l'aide de leur goût et de leur sentiment en matière de poésie. En cette année 1694, le nombre des sonnets envoyés fut encore plus considérable. Jamais, d'après les Lanternistes, il ne s'était vu parcille émulation sur le Parnasse. » L'heureux vainqueur de ce tournoi poétique fut le chevalier Dupont de Castelsarrasi, major d'infanterie en Danemark. Nous copions le sonnet : Grand Roy, dont jadis Rome eut adoré le..... Buste. Mars ne parut jamais si fier ni si.. Tout tremble, tout se rend à ton aspect.. Moissons, Robuste. Auguste. Chansons, Un vainqueur comme toi, sage, intrépide,..... Juste? Ton exemple fournit d'héroïques... Au comble de la gloire on te voit sans... . . . Orgueil; Ressorts, De cent peuples unis tu romps tous les ... Prodigue, A la suite de ce concours, les Lanternistes proclament hautement le triomphe définitif des bouts-rimés. « On aurait peine à imaginer, disent-ils, combien ils ont fait fortune. Le grand nombre des bons sonnets que nous avons reçus de presque tous les endroits du royaume en est une preuve convaincante. C'est un divertissement louable, un amusement honnête, où les plus beaux esprits s'appliquent. » 1695. Lisons, sans nous attarder, le sonnet qui a obtenu le prix en cette année: Qui pourroit s'opposer à ta valeur........... Rapide? Emplois! Lois. Que tu sçais bien remplir tes augustes.... Si tu suivois le cours de tes exploits. Divers, La victoire, cette fois, avait un attrait de plus. Le prix appartenait à une femme, Mlle L'Héritier de Villandon, de Paris, qui venait de donner au public un volume d'Euvres mêlées. Je suis obligé de me hâter et de laisser de côté une foule de détails prouvant le ravissement des Lanternistes et la joie du succès. La victoire était complète, indiscutable. La cour et la ville célébraient les vertus des bouts-rimés. Certaines princesses s'en mêlaient; elles inspiraient des sonnets, et, bien mieux, en faisaient elles-mêmes, qui méritaient l'impression. La princesse de Conti récompensait par l'envoi de son portrait, enrichi de diamants, l'un des sonnets faits sur les bouts-rimés des Lanternistes. La médaille et sa modeste devise: Lucerna in nocte, étaient bien éclipsées. 1696. En annonçant le nouveau concours, les Lanternistes promettaient d'exposer tous les ans, le jour de la cérémonie, des tableaux où seraient représentés, couronnés de laurier, ceux qui auraient remporté le prix. Il serait original de retrouver la trace de ces portraits, et de composer un petit musée rétrospectif, à l'usage intime de l'Académie. Pour le moment, il faut renoncer à cette joie artistique. En 1696, c'est encore une femme, Mlle de Nouvelon, qui rem 4. Ce sonnet a été publié dans les Bigarrures ingénieuses ou Recueil de diverses pièces galantes, en prose et en vers, chez Jean Guignard, 4696. porte le prix. Les Lanternistes deviennent lyriques. «... Parmi beaucoup d'autres sonnets, celui-ci nous a paru le meilleur. C'est présentement le tour du beau sexe. Il triomphe partout. La Grèce n'avait qu'une Sapho, mais la France peut se vanter d'en avoir plusieurs... >> Rien n'égale l'éclat de ta vertu... A peine l'univers en soutient la.. Sublime, Candeur; Splendeur, Et tout tremble, grand Roy, quand Bellone t'.... Anime. Le public ne se lassait pas de redemander des bouts-rimés. << Ce sont des fruits rares, disaient les Lanternistes, dont on attend la saison avec impatience. » 1697. En cette année, la cérémonie se fit chez M. le premier président du Parlement, de Morant. Cet illustre magistrat << n'est pas moins fin et poli dans la décision des ouvrages d'esprit qu'il est juste et éclairé dans les jugements qui regardent la fortune des hommes. Son approbation relève infiniment le sonnet récompensé. » Le P. François Lami, de la Doctrine chrétienne, professeur de belles-lettres à l'Esquile, s'en est déclaré l'auteur. Parmi les sonnets, ajoutent les Lanternistes, il y en a quelques-uns où le beau sexe a fait particulièrement briller ses agréments et son heureux naturel. Mme Dunoyer, femme du grand-maître des eaux et forêts de Languedoc, a composé un sonnet où elle marque beaucoup de tendresse pour le roi. Voici le sonnet du P. Lami : Grand roy, ton bras est craint du couchant à l'.. Aurore, Аусих; Dieux, .... Ignore. Quelle gloire pour toy, quel honneur sans... . . . Pareil! 1698. En annonçant le concours de 1698, les Lanternistes déclarent que « toute l'Europe se réjouit de la paix que le monarque vient de lui donner; il serait honteux de ne pas se joindre aux acclamations publiques. Les muses auront autant d'occupation à louer un si grand roi dans ses travaux pacifiques qu'elles en ont eu à le suivre dans le cours de ses prospérités martiales. C'est à ce sujet que notre Compagnie va renouveler son zèle, en proposant des bouts-rimés. » Le sonnet suivant, auquel le prix a été donné, est l'ouvrage de M. Grangeron, de Toulouse, dont les talents poétiques, en français et en latin, étaient connus, et qui par dessus tout cela, passait encore pour un médecin fort expert << en la connaissance et la vertu des simples ». Qu'on en juge: Héros, dont la vertu nous rend le Ciel... A, de nos ennemis, désarmé le... Propice, Souhaits. Bienfaits Caprice. 4. Château où s'est faite l'ouverture des conférences publiques pour la paix générale. (Note du manusc.) Le manuscrit que nous avons sous les yeux s'arrête là ét ne contient plus que des feuillets blancs. Était-il un registre officiel de la Compagnie des Lanternistes ou simplement une copie inachevée, destinée à la bibliothèque de l'un d'entre eux? Nous ne saurions rien affirmer. L'écriture ces dix-sept feuillets, comprenant une période de six ans, est de la même main, en belles et grosses lettres, bien formées. Seules, les pérégrinations les plus récentes du manuscrit nous sont connues. Après avoir figuré dans la magnifique collection du docteur Desbarreaux-Bernard, il est entré dans la Bibliothèque publique, où je n'ai pas voulu qu'il restât plus longtemps ignoré. Une petite brochure in-12, portant pour titre : « Publication du sonnet qui a remporté le prix des Lanternistes », et imprimée à Toulouse, chez Boude, en 1698, est conservée à la bibliothèque publique. Cette brochure contient une courte préface désignant le vainqueur, M. Grangeron, et invitant le public à juger « du mérite du sonnet couronné, aussi bien que de plusieurs autres qu'on a mis ensuite... » Vingt-trois sonnets sont imprimés dans la brochure. Quelle énorme fécondité et quel débordement d'alexandrins avait produit l'institution des Lanternistes! Le manuscrit de la Bibliothèque ne nous donnant plus aucun renseignement sur le concours des bouts-rimés, nous allons interroger le Mercure galant, qui était, à cette époque, imprimé à Toulouse1. 1. Chez L.-J. Bonde, 1694-1702. |