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des autres maisons Royales; il fit plus, il lui obtint la permiffion de copier les ouvrages du Titien, de Rubens & de Van- MURILLO, dyck. Ce fecours étoit le vrai chemin du coloris, Murillo y joignit encore la pratique de deffiner dans les Académies d'après les belles ftatues antiques, & il devint fort habile. Rien ne fortoit de ses mains qui ne fût foumis à l'examen & à la retouche de Velasquez, dont l'amitié & la fréquentation lui ont été fi utiles.

Murillo de retour à Seville travailla d'après nature & fuivit les confeils de Velasquez. Ses premiers ouvrages publics furent des chefs-d'oeuvres & le firent extrêmement estimer.

Quelques (a) auteurs ont écrit que ce peintre avoit été mené tout jeune aux Indes orientales où il s'étoit exercé de luimême à peindre tout ce qu'il voyoit & qu'à fon retour il avoit paffé en Italie. Ces deux faits font faux & font combattus par les nouveaux mémoires que j'ai reçûs d'Espagne : il n'eft jamais forti de fon pays, & fon plus grand voyage a été celui de Madrid; c'est un autre Murillo qui a été aux Indes appellé Jofeph Murillo fils de celui-ci, lequel s'exerçoit auffi à la peinture & s'y feroit fort diftingué, fi la mort ne l'eût enlevẻ fort jeune dans ces pays-là.

(a) Sandrat. acad. art. pict. fol. 397. Pittorico. p. 91.

Orlandi Abcedario

Murillo peignit à Seville le fameux cloître du couvent de faint François près la porte; on y découvre une force admirable de coloris bien différente de celle qu'il avoit employée dans fes premiers ouvrages. Il y a représenté en onze grands tableaux peints fur le mur à frefque les différentes vifions, extafes & miracles de plufieurs freres de l'Ordre, l'agonie de fainte Claire à laquelle affiftent Jefus-Chrift, la Vierge & plufieurs faintes vétuës de blanc, faint Gilles en extafe devant le Pape Grégoire IX. faint Jacques à genoux donnant à manger à des pauvres qui rendent graces à Dieu, faint François couché fur une eftrade de planches, fur laquelle il y a une nate de paille, & à côté est un ange jouant du violon. Après ce grand ouvrage qui accrut infiniment fon nom, Murillo qui ne fongeoit qu'à plaire au public prit un coloris plus clair, c'est-à-dire, moins rembruni, cependant vigoureux, il a beaucoup cherché la maniére de Paul Veronefe & fouvent on les prenoit l'un pour l'autre. Un auteur (6) Espagnol l'ap- _ (b) Palomine. _ pelle le Vandyck Espagnol.

Ce fut alors qu'il porta fon art au point que fes tableaux sont

Tom. I. p. 154.

extrêmement recherchés dans toute l'Europe: on y trouve une MURILLO. peinture moëlleuse, un pinceau frais, des carnations admirables, une entente de couleur qui furprend, une vérité qui ne peut être effacée que par la nature même, de ces paffages heureux qui font briller avec prudence les endroits qui doivent être piqués des plus grandes lumiéres, enfin toute la partie du coloris eft parfaite; un peu plus de correction, un choix plus heureux & tiré de la nobleffe des têtes antiques, mettroient les tableaux de ce maître au plus haut dégré.

La ville de Seville doit-être regardée comme fa vraie patrie; il y a été élevé & il y a demeuré fort long-temps, c'est auffi la ville qui poffède fes plus beaux ouvrages. Ceux qu'il a peints à la Cathédrale, à la Charité, au couvent de faint François, chez les vénérables prêtres, les feize tableaux des Capucins parmi lesquels eft le fameux tableau de faint Thomas de Villeneuve qui donne l'aumône, & que Murillo appelloit fon tableau favori, font des preuves manifeftes de fon habileté. Les villes de Cadix, de Grenade, de Cordoue & celle de Madrid poffédent encore d'excellens ouvrages de ce maître, fans compter tous ceux qu'il a faits pour les particuliers. Murillo n'a pas moins bien réüssi dans le portrait & dans le païfage, il céda à l'empreffement de ses enfans en fe peignant lui-même en golille.

Le Roy Charles II. enchanté de fes productions & de fon mérite, voulut l'attirer à fa Cour & en faire fon premier peintre, Murillo s'en excufa fur fon grand âge qui ne lui permettoit pas de changer d'air, il peignit plufieurs morceaux pour ce Monarque, & pour les Seigneurs de fa Cour.

Murillo étoit humble & modefte recevant volontiers les confeils de fes amis fur fes ouvrages, il fe fit même aider pour la perfpective par Valdès dans fon beau tableau de faint Antoine de l'Eglife de Seville. Il étoit fi peu intéreffé qu'il donnoit tout ce qu'il avoit, & qu'il laiffa en mourant peu d'argent comptant : la pudeur l'empêcha d'avouër l'état où l'avoit mis un faux pas qu'il fit fur un échafaud en peignant dans l'Eglife des Capucíns de Cadix; cet acccident qui lui caufa une defcente, devint fi férieux qu'il l'enleva en peu de temps à Seville en l'année 1685. à l'âge de foixante & quinze ans. Son cercueil fut porté dans l'Eglife de fainte Croix de Seville par deux Marquis & quatre Chevaliers de différens Ordres.

Ce peintre étoit en fi grande confidération de fon vivant

que

que Don Jofeph de Vettia miniftre des affaires étrangères époufa une de fes fœurs; ce qui fit obtenir à un de fes fils MURILLO. nommé Gafpar Murillo, un canonicat de la Cathédrale de Seville, Jofeph Murillo fon autre fils eut par le crédit de fon pere un bénéfice confidérable.

On connoît pour éléves de Murillo, fon fils Jofeph, & un chevalier de Malte Efpagnol, nommé Villavicienfo. Clément de Torres, Don Jean Simon, Etienne Marquez, Sébastien le Mulate tous de Seville, le Navarois du Port fainte Marie n'ont point été enfeignés par Murillo, mais employés par lui dans, les ouvrages qu'ils ont copiés avec beaucoup de foin dans la vûë de l'imiter.

Ses deffeins font extrêmement rares : fi l'on en peut juger par un feul que je pofféde qui représente deux payfans affis mangeant un melon d'eau, la touche de ce maître eft hardie, & l'on y trouve une grande vérité. Ce deffein est fait entiérement à la pierre noire couvert d'un lavis à l'encre de la Chine relevé de blanc, avec des coups fiers donnés au pinceau. Ses principaux ouvrages à Seville font le fameux cloître de faint François qui vient d'être décrit ci-deffus, il y a outre cela deux conceptions l'une fous la voûte de la principale chapelle & l'autre dans le cloître avec le portrait de Scot appuyé fur un livre & tenant une plume, à l'Hôpital de la Charité il a peint fur les murs d'une chapelle quatre morceaux, l'un faint Jean de Dieu portant un pauvre & foulagé par un ange, l'autre fainte Elifabeth Reine de Hongrie qui penfe les malades le troifiéme eft Moyfe frappant le rocher, & le quatriéme est le miracle des pains où il y a une grande quantité de figures. A la Cathédrale dans la chapelle des fonds le tableau de faint Antoine de Padoue avec l'enfant Jefus environné de gloire avec une table en perfpective fi bien peinte qu'on affure avoir vû un oiseau chercher à s'y pofer pour becqueter des fleurs d'un pot qui y eft peint, faint Léandre & faint Ifidore freres, ce dernier Archevêque de Seville, font peints dans la même Eglife où eft une image de la conception & la naiffance de la Vierge; dans l'Eglife des vénérables prêtres il y a encore une conception, un faint Pierre & deux autres tableaux. Le portrait du chanoine Fauftino Nives avec une petite chienne qui eft parfaite. Parmi les feize tableaux des Capucins on remarque faint Thomas de Villeneuve donnant l'aumône, le Jubilé

de la Portioncule eft au maître Autel, on y voit Jefus-Christ MURILLO. avec fa croix, & la Vierge à fa droite lui demande cette faveur fignalée, une fuite en Fgypte & l'ange Raphaël dans le couvent de la Mercy; a fainte Marie la blanche il y a fept tableaux parmi lesquels est une céne; à faint Augustin tout le retable eft de la main de Murillo, & il y a quelques morceaux dans les chapelles.

A Cadix chez les Capucins on voit le tableau de fainte Catherine, & une conception au maître Autel de faint Philippe de Neri.

A Grenade chez les religieufes de Langle le bon Pasteur fous la forme d'un enfant & chez les Chartreux de la même ville une conception en petit.

A Cordoue une autre conception dans le chœur du Couvent des Minimes.

A Madrid dans la chapelle de fainte Anne de l'Eglife des Carmes déchauffés un faint Joseph à mi-córps avec l'enfant Jefus.

MATTIA PRETI.

LE

E cavalier Mattia Preti da Taverna detto il Calabrefe, naquit en 1643. dans la terre de la Taverne fituée dans la Calabre, province du CALABROIS. Royaume de Naples. La feule nature l'avoit fait peintre, & il ne devoit qu'à son heureuse difpofition, l'habileté où il fe porta de luimême. Ses longues études à Parme & à Modéne d'après le Corrége ne lui ont jamais ouvert une auffi grande carriére. En fortant de la Lombardie il arriva à Rome & fe mit dans l'école du Lanfranc: pour un peintre qui afpiroit à peindre des coupoles & de grandes machines, c'étoit ce qu'il pouvoit faire de mieux. Le Calabrois fut employé dans les plus considérables ouvrages de cette ville, & fon nom est écrit en 1657.

1613.

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