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que la chimie en faisait connaître les éléments et les propriétés. On est parvenu, par ce nouveau mode d'assolement, à améliorer les terres en récoltant la plante à la fleur, ou même en enfouissant une récolte médiocre à la fleur, pour en obtenir d'autres plus lucratives.

La nouvelle méthode de cultiver exigeait de meilleurs instruments on a perfectionné les anciens, et on en a inventé de nouveaux. Une émulation digne d'éloges a déterminé des mécaniciens et des agriculteurs à se livrer à ce genre de recherches, et on a vu le chef d'un État libre et puissant, M. Jefferson, président des États-Unis de l'Amérique, employer ses instants de loisir à la construction d'une charrue dont la forme et les dimensions ont été soumises aux règles les plus sévères du calcul (1). Les instruments hydrauliques n'ont pas été négligés. Les constructions utiles à l'agriculture, telles que le logement des cultivateurs, les écuries, les étables, les serres tant pour la culture que pour la conservation de ses produits, ont reçu de grandes améliorations.

L'art vétérinaire a fourni de puissants moyens de mieux soigner les animaux utiles, d'en perfectionner les races, de prévenir leurs maladies et de les guérir. La physiologie végétale et l'histoire naturelle ont également fait découvrir les causes des maladies des plantes utiles, et procuré des secours puissants. De nouveaux moyens de conserver les blés ont été inventés, ainsi que les moyens de prévenir les disettes. (Voyez BLE.) Eufin le gouvernement, en faisant réparer les routes et en construisant de nouveaux canaux, a rendu les communications plus faciles. Il a également fourni de nouveaux moyens de faire cir culer les nouvelles découvertes, comme d'en faire d'autres, et de les appliquer sagement, en formant des sociétés d'agriculture dans tous les départements.

Il resterait, pour porter l'agriculture à son plus haut degré de perfection, à faire aimer cet art à ceux qui le cultivent, et il suffirait pour cela, de les faire jouir de la considération qui leur est due à raison de leurs services. Mais, pour y parvenir, il est nécessaire qu'ils jouissent d'une douce liberté, qu'ils soient protégés par les lois, qu'ils ne soient point exposés aux exactions de ces armées de commis qui les fatiguaient sans

(1) Un agronome espagnol d'un mérite distingué, M. de la Sagra, en voyageant dans cette contrée, a recueilli des détails extrêmement intéressants sur les divers instruments aratoires inventés par les Americains. Ce savant a publié toutes les connaissances qu'il a acquises sur la situation de l'agriculture de ce pays dans un ouvrage qui a pour titre : Cinq mois aux États-Unis, dont M. René Baissas nous a donné une excellente traduction.

cesse autrefois, et qu'ils ne redeviennent plus des objets de mépris pour les classes privilégiées qui les ont tenus jadis sous le joug.

L'agriculture aime la paix comme la liberté. Elle ne peut prospérer dans l'anarchie ni sous le despotisme; elle redoute d'autant plus les priviléges héréditaires que la plupart de ceux qui les possèdent rougiraient de se livrer à la pratique de cet art, et que les cultivateurs sont d'autant moins considérés qu'il existe des membres de la société qui leur sont supérieurs par le seul fait de leur naissance. L'exemple de ces derniers a toujours em. pêché beaucoup de propriétaires riches de se livrer à la culture de leurs terres, abandonnées aux soins de fermiers qui ont d'autant moins d'intérêt de les bonifier ou de les améliorer, qu'une pareille conduite les exposerait à une augmentation de prix, au renouvellement d'un bail souvent trop court pour qu'ils puissent s'indemniser avec avantage de leurs avances et de leurs travaux. Il se peut qu'une saine politique ou des circonstances impérieuses aient conseillé de rétablir la noblesse héréditaire en France, au lieu d'en créer une personnelle qui eût excité l'émulation en forçant les enfants à s'instruire et à rendre des services à l'État pour se rendre dignes des honneurs et des titres dont leurs pères ont joui; mais il eût été à désirer, dans l'intérêt de l'agricul ture, que le gouvernement n'eût distribué que des honneurs et des titres à vie. Les pri· viléges entraînent presque toujours l'égoïsme à leur suite, et il est de l'essence de ceux qui les possèdent de travailler à les étendre. S'ils y parviennent, et qu'ils puissent rivaliser de puissance avec le monarque, ils entravent ses meilleures opérations et arrêtent les effets des lois les plus sages et des intentions bienfaisantes du chef de l'État. L'anarchie prend alors la place de l'ordre, et fait rétrograder la marche des arts les plus utiles. Si les privilégiés sont forcés de céder, ils adoptent le principe de l'obéissance passive envers le monarque, qui devient absolu, et ils en profitent pour exercer un pouvoir arbitraire sur les autres classes de la société. Alors la tranquillité règne dans le royaume; mais l'émulation s'éteint, la population diminue, la bonne agriculture disparaît, et la monarchie perd sa splendeur et sa puissance.

C'est ce qu'on a vu arriver dans plus d'un État. On n'ignore pas que l'agriculture fut presque anéantie sous le despotisme des em pereurs romains, et que ce fut une des causes principales de la destruction de cet empire immense, dont la culture était confiée à des esclaves, incapables de le défendre, comme de conserver et d'étendre les bons principes d'un art qui est la base fondamentale de la fortune des États. On sait également que l'anarchie

qui a longtemps régné dans le royaume de Pologne, par le fait de la noblesse, a constamment nui aux progrès de l'agriculture de ce royaume, comme elle a causé le partage de ses provinces. La France même peut servir d'exemple pour prouver ce que j'avance. Pendant qu'elle fut livrée au système féodal, ses terres furent mal cultivées, et l'on perdit de vue jus qu'aux leçons qu'on avait reçues des Romains et des Grecs. L'agriculture y a fait des progrès à mesure que le servage a été aboli et que les cultivateurs y ont été plus ménagés et plus considérés. Le comté de Flandre ou les PaysBas, régi par des lois plus douces que les autres parties de la France, est la première province où l'agriculture ait été régénérée; cette contrée est devenue en quelque sorte, pour cet art, une terre classique, où les autres peuples de l'Europe sont venus apprendre à tirer un bon parti de leur sol.

FÉBURIER.

AGRIGENTE, Axpáyas, Agrigentum, aujourd'hui Girgenti. (Géographie et Histoire.) Cette ville, l'une des plus célèbres de celles que les Grecs fondèrent en Sicile, occupait une position avantageuse au pied des montagnes qui regardent la mer d'Afrique, et au sommet d'un escarpement situé au confluent de deux petites rivières, l'Hypsas et l'Acragas, qui l'entouraient presque entièrement de leurs eaux; elle possédait, à l'embouchure de la seconde, qui lui avait donné son nom, un port de commerce (Ακραγαντίνων ἐμποpetov), et était ornée d'un grand nombre de temples, de tombeaux, de statues et de monuments de toute espèce, dont il reste encore des ruines imposantes. Voici la description que Polybe a faite de cette ville, à la fin de la troisième guerre punique: « Située à dix stades de la côte, Agrigente jouit de tous les avantages que procure le voisinage de la mer; la nature et l'art ont admirablement fortifié son enceinte : ses murs sont assis sur un rocher élevé, dont l'escarpement naturel a été augmenté encore par le travail. Deux fleuves l'entourent; l'un, qui se nomme comme elle Acragas, la baigne à l'orient; l'autre, l'Hypsas, coule au couchant, et du côté du vent d'Afrique. La citadelle domine la ville au midi. Elle est entourée du côté extérieur, de précipices infranchissables; un seul chemin y conduit de la ville. Au sommet se trouvent le temple de Minerve et celui de Jupiter Atabyrius. Agrigente étant une colonie de Rhodes, on ne doit pas s'étonner que Jupiter y soit adoré sous le même nom que dans cette ville. Du reste, Agrigente contient d'autres temples et de nombreux et magnifiques portiques. Le temple de Jupiter Olympien n'est pas encore achevé; mais il est d'une étendue et d'une élévation étonnantes; aucun édifice

de la Grèce ne peut lui être comparé sous ce rapport (1). »

Un autre écrivain de l'antiquité, Diodore de Sicile, nous a laissé de ce temple une description que nous croyons devoir aussi reproduire : « La construction des temples des Agrigentins, dit cet historien, et particulièrement de celui de Jupiter Olympien, fait connaître quelle était la magnificence des hommes de cette époque. La plupart des autres temples ont été rasés ou brûlés dans les prises fréquentes de cette ville, et les mêmes guerres renouvelées jusqu'à sa destruction entière ont toujours empêché qu'on ait posé le comble sur le temple de Jupiter. Ce monument a 340 pieds de longueur, 160 pieds de largeur, et 120 pieds de hauteur, jusqu'à la naissance du comble. Il est le plus grand de tous les temples de la Sicile, et on peut à cet égard le comparer avec les plus beaux qui existent; car, bien qu'il n'ait jamais été achevé, il parait parfait dans son ensemble. Mais au lieu que les autres temples sont soutenus seulement par des murs ou par des colonnes, on a réuni dans celui-ci les deux pratiques d'ar chitecture sans les séparer; en effet, on a placé dans l'épaisseur des murs, d'espace en espace, des piliers qui ressortent en dehors, comme des colonnes arrondies, et qui en dedans ont la forme de pilastres taillés carrément. En dehors, les colonnes ont 20 pieds de tour; elles sont cannelées, et un homme peut se placer dans une de ces cannelures. Les pilastres intérieurs ont 12 pieds de largeur. Les portes (ou, suivant une autre ver. sion, les portiques) sont d'une beauté et d'une magnificence prodigieuses. Sur la façade du côté de l'orient, on a représenté en sculpture un combat de geants, admirable par la grandeur et l'élégance des figures. Du côté de l'occident, on voit la prise de Troie et on y distingue les héros par la différence de leurs habillements et de leurs armes (2). » L'examen des ruines de cet édifice a démontré l'exactitude de cette description, à laquelle il manque cependant un trait: l'historien ne parle pas de magnifiques cariatides de 20 pieds de haut, que l'on a retrouvées parmi les décombres. Trois de ces figures colossales, encore debout au quatorzième siècle, avaient fait donner à ces ruines le nom de temple des Géants, et fourni le sujet des armes de Girgenti, où l'on remarque des géants avec cette légende :

Signat Agrigentum mirabilis aula Gigantum.

Sur l'emplacement du temple de Vulcain, on ne voit plus que deux colonnes à demi abattues; le temple d'Hercule est un amas de décombres, entassés au pied d'une co(1) Polyb. IX, 27. (2) Diod. XIII, 82.

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AGRIGENTE

lonne cannelée, encore debout. Presque tous
les autres monuments sont dans une dégra.
dation pareille : ceux qui sont demeurés dans
le meilleur état sont le temple de la Concorde,
entouré d'un portique d'ordre dorique, et
semblable, du moins pour l'apparence générale,
au Parthenon d'Athènes; et le temple de Junon
Lucine, dont une graude rangée de colonnes
subsiste encore en entier. Le monument connu
sous le nom de tombeau de Théron est pres-
que intact; c'est un édifice carré, orné de
colonnes aux quatre angles, et d'un style élé-
gant, quoique d'une époque relativement ré-
cente. Un très-grand nombre de tombeaux,
creusés pour la plupart dans le rocher, sont
dispersés sur la pente des collines. Quant au
fameux réservoir de sept stades de circuit et de
vingt coudées de profondeur, qui formait com
me un lac artificiel dans la partie occidentale
de la ville (1), on n'en retrouve pas même
la place. Cette piscine était alimentée par un
courant d'eau vive; de nombreux poissons
se jouaient dans son bassin limpide, et des
ha.
cygnes, entretenus au dépens de la ville,
bitaient en paix sur ses flots; les habitants
venaient se promener sur ses bords et goûter
dans ce bel endroit, qui n'était pas un des
moindres ornements de leur ville, une agréa
ble fraîcheur; mais déjà au temps de Diodore,
les ravages de la guerre avaient renversé l'aque-
duc qui amenait les eaux ; le bassin était à sec,
et des jardins en occupaient la place.

Nous avons vu Polybe donner à Agrigente une origine rhodienne. Une autre opinion attribue la fondation de cette ville aux habitants de Gela, qui y auraient envoyé une colonie vers la cinquantième olympiade (environ 580 ans av. J. C.).

Quoi qu'il en soit, les Agrigentins formèrent d'abord une république aristocratique. Le pre mier qui exerça parmi eux l'autorité souveraine, fut Phalaris, citoyen de l'île d'Astyphalée, qui était venu se fixer dans la ville naissante avec de grandes richesses: son avénement remonte à l'an 564 avant J. C. On conuait l'histoire si célèbre dans l'antiquité de ce taureau d'airain dans le ventre duquel il faisait emprisonner les victimes destinées à la mort. Son règne fut partagé entre le soin des affaires intérieures et celui de quelques guerres avec les États du voisinage. Il avait attiré à Agrigente un grand nombre d'artistes et de philosophes; un de ces derniers, Zénon, ayant vainement essayé de le détourner de la tyrannie, souleva le peuple contre lui; Phalaris fut renversé, et les Agrigentins se constituèrent de nouveau en république. Sa domination avait duré seize ans. Pendant les soixante ans qui s'écoulent depuis sa chute jusqu'au règne de Théron, on trouve dans l'histoire les noms (1, Diod. XI 25, et XIII, 82.

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d'Alcamène et d'Alcandre, qui gouvernèrent avec sagesse. A leur suite paraît Théron, qui fut chanté par Pindare au sujet de ses victoires dans les jeux Olympiques. Sous son règne les Carthaginois commencèrent à menacer la Sicile; mais Théron, aidé de Gélon, tyran de Syracuse, dont il s'était ménagé l'alliance en lui donnant sa fille en mariage, parvint à les repousser. La ville d'Himère, qui avait été le prétexte de la guerre, perdit son indépendance, et fut réunie au territoire d'Agrigente. Théron mourut l'an 472 avant J. C. Thrasydée, son fils, lui succéda. Il entreprit une guerre impolitique contre Sy racuse, et fut tué par les Agrigentins peu de temps après son avénement. Ceux-ci recou vrèrent alors leur liberté; la Sicile tout entière suivit bientôt leur exemple; la tyrannie fut partout abolie, et l'ile entière ne ful plus qu'un ensemble de petites républiques comme était la Grèce à la même époque.

En 446, Agrigente reprit, contre Syracuse, la guerre commencée sous Thrasydee; mais après quelques échecs, elle fut obligée de conclure la paix. Durant la fameuse guerre d'Athènes contre Syracuse, elle se tint dans la neutralité. Peu de temps après la défaite des Athéniens, les Carthaginois, appelés par les Égestains, firent une descente en Sicile; cette fois les Agrigentins refusèrent de prendre part à la neutralité proposée par l'ennemi commun: ils se rangèrent dans la ligue sicilienne. Les Carthaginois, après avoir dé truit Sélinunte et Himère, vinrent mettre le siége devant Agrigente; les Syracusains essayèrent en vain de faire diversion: la ville fut abandonnée par ses habitants, après un an de siége (an 406 avant J. C.). Les Carthaginois la ruinèrent, sans respecter ses temples, emportèrent ses dépouilles en Afrique, et le territoire d'Agrigente demeura sous leur domination pendant une dizaine d'années. Enfin, Denys de Syracuse, ayant repoussé l'étranger du sol de la Sicile, Agrigente rentra sous une domination nationale; mais ce ne fut pas pour longtemps; car, en 383, le tyran de Syracuse, battu par les Carthaginois, fut obligé, pour avoir la paix, de leur rendre cette place im portante. Timoléon, devenu maître de la Sicile vers le milieu du quatrième siècle avant J. C., fit rebâtir Agrigente, et lui rendit une partie de son ancienne prospérité, mais sans lui rendre son indépendance à l'égard de Syracuse Sous Agathocle, elle resta dans la même situation. Enfin, en l'année 210, les Romains élant arrivés à leur tour sur le sol de la Sicile, et l'ayant soumise tout entière à la suite du fameux siége de Syracuse, où périt Archimède, Agrigente passa, comme toutes les autres villes de l'ile, sous leur domination.

Au commencement de l'ère chrétienne, le flot des barbares passa à diverses reprises sur Agrigente; mais l'excellence de sa position la soutint contre tant de causes de destruction. Au milieu du neuvième siècle, elle fut envahie par les Arabes, et elle porta leur joug près d'un siècle, avec impatience toutefois : car, en 937, ce furent ses habitants qui donnèrent le signal de l'insurrection contre les in fidèles. Ils les chassèrent de leurs murs, et tinrent la campagne contre eux; mais, après quatre ans de résistance, leur ville fut reprise de nouveau. Enfin, au commencement du onzième siècle, Girgenti, désormais resserrée entre les murs de Camica, la citadelle de l'antique Agrigente, fut définitivement rattachée à la puissance chrétienne, et fit partie du comté de Sicile, qui, en 1072, devint l'a. panage de Roger. Elle a depuis ce temps suivi les destinées de la Sicile, dont elle est encore aujourd'hui une des villes principales. Elle renferme environ 15,000 habitants, et forme le siége d'un évêché.

Nuovo dizionario geografico, statistico e biografico della Sicilia antica e moderna, dell' avvocato Gius. Em. Ortolani, Palerme, 1819, in 8°.

Viaggio in Sicilia di Federico Münter, trad. dal tedesco dal tenente colonello d'artiglieria cav. D. Fr. Peranni, con note, Palerme, 1823, 2 vol. in-18.

La Sicile, de l'Univers pittoresque, par M. de la Salle, correspondant de l'Institut.

Recherches sur les établissements des Grecs en Sicile, par M. Wlad. Brunet de Presle, 1845, in-8°. L. RENIER.

AGRONOMIE. (Agriculture.) Ce mot, que l'on emploie souvent comme synonyme d'agriculture, désigne plus particulièrement la science de l'économie rurale. Ainsi l'agriculture est la pratique de l'art dont l'agronomie enseigne les théories.

AGUILANLEU ou AGUILANNEU, pour à qui l'an neuf on an gui de l'an nouveau, ad viscum anni novi. (Antiquité.) On appelle encore ainsi, en diverses provinces, les étrennes du premier jour de l'an, qui, dans la religion des druides, consistaient à donner, à distribuer au peuple le gui du nouvel an, comme une chose sainte, un préservatif, un remède universel. Les Espagnols appellent aguinaldo les présents qu'on fait à la fête de Noël En basse Normandie, les pauvres, le dernier jour de l'an, disent hoguinanno, en demandant l'aumône. Dans le Vendômois et dans le Maine, le peuple et les enfants courent les rues le dernier et le premier jour de l'an, demandant à tous ceux qu'ils rencon trent le gui-l'an-neu, et chantant aux portes des chansons dont le refrain est toujours, Donnez-nous le gui-l'an-neu. Dans le Perche, le peuple appelle les étrennes éguilas; dans le pays chartrain, éguilables, dans la haute Normandie, éguinètes ou aguinetes.

Dans la commune de Saint-Hillaire-de-Cha

léons, département de la Loire-Inférieure, le 31 décembre au soir, les marguilliers en charge et ceux des deux années précédentes se réunissaient et faisaient ensemble un souper qui se prolongeait fort avant dans la nuit. Le souper fini, chaque convive, armé d'une pique, se mettait en marche vers un bois appelé le bois de Noir-Breuil (le lucus noir), distant d'environ deux lieues; ils y cueillaient des pommes de pin, et chacun d'eux en plaçait une sur le bout de sa pique, qui ressemblait alors à un thyrse de Bacchus. Ce dieu a dû être honoré sous le nom d'Hilaris par les anciens Pictavi, qui, ainsi que les Agathyrses et les Britanni, ou Picti, se peignaient le corps en son honneur et devaient célébrer ses mystères dans la dernière nuit de l'année. Pour représenter le passage du soleil des signes descendants aux signes ascendants, ces marguilliers partaient de ce bois de NoirBreuil, symbole des signes descendants, de manière à se trouver à la pointe du jour sur la chaussée d'un étang appelé Champ Blanc, symbole des signes ascendants, dont le premier est celui de l'amphora figuré par cet étang; là ils se partageaient, pour figurer le partage qui se fait des douze signes en deux bandes au solstice inférieur, et parcouraient deux à deux les fermes et les hameaux, en chantant une chanson dont le refrain était, comme dans le Maine, Donnez-noûs le guil'an-neu. Chaque maître de maison, après leur avoir fait servir largement à boire comme à des initiés aux mystères de Bacchus, leur donnait du blé, du lin, de la toile, un jambon, etc. Les objets provenant de cette quête, et les pommes de pin que les quêteurs avaient portées au bout de leurs piques pendant leur tournée symbolique, étaient vendus dans le cimetière, le premier jour de l'an, au profit de la fabrique, et souvent très-cher, parce qu'on leur attribuait la vertu de préserver du tonnerre et de tout maléfice.

La guignannée est aussi le nom d'une fête semblable qu'on célébrait à Morlaix, selon Ménage, le dernier jour de l'an. (Voyez son Dictionnaire étymologique, à ce mot.) Elle consistait en des présents que les riches faisaient aux pauvres, qui, à chaque porte où on leur donnait, poussaient des cris et des acclamations entendus dans toute la ville. Ces pauvres étaient armés de grands bâtons (qui étaient autrefois des thyrses) pour rom. pre les portes s'il s'en était trouvé de fermées. Personne ne pouvait donc se dispenser de leur donner leurs étrennes, leur guignan. née, chacun selon son pouvoir. Cette fête, qui était un reste des saturnales et des bacchanales, remontait au culte du gui de la nouvelle année chez les druides. Merula l'a très bien remarqué dans sa Cosmographie,

part. 2, liv. 3, chap. 11 : Sunt qui illud, augui-l'an-neuf, quod hactenus quotannis pridie kalendas januarii vulgo publice cantari in Gallia solet, ab druidis manasse autumant: ex hoc forte Ovidii :

Ad viscum, viscum druidæ cantare solebant.

Solitos enim aiunt druidas per suos adolescentes viscum suum cunctis mittere, eoque quasi munere, bonum, faustum, felicem et fortunatum omnibus annum precari.

En effet, Pline nous apprend, liv. XVI, chap. 44, que les druides révéraient le gui de chêne; qu'ils choisissaient les forêts de cet arbre sacré pour leurs sacrifices; que c'était de là qu'ils étaient appelés druides, nom qui vient en effet du grec opus, en breton deru, derv ou dero, chêne; que lorsqu'ils trouvaient du gui sur cet arbre, ils le regardaient comme un don du ciel, et le cueillaient, au sixième jour de la lune, en grande dévotion et avec de grandes cérémonies; qu'ils l'appelaient en leur langue d'un nom qui signifie omnia sanans, guérit tout. Omnia sanantem, dit-il, appellantes suo vocabulo. Sacrificio epulisque rite sub arbore præparatis, duos admovent candidi coloris tauros, quorum cornua tunc primum vinciantur. Sacerdos candida veste cultus arborem scandit. Falce aurea demetit. Candido id excipitur sago. Tunc demum victimas immolant, precantes ut suum donum Deus prosperum faciat his quibus dederit. Fecunditatem eo poto dari cuicumque animali sterili arbitrantur, contraque venena omnia esse remedio. Tanta gentium in rebus frivolis plerumque religio est! Le gui est le même symbole que le rameau d'or, et l'âge d'or, par ses baies d'or et ses feuilles jaunes. Le chêne, qui, dans sa vieillesse, porte ce nouveau rejeton, est le symbole de l'intersection solsticiale du tropique du caper et de l'écliptique, qui finit et commence l'année : c'est l'arbre du bien et du mal; c'est Janus à deux visages.

ELOI JOHANNEAU.

AHAUTA OU AUTA. ( Géographie.) État de la Nigritie maritime, sur la Côte d'or, entre les États de Ouarsa au N., de Fantie à l'E., de Goura à l'O. et l'Océan au S. C'est la contrée la plus riche en mines d'or et la mieux cultivée de toute la côte. Le gouvernement y est monarchique, mais très-modéré. La capitale est Boussoua, résidence du roi. Les Hollandais y possèdent plusieurs établissements : le fort Orange, à Succondi; le fort Antonio, à Axim; et le fort Dixcowe.

AHMADABAD OF AHMEDABAD, autrefois Guzarate. (Géographie.) Ville considérable de l'Hindoustan, présidence de Bombay, État du prince maratte de Guy Kawar, sur la rive droite du Sauhermutte. Les guerres, la

peste de 1812, le tremblement de terre de 1819 lui ont fait perdre une partie de son ancienne splendeur, qu'attestent encore des ruines ma gnifiques. Depuis 1819, elle appartient aux Anglais, qui y font un commerce considérable. On y compte près de 150,000 habitants, Hindous, Arméniens, Arabes, Persans et chrétiens.

AHMEDNAGOR. (Géographie.) Chef-lieu de district du Dékan, État du Nizam de Hyderabad, sur la Secna. Cette ville, fondée en 1493, par le sultan Ahmed-Chah, fut possédée tour à tour par le Grand-Mogol, par les Marattes, et par les Anglais, qui s'en emparèrent en 1803. Aurengzeb y mourut en 1707. La citadelle, bâtie sur une haute montagne, est un ouvrage remarquable.

AIDE DE CAMP. (Art militaire.) Les aides de camp sont des officiers de divers grades pla cés auprès des généraux à l'effet de les aider dans l'exercice de leurs fonctions.

Toujours, dans les milices anciennes comme dans les milices modernes, il exista des aides de camp, car les généraux ont toujours eu des renseignements à prendre, des ordres à envoyer, et toujours ils ont dù trouver sous leur main des hommes capables d'aller recueillir ces renseignements avec intelligence, ou transmettre ces ordres avec fidélité. Mais, ni chez les Grecs ni chez les Romains, ni au moyen âge, ni dans aucune armée jusqu'au dix-septième siècle, les aides de camp ne rem plirent de charge permanente, ne portèrent de dénomination fixe, ne durent être choisis exclusivement parmi les officiers de tels ou tels grades, ni même être pourvus d'un grade quelconque. Leur emploi était tout temporaire, tout de circonstance, de faveur, de domesticité.

Dans les armées grecques, les généraux n'avaient pour aide de camp que leur écuyer; dans les armées romaines, le général en chef choisissait le sien entre les généraux qui, sous ses ordres, commandaient les différents corps.

En France, les rois de la première race, qui généralement conduisaient leurs armées en personne, prenaient leurs aides de camp parmi leurs fidèles. Quand les rois de la seconde race, sans cesser de se mettre eux mêmes à la tête de leurs troupes, commencèrent à investir d'attributions militaires les principaux officiers de leur palais, leur dapifer où officier de bouche, leur sénéchal ou major dome, leur connétable ou homme d'écurie, chacun de ces personnages leur servit tour à tour d'aide de camp. Lorsque plus tard, sous Philippe Auguste, le connétable brisa les der niers liens de domesticité qui l'attachaient à la personne du roi, et devint commandant suprême de toutes les forces militaires du royaume, il prit le maréchal pour aide de

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