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favoir que la Pièce eft, en général, écrite de ce tyle. Le même efprit d'équité, qui, malgré moi, m'arrache ce jugement rigoureux, m'oblige de convenir auffi qu'il y a de temps en temps dans cette Piéce quelques vers heureux, qui font honneur au génie du Poëte. En voici deux qui me paroiffent bien peindre l'ame élevée d'un homme dévoré d'ambition.

Les obftacles franchis s'éclipsent à mes yeux; Et me me laissent voir que les Rois & les Dieux.

Je vous en citerai quatre autres, qui ont été justement applaudis.

La gloire fuit l'excès des vertus & des crimes. Préparons le carnage, & marquons les Victimes. Quand on poffède l'art d'éblouir les Mortels, En méritant la Foudre, on obtient des Autels.

L'Auteur mérite encore des éloges, par rapport à la conduite de fa Tragédie. Il a tiré le meilleur parti qu'il a pu d'un fond vicieux ; & la texture de fa Pièce prouve qu'il entend affez bien la marche théatrale : ce qui n'eft qui n'est pas un petit mérite. Enfin je dois vous faire obferver qu'il eft jeune; que c'eft ici

fon coup

d'effai, & que par conféquent il feroit injufte & inhumain de le décourager.

Si l'on faifoit un Parterriana, c'est-àdire, un recueil des plaifanteries, des équivoques,& des balourdifes qui fe font dites dans le Parterre, la Tragédie de Pares fourniroit un trait à ce nouvel Ana. Le jour de la première représentation, on applaudit extraordinairement

ce vers:

Un Héros à fa voix enfante des Soldats.

Quelqu'un, qui ne l'avoit pas enten du, demanda à fon voifin, qui battoit des mains de toutes fes forces, ce qu'on avoit dit l'Applaudiffeur répéta avec emphase, & de la meilleure foi du monde, le vers ainfi défiguré :

:

Un Héros en Savoye enfante des Soldats.

Diverfes Brochures fur la Mufique
Françoife.

La première Fontaine qu'on voit, Monfieur, en entrant dans le Labyrinthe de Versailles, repréfente tous les Oifeaux irrités contre un feul, de leur

espèce à la vérité, mais qu'ils ne peu vent fouffrir, à caufe de fon chant mauffade & de fon vilain plumage. Perchés fur des branches, ils jettent de l'eau en mille manières différentes fur l'Oiseau nocturne leur ennemi, qui eft er bas, au milieu d'un Baffin de Rocaille. Cette fable me paroît une image fenfible de ce qui vient de fe paffer au fujet de M. Rouffeau de Genève. Tous les Oifeaux duParnaffe fe font déchaînés contre lui;il n'y en a prefque pas un feul qui ne lui ait donné fon coup de bec. Pour parler fans figure, l'illuftre Auteur de la Lettre fur la Mufique Françoife s'eft attiré une foule de réponfes, dont je me propose de vous dire un mot. Mais, avant que d'entrer dans ce détail, permettez-moi quelques réfléxions.

Plufieurs perfonnes, entr'autres lėš partifans de M. Rouffeau, ont trouvé mauvais qu'on ne l'ait fouvent appellé que Jean-Jacques, & ils ont dit, avec raifon,que le nom deBaptême d'un homme n'étoit pas une épigramme. Auffi n'eft ce pas dans la vue d'en faire une qu'on l'a employé ; ce n'a été que pour rele ver la puérile affectation de M. Rousseau de mettre toujours à la tête de ses écrits,

Par Jean-Jacques Roujeau,& de s'éloigner en cela de l'ufage reçu parmi les Gens de Lettres. C'est plutôt lui-même, qui, par cette miférable fingularité, a fans doute voulu faire une épigramme contre ceux qui prennent le titre de Monfieur, & qui le placent avant leur nom.

Les fectateurs du Génevois ont été plus bleffés encore du ton dur qui regne dans quelques-uns des écrits publiés contre lui Leur délicateffe me paroît extrême, ainfi que leur injuftice. Quoi, il fera permis à un Etranger, d'infulter une Nation qui l'a reçu dans fon fein de la traiter d'ignorante & de barbare, de déprimer fes Arts & fes Artiftes ; & il faudra lui répondre avec des égards & des ménagemens qu'il n'a jamais connus! Il nous attaquera avec une maffue hériffée de groffes pointes de fer, & nous ne pourrons nous défendre qu'avec une houlette légère, ornée de rubans & de fleurs! Quelle idée M. Rouffeau lui-même auroit-il eu de nous, fi nous l'avions traité avec cette politeffe, contre laquelle il s'eft tant de fois élevé, & qu'il regarde comme le plus grand des vices, comme la marque la moins équivoque de la corruption de l'efpriz

& du cœur? On a donc cru le fervir felon fon goût, en employant contre lui la force & la véhémence qu'infpire la bonté d'une caufe; & après cela on nous reprochera de ne lui avoir dit que des injures. J'appelle dire des injures, lorfqu'on donne à quelqu'un des qualifications odieufes qu'il ne mérite pas; mais lorsqu'on le peint de fes propres traits; lorfque l'honneur de la Patrie & du goût enflamment d'un zéle éclairé, cela ne s'appelle que dire la vérité avec fermeté ; & je préviens que je la dirai fouvent ainfi. Je voudrois bien favoir fi les Philippiques de Démosthène & de Cicéron ne font que des injures.

A l'égard des Auteurs qui ont repouffé les attaques deM.Rouffeau avec les armes du ridicule, on a cru le juftifier, en difant que des plaifanteries n'étoient pas des raifons.Non fans doute;mais fouvent elles valent mieux que des raifons. Peutêtre même étoit-ce le feul parti qu'il falloit prendre contre un homme qui choque ouvertement le fens commun & les bienféances. Avec ce bel Axiome,des plaifanteries ne font pas des raifons, on justifiera tous les fots Ecrivains. Horace n'a

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