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multiples dont se trouvait chargé l'hôpital, celle des enfants trouvés. Sa Majesté ne donnant à la maison qu'une somme de 6,000 livres, on pouvait se déclarer suffisamment embarrassé et peu désireux d'augmenter les charges auxquelles on devait faire face. (Délib., 16 mars 1773, f. 84.)

Une fois sevrés, quelle était, en somme, la manière de vivre de ces petits enfants? Levés « pas avant cinq heures », couchés dès neuf heures, ils faisaient genéralement trois repas déjeûner, dîner, souper; les garçons ayant peu de vin, les filles, de l'eau seulement, mangeant pain et légumes, surtout en carême, un peu de viande le dimanche seulement. (Fondation de Mme Saint-Blancat). Beaucoup de fèves étaient données, c'est affirmé, « un légumage dont on dépense beaucoup dans la maison ». Le bouillon ne pouvait être naturellement fourni qu'aux malades. Point de fruits, il était expressément défendu aux personnes étrangères d'en introduire dans la maison, ce qu'on ne réussit pas toujours à empêcher on le sait, par les nombreuses contraventions relevées à ce sujet, les pauvres échangeant leur pain pour des fruits ou autres choses.

Nous nous étions trop hâtés de compter trois repas par jour. Il y a eu des temps où, à cause de la trop grande quantité de pauvres, on a dû retrancher le déjeuner. Peut-être la mesure n'a-t elle pas atteint les enfants, nous ne saurions l'affirmer. Toutefois, quand elle fut prise, en 1691, on la trouve mauvaise : « tant à cause que cette année ils n'ont aucuns légumes et fort peu d'ordinaire, que parce que la plus grande partie des pauvres estant ou des enfants, ou des vieillards, il est difficile qu'ils puissent subsister avec deux petits pains, les jeunes n'ayant pas du tout de vin; et qu'on a pensé que le profit qui vient de ce retranchement pourrait être égal, si on leur fournissait du pain bis du même poids que le blanc, qu'on avait continué de leur donner. » (Délib., 29 mai 1648, f. 13; 11 déc. 1655, f. 42; 9 sept. 1681, f. 19; 9 février 1683, f. 101; 22 février 1684, f. 176; 26 déc. 1684, f. 219; 10 juillet 1685, f. 260; 16 oct. 1685, f. 278, 18, 23 déc. 1691, f. 601; 18 oct. 1712, f. 293.)

Quand on suit de près, comme nous l'avons fait, les livres des conseils de la maison, on est étonné de la multiplicité des abus qui s'y commettaient. Il y aurait eu non pas abondance, mais suffisance de provisions, si elles avaient été ménagées. Le mal ne venait pas toujours d'en haut.

Des pauvres munis de marmites allaient par la ville recueillant le bouillon des aumônes. On mettait dans ces marmites ce qu'on voulait donner viande ou bouillon. Mais toute l'aumône n'arrivait pas dans les conditions requises à la maison. Les pauvres en tiraient ou vendaient le meilleur. On dût alors choisir des pauvres « atfidés», pour faire ces corvées et mettre des cadenas aux marmites. A la cuisine, les garçons, au moyen de pots, tiraient des marmites ce qu'il y avait de meilleur. Quand on ajoute à tout cela les fraudes du boulanger, donnant des farines de qualité inférieure, mêlées de « récoupadis», et autres fraudes qu'on pouvait commettre, on aura la certitude que malgré toute surveillance les abus continuaient et que tout le monde devait en souffrir. (Délib., 1er sept. 1693, f. 690; 22 sept, 1693, f. 694; 1er oct. 1697, f. 51.)

C'était certes bien assez qu'en temps de détresse il fallût prendre des mesures particulières : « donner des fressures au lieu de fèves » (Délib. 2 avril 1709, f. 61°), fournir trois fois par semaine de la soupe aux herbes dont personne ne voulait plus, ce qui fit recourir au riz (Délib. 60 août 1720, f. 295); on donnait pourtant de la viande deux fois la semaine. (Délib. 22 décem. 1720, f. 331.) L'année suivante, l'administration est ainsi réglée, trois jours de riz, quatre jours de fèves et deux fois la semaine une sardine, ou un œuf, ou une once de fromage. (Délib. 25 février 1731, f. 343.)

Les enfants ne pouvaient s'accommoder d'une nourriture. ainsi combinée. On dut revenir au vin que l'on avait supprimé. Depuis que les enfants en étaient privés, ils étaient atteints de dévoiements. » (Délib. 7 octobre 1721, 397.)

Puis les alarmes d'un mal contagieux ayant parlé plus haut que toutes questions d'économie, en 1722, bien que la

récolte du vin, cette année, eût été mauvaise, on donna une nourriture meilleure. (Délib. 28 avril, 28 décemb. 1722, f. 424, 468.) Mais le vin était toujours mélangé d'eau ou « de vinade » : ce n'est qu'en 1780 qu'on le donne aux pauvres sans mélange, parce que la qualité en était mauvaise et qu'on avait « un immense besoin de vuider les futailles. » (Délib. 30 oct. 1780, f. 121.)

De temps à autre il est pris certaines dispositions très avantageuses c'est une ration de plus qu'on donne aux enfants qui chantent au lutrin, mais on la supprimera parce qu'on y voit un abus; c'est le goûter qu'on sert aux enfants de la crèche; c'est une augmentation d'ordinaire pour deux petites filles à qui on doit faire prochainement l'amputation d'un doigt; mais nous avons raison de le dire, ces mesures ne sont que des exceptions. Le goûter des enfants n'est trouvé bon que pendant les longs jours, du mois de juin au mois de novembre. (Délib. 26 juillet 1712, f. 439; 3 juin 1760, f. 56°; 9 oct. 1764, f. 36; 2 juillet 1765, f. 62°.)

Cette question de l'alimentation a été souvent agitée lorsque la maison se trouvait dans la nécessité de faire des économies. En 1777, l'évêque de Comminges nourrit les pauvres de son diocèse avec du riz mêlé avec de la farine. de maïs. Les frais de cette nourriture, fait savoir ce prélat, ne reviennent pour chaque pauvre qu'à deux sous par jour; il offre d'envoyer tout ce qui est nécessaire pour en faire l'essai dans la maison. On délibère d'accepter. (Délib. 17 mars 1777, f. 72°.)

Si l'alimentation est chose essentielle, les soins qui sont intelligemment distribués pour la conservation de l'individu ne sont pas chose accessoire non plus, nous devons le reconnaître. C'est pourquoi il est utile de noter les précautions prises en ce sens, en faveur des enfants pour qui nous conservons un très grand intérêt.

Le tinel des garçons est pavé (Délib. 24 févr. 1785, f. 228), mais ils couchent dans de mauvaises conditions, sur la paille et plusieurs dans le même lit, les matelas étant

réservés aux malades. (27 février 1685, f. 229.) Seulement on est dans la fréquente nécessité de nettoyer leurs couches, tant les punaises y abondent. (Délib. 13 août 1715, f. 63°; 30 avril 1720, f. 248.) En 1739, on songera à augmenter leurs lits pour éviter les maladies contagieuses qui les frappent vermine, gale, teigne. (Délib. 8 févr. 1729, f. 190.) Sont-ils au moins bien habillés, s'ils ont mal passé leurs nuits? On leur donne des bonnets en 1686 (Délib. 24 sept., f. 340), des sabots en 1717, garnis de peaux « pour qu'ils ne gâtent pas leurs pieds (5 oct. 1717, f. 35.) En 1719, l'année a sans doute a été mauvaise, car les inspecteurs remarquent que les pauvres manquent des vêtements indispensables pour couvrir leurs nudités. (Délib. 3 janv. 1719, f. 118.) D'ailleurs, quand les enfants avaient des vêtements, il pouvait leur arriver qu'on les leur volât, qu'on les leur achetât à vil prix, comme le faisaient, en 1716, les femmes chargées de les peigner. (Délib. 4 févr. 1716.) En 1721, les filles sont entièrement dépourvues de jupes. (Délib. 16 déc., f. 405.) En 1722, on reconnaît la nécessité d'acheter des bas aux pauvres qui en manquent et de remplacer par des bas de laine les bas de serge que certains possèdent. (Délib. 1, 22 sept. 1722, f. 452, 458). En 1773, les enfants comme les pauvres n'ont pas de bas, et les mouches, alors que leurs culottes sont courtes, leur dévorent les jambes on leur fera porter des culottes longues pour l'été. (Délib. 7 juillet 1778, f. 55.)

S'ils ont manqué parfois du principal, en 1769, on leur fournit jusqu'à l'accessoire : les enfants qui travaillent, qui sont placés dans les boutiques auront un tablier pour préserver leurs vestes et leurs pantalons. (Délib. 7 mars 1769.)

Dans les conditions d'alimentation, de vètements que nous venons de relever, il n'était pas impossible que ces enfants fussent souvent malades, alors surtout que le milieu où ils étaient devait forcément contrarier leur développement normal.

C'est ainsi que le mal de bouche les atteint, il est parfois si grave qu'ils en perdent les dents, s'ils n'en meurent pas,

faute au dire du rapporteur, de boissons suffisantes. On délibère de rendre l'ordinaire meilleur, en donnant de la viande deux fois la semaine. Il y avait sans doute peu de viande; cet ordinaire plus fortifiant était servi un jour aux garçons et aux hommes, un autre jour aux femmes et aux filles. Ce n'était donc pour chacun d'eux qu'une fois la semaine. (Délib. 18 août 1682, f. 78; 8 juin 1683, f. 131.)

L'alimentation ne pouvait les guérir à bref délai de ce mal de bouche. Les diriger sur l'Hôtel-Dieu semblait rationnel, cette maison les refusait s'ils n'avaient pas de fièvre (29 mai 1690, f. 20; 22 décemb. 1699, f. 116.)

Le réfectoire où les garçons prenaient leur nourriture était insalubre, dans le voisinage des fossés de la ville, pleins d'eaux bourbeuses (1er août 1713, f. 337), et le quartier qu'ils habitaient n'était pas plus convenable; ils y étaient d'ailleurs tous mêlés, sains et galeux. (Délib. 12 janv. 1718, f. 84.)

Autres maladies pouvaient être contractées par les plus jeunes, par exemple faute de bois pour sécher leurs linges en plein hiver. (Délib. 23 décemb. 1721, f. 408.)

En 1721, on prend des dispositions pour séparer les scorbutiques de ceux qui sont sains. (Délib. 25 janv. 1729, f. 188.)

En 1734, nous retrouvons les enfants fort sales et couverts de poux (11 mai, f. 249); on prend des mesures en 1761 pour les faire peigner par des femmes réservées pour cela; elles devaient naturellement avoir autant de zèle que leurs aînées de 1716; les enfants se rendront auprès d'elles de dix en dix et non tous ensemble. (11 mars, f. 113°.) Pour stimuler le zèle de ces femmes, il faut leur promettre une gratification. (Délib. 2 avril 1765, f. 53.)

Coucher plusieurs dans le même lit pouvait aider à la communication des maladies; manger plusieurs dans la même écuelle, boire au même robinet des fontaines, porter les mêmes vêtements qui avaient appartenu à des galeux, tout cela semblait devoir produire des résultats aussi funestes, c'est ce qu'on observe en 1766. (11 mars 1765, f. 88; 26 juillet 1768.)

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