat aux personnes du sexe masculin. C'est ce qui explique la différence que l'on remarque entre les définitions de l'agnation, données par les lois et les jurisconsultes des différentes épo ques. Les choses restèrent ainsi réglées jusqu'au temps du Bas-Empire. Alors les droits d'agnation s'étendirent; ils furent accordés par l'empereur Anastase aux frères et sœurs éman cipés; ils furent rendus aux femmes par Justinien, qui affecta de confondre la division des agnats et des cognats avec celle des parents paternels et maternels; enfin, ils furent conférés successivement par le même prince, à tous les parents du second degré et presque à tous ceux du troisième; puis l'agnation disparut complétement, du moins quant à ses effets, par suite du nouveau système de succession introduit par les Novelles.

L'agnation est encore de la plus grande im. portance dans les pays où l'on suit le droit féodal de l'Italie et de l'Allemagne d'après ce droit, le plus prochain des agnats est toujours appelé à la succession des fiefs par une espèce de substitution perpétuelle. Les dispositions de la loi salique rappellent assez la législation romaine sur les agnats. Eufin l'agna. ENCYCL. MOD.

T. I.

tion réglait la succession de nos anciens duchéspairies, et elle règle encore aujourd'hui la transmission héréditaire des biens érigés en majorats. X.

AGNUS DEI, agneau de Dieu. ( Histoire religieuse.) On appelle ainsi une prière de la liturgie catholique romaine, qui commence par ces mots, et qui se chante avant la communion. Cette expression s'étend aussi au morceau qui, dans une messe en musique, se fait entendre au moment de l'élévation de l'hostię; enfin, ce mot a encore une autre signification originairement, on distribuait aux fidèles, dans les églises de Rome, ce qui restait des cierges de Pâques, et le peuple croyait y trouver un préservatif contre tous les maux. Plus tard, les cierges ne suffisant plus aux demandes trop nombreuses, on imagina de les remplacer par des espèces de médailles en cire, portant, soit l'agneau pascal avec la sainte bannière, soit l'image de saint Jean avec le nom du pape et le millésime. La cérémonie de la distribution des agnus Dei a lieu le premier dimanche in albis qui suit la consécration du souverain pontife, et ensuite de sept ans en sept ans pendant la durée de son pontificat.

AGONISTIQUES. (Histoire religieuse. ) Les donatistes donnaient ce nom, qui vient du grec ayov, et signifie combattants, à ceux de leurs coreligionnaires qui se répandaient dans les provinces pour propager leur doctrine, et combattre celle des catholiques. Les agonistiques ne s'en tenaient pas aux moyens de persuasion; ils se livraient à des violences qui doivent les faire confondre quelquefois avec d'autres missionnaires que les mêmes hérétiques appelaient circoncellions.

AGRA OU AGRAH. ( Géographie.) Ville de l'Hindoustan. Elle fut autrefois la plus grande et la plus riche des villes des Indes orientales, et la résidence du Grand-Mogol; mais depuis la translation du siége de l'empire à Delhi, elle a beaucoup perdu de son ancienne splendeur. Toutefois, le palais d'Akbar et le superbe mausolée de Nour-Djchan attestent encore son antique magnificence. Les Anglais y ont un fort bien entretenu, et y dirigent le commerce depuis 1803. Ils ont donné une nouvelle vie à la ville, qui renferme présentement 98,000 habitants. Agra, aujourd'hui chef-lieu du district du même nom, était autrefois la capitale d'une province aussi de même nom, située entre celles de Delhi, d'Oude, d'Allahabad, de Malwah et d'Adjmeer. Cette province a toujours suivi le sort de celle de Delhi depuis l'invasion musulmane; elle fut (1707) en proie aux Djates, aux Mahrattes, etc.; puis régie souverainement par Nedjedkan depuis 1777. Enfin elle a été démembrée. Le royaume de Sindhia en possède une

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AGRAIRES partie; quatre autres forment des principautés vassales de la compagnie anglaise des Indes; la sixième appartient en propre aux Anglais, et est englobée dans la présidence de Calcutta, à laquelle elle a fourni les districts d'Agra, Furrukabad, Étawch et Aligour.

AGRAIRES (Lois). (Histoire.) Les personnes peu instruites, quand on parle des lois agraires, s'imaginent que ces lois avaient pour but l'annihilation complète du droit de propriété et un partage général des terres, qui devait en dépouiller les anciens possesseurs. C'est en attribuant aux Gracques le projet de ce nivellement absolu des propriétés foncières, projet dont l'injustice et la folie sautent aux yeux, que la multitude, qui lit peu et ne conserve qu'un Souvenir imparfait de ce qu'elle a lu, se fait un épouvantail de ces noms célèbres. Avec ces préventions, on est tout étonné d'apprendre que les lois proposées par ces tribuns de Rome étaient fondées sur un principe de justice; qu'elles étaient presque aussi anciennes que le peuple romain lui-même; qu'elles avaient été en vigueur sous les rois, et que si la satire laline s'est crue autorisée à faire du nom de Gracchus le synonyme de chef de sédition, ce n'est pas dans l'objet même des lois agraires qu'elle a pu puiser le droit de diffamer ce nom. Dans le droit public des Romains, la conquête emportait la confiscation de la totalité ou de la plus grande partie du territoire conquis. On en vendait d'ordinaire une moitié pour indemniser l'État des frais de la guerre : l'autre moitié était réunie au domaine public. On laissait en commun une partie de cette portion domaniale, et le reste était distribué aux pauvres citoyens, soit gratuitement, soit pour un cens modique.

Après l'abolition de la royauté, les patriciens, qui remplissaient toutes les charges publiques, n'eurent pas de peine à s'appro. prier la plus grande partie de ces terres conquises. Enlevant les bornes de celles qu'on avait laissées en commun, ils réunissaient à leurs propriétés les terrains à leur convenance, ou se les faisaient adjuger à vil prix, sous des noms empruntés.

Ce furent donc les patriciens qui violèrent les lois, en enlevant injustement au peuple les ressources et les récompenses qu'elles lui accordaient. Leur avarice et leur cupidité fondaient leur fortune sur l'usurpation et la fraude: une loi qui, en ordonnant à tous la restitution des biens usurpés, eût prévenu de nouveaux envahissements, n'eût été qu'un acte de justice. Ce fut un patricien consulaire, Spurius Cassius Viscellinus, qui proposa le premier, vers l'an de Rome 268, la recherche et le partage entre les pauvres citoyens des terres usurpées (lex agraria). Les propriétés des sénateurs et des patriciens consistaient en majeure partie

dans ces possessions d'origine, illégale. Les successions, les partages, les ventes, les avaient fait passer de main en main dans dif férentes familles. On reprochait à Sp. Cassins de troubler la paix publique en proposant des recherches qui ne pouvaient manquer de susciter une multitude de procès et de porter le désordre dans la société. On invoquait la prescription, l'intérêt des possesseurs de bonne foi. C'était un motif d'amnistie pour le passé; mais ce n'en était pas un pour sanction. ner au profit des patriciens un privilége pour de nouvelles usurpations. La jalousie des tribuns du peuple conspirant avec l'intérêt des détenteurs contre Sp. Cassius, non-seulement son entreprise échoua, mais, accusé d'avoir voulu usurper le pouvoir souverain, il fut condamné à mort par le peuple, dont sa géné. rosité ou son ambition avait épousé la cause, et il fut précipité de la roche Tarpéienne.

Les tribuns s'étant emparés du projet de ce malheureux patricien, le sénat, qui en redoutait le succès, leur opposa la ruse. Il fut décidé par un sénatus consulte que dix commis saires seraient nommés par les consuls pour faire une recherche exacte des terres qui avaient originairement appartenu au public, qu'une partie de ces terres serait vendue au profit du trésor, une autre distribuée aux plus pauvres citoyens, et une dernière portion af fermée pour cinq ans à sa véritable valeur. Le produit de ces fermages était destiné à fournir le blé et la paye aux soldats plébéiens. Ce sénatus-consulte avait été rendu sur l'avis d'Appius Claudius, l'un des sénateurs les plus zelés pour les prérogatives de son ordre, mais ami de la justice, et qui ne croyait pas, à ce qu'il paraît, la prescription assez ancienne pour couvrir d'odieuses usurpations. Il espé rait, au surplus, que le peuple, satisfait de voir assurer sa paye et sa nourriture sous les ar mes, mettrait peu d'intérêt à recouvrer les terres usurpées. Il avait attribué au sénat la désignation des commissaires. Le sénat en chargea les consuls, dans l'espoir qu'ils trouveraient les moyens de l'éluder.

Cet espoir ne fut pas déçu le sénalus-consulte resta sans exécution, et fut pendant plus d'un siècle le sujet de querelles perpétuelles entre le sénat et le peuple.

Enfin, l'an de Rome 377, Licinius Stolon, plébéien, gendre du patricien Fabius Ambustus, aidé de son beau-père et du tribun du peuple Lucius Sextius, voulant faire entrer les plébéiens en partage du cousulat, jusqu'alors l'apanage exclusif des patriciens, et gagner le peuple, qui paraissait peu jaloux de cet honneur, imagina de lui proposer fois, et comme inséparables, trois lois, dont la première admettait les plébéiens à l'une des deux places de consuls, la seconde était une

à la

nouvelle loi agraire, et la troisième réglait le paiement des dettes à l'avantage des débiteurs. Jugeant dangereuse et impossible la recherche exacte et la restitution des terres usurpées, il se borna par sa loi agraire (lex Licinia) à statuer pour l'avenir que personne ne pourrait posséder plus de cinq cents arpents en terres conquises, et que l'excédant serait distribué ou affermé à vil prix aux pauvres citoyens, à raison de sept arpents au moins pour chacun. Le nombre d'esclaves ou de valets que l'on pourrait attacher à chaque culture était limité par la loi. Elle fixait également un maximum proportionné pour les têtes de bétail que l'on pourrait faire paître sur les communaux. Une amende de dix mille as ou sous romains devait punir les infracteurs. Le premier qui subit cette amende fut Licinius, l'auteur même de la loi. Il fut reconnu possesseur de plus de mille arpents. En vain avait-il cherché à éluder sa propre loi en faisant passer cinq cents arpents sur la tête de son fils mineur, qu'il avait émancipé à cet effet; l'émancipation fut déclarée frauduleuse, et Licinius condamné.

La loi agraire, quelque temps observée, ne tarda pas à être oubliée. Deux siècles d'usurpations continuelles dévorèrent les petites propriétés, et Tibérius Gracchus voyageant en Italie ne rencontrait partout, au lieu de cultivateurs, propriétaires et citoyens qui eussent fourni comme autrefois à l'État des défenseurs et des contribuables, que de vastes terres convertes d'un vil troupeau d'esclaves inutiles à la république. Ce fut ce spectacle affligeant qui, au rapport de Plutarque et d'après le récit de Caïus, frère de Tibérius, inspira à ce tribun le projet de faire revivre la loi agraire licinienne. La nouvelle loi Sempronia, ainsi nommée du nom de son auteur, Tibérius Sempronius Gracchus, fut proposée vers l'an de Rome 620, c'est-à-dire 243 ans après la promulgation de la loi Licinia. Il fallait que la cupidité, impatiente de tout frein, eût fait à Rome de terribles progrès, puisque dans toutes les tentatives faites pour rétablir les lois agraires, on voit les riches violateurs de ces lois, aussi irrités du projet de mettre un terme à leurs usurpations et d'en prévenir de nouvelles que de la demande d'une restitution. Les efforts successifs des deux Gracchus, Tibérius et Caïus, réunirent contre eux tous ceux que l'intérêt armait contre les lois agraires. D'imprudentes tentatives contre l'autorité du sénat et des patriciens ne firent qu'accroître le nombre et la haine de leurs ennemis. Ils succombèrent, et leurs lois furent abolies. Le tribun Spurins Thorius fit convertir l'obligation de partager les terres usurpées en une redevance imposée aux usurpateurs, et qu'ils cessèrent bientôt de payer,

Cependant les conquêtes toujours croissantes des Romains augmentaient sans cesse l'étendue des terres affermées au profit du fisc. C'était le revenu provenant de ces domaines qui fournissait à la solde des troupes et aux autres dépenses publiques.

L'an de Rome 690, cinquante-sept ans après la mort du dernier des Gracques, Publius Servilius Rullus, tribun du peuple, imagina un nouveau projet de loi agraire, à l'aide duquel il espérait s'emparer avec ses partisans, du gouvernement de l'État. Il proposait que sur les trente-cinq tribus on en tirât dix-sept au sort, lesquelles, à la majorité de neuf d'entre elles, nommeraient des décemvirs pour vendre les biens fonds incorporés au domaine public depuis le consulat de L. Sylla et de Q. Pom. peius, ainsi que les forêts de l'Italie. Ces commissaires devaient employer le produit des ventes à l'acquisition des biens situés en Italie, et que l'on partagerait entre les pauvres citoyens.

Les décemvirs étaient autorisés à y établir de nouvelles colonies, particulièrement Capoue, et à en partager le territoire entre les colons. Le pouvoir de ces décemvirs devait être absolu, et Rullus s'attribuait la présidence de l'assemblée qui procéderait à leur élection. Leurs ordonnances, pendant cinq ans, étaient déclarées sans appel : Rullus les investissait des prérogatives consulaires et du pouvoir de choisir deux cents chevaliers pour faire exécuter ces ordonnances dans les provinces.

Cicéron combattit ce projet avec toute son éloquence, d'abord dans le sénat et ensuite au forum, et prononça trois discours contre Servilius Rullus et sa loi agraire. Il n'eut pas de peine à dévoiler les intentions réelles de ce factieux, et tout ce qu'elles renfermaient de dangereux pour l'État. Une particularité trèsremarquable, c'est le respect que le grand orateur, non moins grand comme homme d'État, professa devant le peuple pour la mémoire des Gracques et pour la loi Sempronia (1). On pourrait, il est vrai, regarder cette vénération comme un trait d'habileté de Cicéron, alors consul, et qui, sachant combien la mémoire des Gracques et de leurs lois était chère an peuple, croyait devoir se le concilier par cet hommage, qui ne l'engageait à rien, au moment où il attaquait une nouvelle loi agraire, dont l'idée était toujours agréable à la multitude. Il réussit à faire rejeter le projet de Rullus.

(1)« Ce n'est pas, dit l'orateur romain, que je désapprouve toutes les lois qui concernent le partage des « terres. Il y en a que je révère. Je conserve chère«ment la mémoire des deux Gracques, de ces illus<< tres frères qui sacrifièrent leur vie pour procurer «an peuple des terres dont des particuliers s'étaient « emparés injustement. La loi Sempronia sera toujours << respectable aux gens de bien. »>

Les partages des terres confisquées ou conquises, autorisés par les lois de Sylla, de César et d'Auguste, furent les dernières lois agraires. AUBERT DE VITRY.

AGRÉÉ. (Législation.) C'est le nom qu'on donne à des jurisconsultes ou à des hommes d'affaires qui postulent devant certains tribunaux de commerce, avec l'autorisation et l'agrément de ces tribunaux.

La loi, pour donner à la procédure devant les tribunaux de commerce plus de simplicité, d'économie et de promptitude, y a très-sage. ment affranchi les plaideurs de l'obligation qui leur est imposée devant les tribunaux civils, de recourir, pour comparaître el pour conclure, au ministère des avoués. Mais, dans les grandes villes, l'absence d'officiers publics pouvait inonder l'enceinte des tribunaux de praticiens sans aveu, et de ces cupides solliciteurs de procès qui sont le fléau des plaideurs. La crainte de ce danger et le besoin des affaires ont favorisé, dans les villes commerciales, la formation d'un corps d'agréés qui représentent les parties, sans que leur ministère soit obligatoire. Voyez Avoué. AGREGAT. (Histoire naturelle.) Voy. AGGLOMÉRAT.

AGREGATION ou ATTRACTION A PETITES DISTANCES. (Physique.) Indépendamment de l'attraction qu'exercent les corps l'un sur l'au tre, ou de la gravitation universelle, il en est une autre qui ne se manifeste que très près du contact, et de molécule à molécule. Cette attraction peut produire deux effets bien distincts; l'un de combiner entre elles des molécules d'une nature différente; alors elle prend le nom d'affinité (voyez AFFINITÉ); l'autre d'unir, de lier plus ou moins fortement des molécules entre elles, sans les altérer; dans ce cas on la nomme force d'agrégation. C'est de cette dernière que nous allons nous occuper.

Cette force ne se manifeste qu'à une distance insensible, et son intensité s'accroît à mesure que les molécules se rapprochent. Cependant elles ne parviennent jamais à un tel degré de proximité qu'il ne reste aucun intervalle entre elles (voyez POROSITÉ), à cause de la chaleur qui pénètre l'intérieur de tous les corps et tend constamment à désunir leurs molé. cules. Aussi, à mesure qu'on abaisse la température d'un corps, il se condense; ses molécules se rapprochent, et il faut faire de plus grands efforts pour les séparer. On obtient le même effet, dans certains cas, par la compression, et notamment lorsque les corps sont restés longtemps comprimés. Mais si on élève leur température, le contraire a lieu; ils se dilatent; la force qui unissait leurs molécules s'affaiblit, et ils passent à l'état liquide ou gazeux. Il en est cependant qui, soumis à de

très-hautes températures, restent à l'état solide; mais la pression qu'exerce l'atmosphère devient sensible sur les autres, et il est même des liquides qui passeraient subitement à l'état gazeux si on la supprimait.

La force d'agrégation n'est pas la même pour tous les corps, et les résultats que produisent ses effets sont très-variés. Ainsi le fer, qui a beaucoup de ténacité, supporte, sans se rompre, à égale dimension, un poids plus considérable que le platine, et cependant il résiste moins à l'action de la chaleur que ce dernier. Le plus dur de tous les corps, le diamant, qu'aucun autre ne peut user, se divise par l'effort du marteau. On a désigné ces divers degrés d'agrégation par les mots dur, mou, tenace, ductile, friable, etc.; il paraît qu'ils proviennent de la nature des molécules et de leur arrangement, qui éprouve toujours des modifications par les influences de la température, de l'humidité, etc. En effet, l'acier, par exemple, lorsqu'il est trempé, devient dur et cassant, et acquiert un peu plus de vo lume; il faut pour cela que ses molécules prennent un arrangement différent de celui qu'elles auraient eu si on les avait laissées refroidir lentement. Le verre trempé acquiert plus de dureté et est excessivement friable. Si, lorsqu'il est en fusion, on en laisse tomber une larme dans l'eau froide, et qu'ensuite on en brise la moindre partie, il se réduit en poudre. Il est probable que le refroidissement subit a atteint d'abord les molécules extérieures, leur a permis de se joindre avant que celles de l'intérieur, encore dilatées, fussent refroidies; et comme le verre est mauvais conducteur du calorique, il leur faut du temps pour qu'il se soit dissipé; alors elles ont trop d'espace et prennent un état d'agrégation forcé, qu'elles abandonnent dès qu'une portion de l'enveloppe est rompue. Cet effet n'aurait pas lieu si, après avoir fait fondre derechef une de ces larmes de verre, elle perdait sa chaleur lentement. Il est d'autres corps qui, placés dans les mêmes circonstances, acquièrent des propriétés différentes et quelquefois tout op posées. Nous citerons un alliage, composé de soixante-dix-huit parties de cuivre et vingtdeux d'étain, qui, dur et cassant lorsqu'il se refroidit lentement, devient flexible, malléa ble, et d'une couleur toute différente, lorsqu'il est trempé. L'écrouissage, le recuit, etc., mo difient l'agrégation dans certains corps. Voyez ÉLASTICITÉ.

Aux articles ADHÉSION, et COHÉSION on voit que deux corps superposés sont retenus par une force qui n'est qu'une tendance à l'agrégation; et l'agrégation s'effectuerait si l'on pouvait les rapprocher suffisamment pour que leurs molécules entrassent dans la sphère d'activité de leur attraction. Ainsi des plaques de fer, de

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