Images de page
PDF
ePub

plus ou moins grand. En réalité, les muscles subissent des contractions spasmodiques quand les nerfs reçoivent des ébranlements d'une manière irrégulière; c'est ce qui a lieu, par exemple, dans les affections de la moelle épinière auxquelles se rattachent des tremblements étudiés par M. Fernet dans une thèse pour l'agrégation et, en général, tous les tremblements convulsifs ou spasmodiques produits par la lésion de la moelle épinière; paralysie agitante, sclérose en plaques, empoisonnement saturnin, alcoolisme, etc. Les mêmes tremblements se produisent aussi par l'effet de certains poisons qui affectent surtout la moelle épinière. Exemple la strichnine.

L'auteur de l'Essai sur l'hydrophobie affirme ensuite que les effets morbides des causes empoisonnantes sont purement nerveux. Il va ici évidemment trop loin. Il est des poisons qui désorganisent les tissus, comme les acides forts; il y a des poisons caustiques comme la potasse, des poisons septiques, d'autres qui, comme l'acide sulfhydrique, altèrent les liquides de l'organisme; l'oxyde de carbone, en se fixant d'une manière stable sur nos globules rouges, rend le sang impropre à fixer l'oxygène et à respirer; le sublimé corrosif, en coagulant l'albumine de notre sérum sanguin, empèche la circulation. Nugent a donc émis une idée trop générale. Son assertion ne peut s'appliquer qu'à certaines catégories de poisons, surtout aux narcotiques de diverses catégories. Il faut donc restreindre à certaines causes empoisonnantes les effets morbides signalés ensuite par l'auteur.

Ce sont, dit-il, des mouvements spasmodiques et des contractions, car c'est ainsi seulement que le système nerveux peut être affecté, excepté lorsque la paralysie a gagné certains nerfs. Ne peut-on pas conclure de là que le virus d'un chien enragé agit précisément de cette manière et que ses premiers effets sont purement spasmodiques? Mais ces pre

4. Voir Fournet : Application des sciences à la médecine et les travaux cites de MM. See, Trousseau, Charcot, Velpeau, E. Laffont, etc.

miers effets ne peuvent-ils pas devenir cause à leur tour et engendrer de nouveaux spasmes d'un caractère différent de ceux que l'on peut d'abord constater? Dans l'accouchement, les spasmes du travail enfantent des spasmes hystériques. qui ressemblent au travail, le retardent et fatiguent la femme sans aucun profit. On emploie l'opium pour la soulager, et les spasmes du travail viennent ensuite1. Ceux qu'excite le virus d'un chien enragé ne peuvent-ils pas donner naissance à d'autres qui viennent les compliquer et auxquels nous pourrions donner le nom d'hystériques ou quelque autre dénomination2? Que ces spasmes aient pour origine un empoisonnement ou une autre cause, ne produisent-ils pas des inflammations et un bouleversement dans l'économie animale, à moins qu'il n'y soit remédié dans un temps donné? Que si ces spasmes, ayant lieu d'abord, amènent à leur suite des inflammations et ces inflammations d'autres symptômes, les choses ne se compliquent-elles pas encore davantage et le mal dans son cours progressif, ne demande-t-il pas des méthodes différentes de traitement, l'une quand il est purement spasmodique, l'autre lorsque l'inflammation se mêle aux spasmes et que la fièvre, la chaleur, la soif et d'autres symptômes, successivement engen

4. « Dans l'accouchement, la contraction de la matrice n'est pas un spasme. Le col utérin se dilate lentement; quelquefois il y a spasme, contraction de ses fibres, mais alors ce n'est plus l'accouchement naturel c'est un cas de dystocie; il y a une maladie que l'on combat par les antispasmodiques. » Note de M. le Dr Molinier.) 2. M. le Dr Molinier croit qu'Elisabeth Bryant était atteinte plutôt d'hydrophobie hystérique que de rage. Les motifs qui le portent à le penser sont les suivants :

4 Il est douteux que le chien soit mort de la rage.

2o Les symptômes observés ont été plutôt nerveux que véritablement rabiques. (Il renvoie à ce sujet à Chomel, article Hydrophobie du Dictionnaire de médecine en trente volumes.)

3 La malade a guéri comme elle aurait guéri aujourd'hui après inoculation pastorienne.

C'est précisément cette distinction, admise aujourd'hui, entre la rage et l'hydrophobie hystérique, qui fait le noeud de l'action dans une nouvelle publiée en 1869 par la Bibliothèque universelle, intitulée Une simple égratignure, dont l'auteur est M. Henri Spicer.

drés les uns par les autres éclatent dans le cours de la maladie?

Parce que la gorge, l'œsophage, l'estomac, sont généralement et violemment attaqués dans l'hydrophobie, on s'est imaginé que ces organes sont enflammés dès le premier moment où le mal apparaît1. C'est ce qu'admet Boerhave lui-même. Et cependant il dit et l'expérience prouve que d'ordinaire dans l'hydrophobie, dans toutes les périodes de la maladie, le sang est omni nota bonus. Mais dans les inflammations ordinaires de la gorge, de l'œsophage, de l'estomac, de la plèvre, la masse du sang est omni nota mala. Dans le cas d'Elisabeth Bryant, par exemple, le sang a toujours été en parfait état. Donc il n'y a pas eu inflammation, bien que la rage se soit déclarée chez elle avec une violence rare à son début. L'inflammation n'est donc pas un des symptômes primitifs de cette maladie.

L'opinion des hommes les plus compétents est, aujourd'hui, si je ne me trompe, pleinement d'accord avec l'assertion de Christophe Nugent, qui, en 1752, pouvait être considérée comme un paradoxe. Ainsi Trolliet pense que la rage, envisagée sous un certain aspect, doit être placée parmi les affections nerveuses, surtout lors des premiers symptômes. Ce n'est qu'ensuite, et relativement aux traces qu'elle laisse dans les cadavres qu'elle peut être réputée inflammatoire. << En effet, dit-il, elle se présente d'abord comme une lésion manifeste des fonctions du cerveau, des sens et des nerfs; mais il s'y joint bientôt un catarrhe des voies aériennes et enfin une suffocation et même une véritable asphyxie2. »

1. Mease fait remarquer que dans la rage l'absorption d'un virus dans le sang et le système circulatoire est tout à fait improbable, << car, dit-il, jamais un ganglion lymphatique, situé au-dessus de la morsure, ne devient le siège d'un engorgement inflammatoire dans l'hydrophobie, tandis que cet engorgement est l'effet ordinaire de l'infection vénérienne, par exemple ». Du reste, cet engorgement, eût-il lieu quelquefois, n'infirmerait pas ce caractère général, puisqu'il a lieu à l'aine, par exemple, par l'effet d'une simple écorchure au pied?

2. Voir Dictionnaire abrégé des sciences médicales, t. XIII, p. 549. Panckouke, 1825.

<< Si un patient, continue l'auteur (je traduis ici), si un patient n'est point assisté à temps, n'est-il pas probable, puisque cela est si généralement arrivé en pareil cas, que les spasmes virulents, produisant d'abord du désordre dans l'économie, auront, après quelque temps, occasionné une inflammation des membranes qui sont le plus usuellement et le plus particulièrement affectés par les effets de ce poison? Une telle inflammation ne donnera-t-elle pas naissance à ce qui est son cortège habituel, la chaleur, la fièvre, la soif? Supposons qu'un médecin soit appelé, non dans les premières heures après l'apparition de la maladie, mais, ce qui est le cas habituel, vingt-quatre heures, trente-six heures ou quarante-huit heures après? Trouvant tous ces symptômes intérieurs exerçant à la fois leur furie', n'est-il pas raisonnable de suspecter que tout cela a été intimement associé avec la maladie dès son début, à moins qu'on n'ait été auparavant éclairé sur la nature simplement spasmodique de celle-ci? Et cette erreur n'est-elle pas le produit naturel des récits vagues des voisins et des spectateurs, terrifiés en de telles occasions et rarement instruits, et de la lecture des auteurs, qui presque tous parlent de cette maladie comme d'une maladie inflammatoire au plus haut degré ?? »

Rien n'est plus différent souvent que la cause d'une maladie et celle de la mort qui la termine. Ainsi dans la pierre, les pierres, passant dans l'urètre, occasionnent des contractions spasmodiques. Si on n'en est pas débarrassé à temps, elles donnent lieu à une inflammation, l'inflammation à la gangrène (mortification). La gangrène amène la mort. On ouvre le corps. La gangrène apparaît. Elle a causé sans doute la mort du patient, mais elle n'a été nullement la cause de la maladie et elle n'a eu aucune part à sa nais

sance.

1. « Finding all these untoward symptoms raging thus promiscuously together. >>

2. Essay on the Hydrophobia, § 40, pp. 52-54.

de SÉRIE.

TOME IX.

6

Notre auteur cite ensuite l'exemple des personnes piquées par la tarentule. Ils ont de soudaines émotions, des aversions déraisonnables, causées par certaines vues, par certains sons. La morsure d'un chien enragé ne donnera-t-elle pas lieu à des symptômes analogues, bien que différents à certains égards? Et cette analogie existe entre tous les genres de folie1. Elle doit, par conséquent, exister entre l'opération générale de leurs causes. Si elles revêtent une grande variété de forme, elles s'accordent en ce point qu'elles troublent les affections et créent des aversions et des émotions étranges. Certaines folies ont un tour sérieux et mélancolique; dans d'autres on voit apparaître les plus fortes extravagances. Mais dans les unes comme dans les autres, le malade est dépourvu de raison et dans un état évident de trouble. Les causes qui excitent ces manies ne donnent-elles pas aussi naissance aux symptômes essentiels concomitants? La réciproque aussi n'est-elle pas vraie? Élisabeth Bryant n'a-t-elle pas dû à la cause qui a produit sa manie les douleurs qui l'ont accompagnée et tout le cortège des

1. L'auteur aurait dû établir ici une distinction entre deux espèces de folie l'une produite par des causes morales, si je puis m'exprimer ainsi, l'autre produite par des causes purement physiques. La folie peut avoir pour origine une idée fixe, une sorte de fatigue tensionnelle du cerveau, sans aucune lésion de l'organe même, ou bien un accident traumatique par lequel l'organe a été lése et est devenu impropre à remplir ses fonctions. Dans la rage, les deux espèces de folie peuvent exister. La rage donne lieu à des troubles considérables dans le système nerveux central, comme l'attestent Morgogni, Darluc, Revolat, Marschall, Gillmann, Morelot, Rossi, Trolliet et beaucoup d'autres. Mais il n'est pas moins certain que l'idée fixe d'avoir été mordu par un chien enragé et la peur peuvent aussi produire une sorte d'hydrophobie symptomatique qui peut tromper le médecin et explique certains cas de rage, pour ainsi dire spontanée, et l'influence que peuvent avoir fréquemment les moyens superstitieux. Dans le cas d'Élisabeth Bryant, on se rappellera que des accès d'hydrophobie et les autres symptômes de la maladie dont elle avait été affectée lui revinrent à la suite de la frayeur que lui donnèrent les paroles sinistres d'un visiteur étranger et celles d'une imprudente voisine. Elle était pourtant alors à peu près guérie et ces accès passagers ne l'empêchèrent pas de guérir entiè

rement.

« PrécédentContinuer »