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attribuer aux efforts de l'imagination, tous les effets produits par les procédés hypnotiques. Ceci semble d'abord difficile à admettre. Mais Tuke a fait un volume pour démontrer la puissance de l'imagination sur les organes; à l'appui de ses opinions, il donne des preuves nombreuses, receuillies un peu partout, mais aussi des raisons physiologiques de ces affections spontanées. Un exemple vulgaire, connu de tout le monde fera comprendre cette manière de voir. La moindre émotion chez une personne sensible se trahit sur son visage, elle rougit, elle pâlit. L'attente, la crainte ou la joie, troublent le rythme du cœur, qui ralentit ou accélère ses mouvements. Ces manifestations involontaires sont la preuve évidente des relations qui existent entre les nerfs de la sensibilité générale et ceux de la vie végétative, ou ceux qui président aux fonctions d'innervation des organes qui ne sont pas sous la dépendance de notre volonté.

Il y a donc des relations intimes entre ces divers nerfs qui se répandent dans toutes les régions du corps humain quelles que soient leurs fonctions. La volonté peut transmettre aux cellules des organes une influence réelle par l'intermédiaire des nerfs sensoriels, des nerfs moteurs, des nerfs trophiques.

De même que les troubles des organes et des fonctions, réagissent sur l'intelligence, comme on le constate tous les jours, de même aussi l'intelligence agit sur les organes et les fonctions. Et comme le dit le professeur Bolleston : << Il est permis de supposer qu'une force capable de produire des mouvements moléculaires dans une cellule pourra aussi produire des changements de nutrition et de fonction chimique dans d'autres cellules. >>

On comprend donc qu'il soit possible de déterminer par les efforts de l'imagination seule, mais surtout par suggestion hypnotique, des troubles de la circulation, de la sécrétion, de faire apparaître sur tel point du corps désigné des rougeurs, des exsudations semblables à celles d'un vésicatoire, l'apparition de stigmates en précisant les points qui doivent rougir, enfin des saignements par le nez.

Si l'imagination et surtout la suggestion peuvent faire naître des troubles de nutrition, il s'en suivra naturellement des maladies véritables, qui seront en réalité des maladies d'imagination. Il ne faut pas les confondre avec les maladies imaginaires. Les malades imaginaires se croient atteints de maladies qu'ils n'ont pas, l'Argan, de Molière, en est le meilleur type. Dans les cas dont nous parlons les maladies sont réelles, mais si elles sont théoriquement possibles, elles sont rares.

Ainsi en étudiant de près les effets de l'imagination et de l'hypnotisme on arrive à trouver des explications non seulement rationnelles mais positives des phénomènes au premier abord extraordinaires, de ceux qui faisaient croire au surnaturel.

La suggestion des actes par la parole, par les signes, se comprend donc facilement; il est inutile d'insister. Le somnambule obéit avec plus ou moins de docilité suivant les périodes, dans lesquelles il est plongé. Il est tout naturel qu'il exécute les ordres reçus, au moment ou ils sont donnés. Il frappera, il tuera avec le plus grand calme et sans hésitation, c'est encore naturel, puisqu'il est un automate qui accomplit des actes dont il n'a pas conscience.

La suggestion qui devra recevoir son exécution à un terme plus ou moins éloigné est plus difficile à comprendre. Rappelons que l'idée suggérée est acceptée comme sienne par le somnambule, elle est imprimée dans son cerveau, mais à l'état latent, il n'en a pas souvenir à son réveil. Cependant quand le moment sera venu, il exécutera les prescriptions avec ponctualité, avec rigueur, et mettra pour combiner les moyens d'exécution de sa tâche, une finesse, une habileté qu'il ne possède pas pour ses actes ordinaires.

Pourrons nous trouver dans la vie commune quelques analogies qui nous permettent de nous rendre compte de ce singulier phénomène.

D'abord dans les cas de maladie, on observe des faits qui ne s'expliquent que par de véritables suggestions données

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et reçues inconsciemment. Ainsi après avoir eu l'extrême onction, un malade sortant d'un long silence, demande à la sœur qui le veillait Ma potion! ce malade était probablement dans un état cataleptique, il avait entendu la prescription médicale; elle avait été une suggestion, et quand l'heure de prendre le remède fut venue, reveillé il le réclame. Ce fut le premier acte de la convalescence.

Poussons plus loin nos remarques. N'arrive-t-il pas que les faits, les circontances dont nous sommes témoins chaque jour, nous suggèrent nombre d'idées dont nous n'avons pas conscience, nous accumulons ces idées dans notre cerveau, elles y restent à l'état latent, s'y tassent, s'y coordonnent, et vienne une occasion, elles apparaissent sans que nous les ayons appelées; nous croyons les avoir réfléchies, raisonnées, elles sont tout simplement recueillies.

Exemple qu'une discussion s'élève entre deux savants sur une théorie scientifique, les deux orateurs font tout ce qu'ils peuvent pour ne pas s'entendre et conservent jusqu'à la fin leurs opinions respectives. Si l'un des orateurs en cause, reprend par hasard la parole sur le même sujet, quelque temps après, il sera fort étonné de mêler à ses arguments nombre de ceux de son adversaire. Pourquoi ? c'est qu'à la suite de la première joûte oratoire, il a été déposé dans son esprit quelques idées nouvelles qui, en silence, se sont associées, combinées aux anciennes et souvent les ont modifiées.

Cet effet, ressemble assez à une suggestion, l'assertion n'est peut-être pas absolument probante, mais il y a au moins analogie, et l'on peut s'en servir pour comprendre le fait considérablement exagéré par les manoeuvres hypnotiques. Cela ne donne pas l'explication du: pourquoi les suggestions à long terme sont exécutées à l'heure fixée.

Maintenant peu importe la manière dont la suggestion a été imposée, de près ou de loin. Dès que le sujet est prévenu qu'il est soumis à l'épreuve, qu'il lui sera ordonné de dormir, il dormira, il sera prêt à subir les suggestions, que

l'opérateur se place derrière une porte ou se mette en rapport avec la somnambule au moyen du téléphone, comme le fait M. Liégeois, il n'y a rien là que de naturel, rien n'est changé dans les dispositions du sujet, ce qui est le point capital pour la réussite des expériences.

Je crois avoir suffisamment indiqué comment on doit comprendre les modifications imposées aux organes, par les manœuvres hypnotiques, et les suggestions des actes. Il me reste à dire un mot de ce que l'on appelle la suggestion mentale.

Par ces mots suggestion mentale, on exprime que l'opérateur pour commander à son sujet, n'a pas besoin de l'intervention des sens, du toucher, de la voix, etc, il prétend se mettre en rapport avec la somnambule par la pensée seule, et lui dicter des actes qu'elle accomplira avec la même exactitude que par les autres procédés. Seulement pour que la pensée puisse être transmise au cerveau, l'opérateur doit tenir la main de l'hypnotisée dans la sienne, sans quoi les épreuves ne peuvent réussir. Les expériences que l'on exécute par ce moyen sont très amusantes, mais j'ai le regret de dire, qu'il est difficile de les admettre au rang des faits prouvés; à l'avenir de décider.

Prendre la main d'une somnambule, à laquelle on prétend suggérer mentalement l'idée d'enlever le chapeau d'un spectateur qu'elle ne connaît pas, la suivre dans ses recherches, me rappelle un jeu de société, dans lequel, un comité décide en secret les actes que devra exécuter une victime désignée. Celle-ci pénètre dans le cercle des joueurs, se met à manoeuvrer de toutes les façons, allant de ci de là, tâchant de surprendre sur les physionomies quelques indices. Un des témoins tient une sonnette qu'il agite lentement quand le malheureux s'approche du but, et plus vivement s'il s'en éloigne. Eh! bien, la victime finit souvent par réussir et prendre par exemple un éventail, avec lequel il devra ventiler telle personne désignée. L'énigme que devine ce personnage est plus difficile à déchiffrer que celle proposée à la somnambule.

Ici le joueur est la jeune femme que l'opérateur tient par main; elle a des sens extrèmement déliés, entend les moindres bruits voit parfaitement; son tact est surtout d'une finesse incroyable. Le magnétiseur est le teneur de sonnette, très innocemment, sans le savoir, il avertit la somnambule, par des mouvements involontaires presque nuls, des impressions dont il n'a pas conscience, mais que la jeune femme perçoit, il avertit, dis-je, par les modifications musculaires de sa main qu'elle est ou non dans la bonne voie. Finalement après bien des hésitations, des tergiversations, la suggestion pensée est réussie par la somnambule.

On peut donner une interprétation de ces faits très simple et très probable. Il suffit de rappeler les expériences de M. Cumberland, qui, lui, n'avait pas besoin de tenir la main de son surveillant, mais seulement d'être réuni à lui par un fil de cuivre. Les oscillations imperceptibles en apparence, que la main de la personne reliée à M. Cumberland imprimait au fil, suffisaient pour indiquer la solution du problème posé. Je connais des observateurs qui ont servi à ces expériences, en conduisant des somnambules, et qui sont convaincues de la réalité de transmission de la pensée. La probité scientifique de ces messieurs, est incontestable, ils sont absolument incapables d'altérer la vérité, ou de ce qu'ils croient la vérité, et jouer le rôle de compère. Ce que l'on peut dire. C'est qu'ils n'ont pas eu la conscience des mouvements de leurs fibres musculaires, que la somnambule saisissait et utilisait.

En suivant ces expériences, je suis resté d'autant plus certain de la bonté de l'interprétation que je donne, que si l'on a pu suggérer des actes, il n'a pas été possible de suggérer une idée, la plus simple idée, dire : Bonjour, Monsieur! Pourquoi ce silence obstiné de la somnambule, c'est que l'on ne peut indiquer par des mouvements, des sentations, une phrase à prononcer. Donc jusqu'à plus ample informé, la suggestion mentale, c'est-à-dire par la pensée seule, n'est pas démontrée. Elle peut servir à des expériences amusantes dans une soirée, mais c'est tout.

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