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» tant qu'elles feroient grandes, & qui » feroit plus touché d'une Horloge de Village que d'une petite Montre, où » tout ce que l'art de l'Horlogerie a inventé de plus parfait fe trouveroit » réuni ? «C'est la réflexion que fait l'illuftre M. de Réaumur, contre lequel l'Auteur s'acharne avec une indécence

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bien peu Philofophique.

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Nous avons certains Axiomes Proverbiaux, dont la vérité n'a jamais été révoquée en doute, & que notre Interprète entreprend de réfuter très-férieufement. Voici fes paroles « On dit en » Littérature, il ne faut pas difputer des goûts. Si l'on entend qu'il ne faut pas difputer à un homme que tel eft fon goût, c'est une puérilité. Si l'on en» tend qu'il n'y a ni bon ni mauvais » dans le goût, c'eft une fauffeté,,. Tout ce raifonnement porte lui-même fur une fauffe fuppofition; jamais ce Proverbe n'a été fait pour être appliqué aux Ouvrages de Littérature.

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Ce que l'Auteur appellé fes Conjectures forme au moins la cinquième partie de ce Volume. Ce font des idées jettées au hazard, dont il ne réfulte aucun éclairciffement utile pour l'inter

prétation de la Nature; c'eft un amas de propofitions avanturées, dont le moindre défaut eft d'être étrangères à cet Ouvrage. Que diriez-vous d'un Interprète, qui, au lieu de rendre ce qu'on lui auroit dit, s'amuferoit à faire de tongs raifonnemens fur ce qu'on auroit dû ou pû lui dire. Il quitte fans ceffe la fonction dont il s'eft chargé, foit pour déchirer ceux qu'il n'aime pas, foit pour careffer ceux qu'il aime. Il fait voir dans le lointain à ces derniers le rang honorable qu'ils doivent occuper, felon lui, dans la Poftérité; & voici le préfervatif qu'il leur donne contre le mépris de leurs Contemporains. Il veut que chacun fe dife à foimême, "lorfqu'il lui arrivera d'être traverfé, mal entendu, calomnié, com,, promis, déchiré : N'eft-ce que dans ,, mon Siécle, n'eft-ce que pour moi », qu'il y a eu des hommes remplis d'i» gnorance & de fiel, des ames ron», gées par l'envie, des têtes troublées », par la fuperftition?.... Et vous, qui » prenez le titre de Beaux-Efprits, & qui ne rougiffez point de reffembler ,, à ces infectes importuns, qui paffent les inftans de leur existence éphémère

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à troubler l'homme dans fes travaux, ́», quel eft votre but?... Malgré vous ,, les noms des Duclos, des d'Alembert, », & des Rouffeau, &c, feront en honneur parmi nous & chez nos Neveux; & fi quelqu'un fe fouvient un jour des vôtres, ils ont été, dira-t-il, les perfécuteurs des premiers hommes de ,, leur temps., ,,Avec ce beau raifonnement, il n'y a point d'extravagancė qu'on ne juftifie, point de méchant Ecrit qui ne foit un chef-d'œuvre, point de petit Auteur qui ne puiffe fe croire un grand Ecrivain. Quel est l'homme qui n'attribuera pas à l'envie ou à l'ignorance le jufte mépris qu'on aura pour lui & pour fes Ouvrages? Mais ne trouvez-vous pas, Monfieur, bien fingulières les expreffions de notre Auteur? A l'entendre, tous ceux qui le critiquent, lui ou fes amis, font des ames rongées par l'envie, des têtes troublées par la fuperftition, des hommes remplis d'ignorance & de fiel, des gens qui entendent mal, qui calomnient, qui traverfent, qui compromettent, qui déchirent, qui perfécutent. Je vous avoue que ce langage me paroît bien étrange. Ou l'Auteur, quand il a écrit ces lignes,avoit le cœur ulcéré de

quelques critiques juftes & polies qu'on avoit faites de lui, ou il venoit de lire quelque relation de Peuples Sauvages chez lefquels on fe traite avec cette barbarie. Car, s'il y a un reproche à faire à nos Cenfeurs Littéraires d'aujourd'hui, c'eft d'accueillir avec une lâche, indulgence tous ces petits Ecrivains qui les follicitent par eux-mêmes ou par des Protecteurs; c'eft d'égarer le goût des Etrangers qui fe règlent fur leurs décifions; c'eft de tromper leurs Compatriotes qui leur ont donné leur confiance; c'eft de fe rendre, par complaifance, par amitié, par efprit de parti, par gratitude, fouvent par commifération, méprifables aux yeux de l'equitable Avenir, qui ne fera point la dupe de ces Extraits infidelles dont nos Journaux font deshonorés.

Je ne rabats rien au refte des éloges que l'Auteur donne à quelques gens de Lettres, à charge de revanche. Je crains feulement que ces louanges ne perdent de leur prix aux yeux de ceux qui favent que l'Auteur eft lié avec la plupart de ces gens

de Lettres :

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Nul ne fera grand homme, hors nous & nos amis,

Il y a encore une réfléxion à faire, qui

détruit les plaintes vaines & chagrines de notre Philofophe; c'eft que les réputations des Auteurs font fixées, même avant leur mort. Elles ne dépendent ni de leurs flatteurs, ni de leurs détracteurs. Ils font jugés définitivement par un troifiéme parti, qui n'écoute ni les paffions, ni les intérêts, ni la haine, ni l'affection, ni la reconnoiffance des deux autres. Rien ne me feroit plus aifé, j'ose le dire, que d'affigner à chacun des Auteurs vivans la place qu'il aura dans la Poftérité. Je n'aurois tout fimplement qu'à marquer celle qu'il occupe aujourd'hui dans l'efprit des gens fenfés & des vrais connoiffeurs; mais je me garderai bien de rendre publique cette diftribution de rangs. Tout ce que je me permettrai de dire, c'eft que je ne crois pas que l'Auteur des Penfées fur l'interprétation de la Nature faffe fortune chez nos Neveux. Ce n'eft pas qu'il n'ait beaucoup d'efprit, un génie même éminent, fi l'on veut, & des connoiffances infinies & profondes. Comment fe peut-il qu'avec tout cela on faffe des livres médiocres? Tout ce que j'ai lu de cet Ecrivain eft marqué, en général, au coin d'une imagination rafinée, qu'une atmosphère

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