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fouvent employé que la plaifanterie contre ceux de fon temps. L'immortel Boileau n'a fait que plaifanter fur Cotin. Je fuis prefque für auffi que Cotin ne manquoit pas de dire que des plaifanteries n'étoient pas des raifons.

Obfervations fur la Lettre de J. J. Rouleau.

M. Cazotte, Commiffaire de la Marine, a le premier levé l'étendart de l'indignation, dans une Brochure de 19 Pages. En voici à peu près le début, que les Bouffoniftes ne manqueront pas d'appeller un tiffu d'injures. « Jean-Jacques »Rouffeau, Citoyen de Genève, femble » ne donner des Ecrits au Public, que dans la vûe de lui faire des outrages. "Il paffe fon temps à rêver à des para» doxes humilians pour l'Humanité, ou pour la Nation... Il a voulu nous prou» ver que nous ferions plus heureux de » ne pas penfer, & que nous n'en fe»rions que plus fages. Aujourd'hui il » nous démontre, à fa manière, que. "nous avons tort de fentir. Il décrie » les Arts, & confacre fes jours à s'effayer dans les plus frivoles... Si le mépris d'autrui & l'eftime de foi-même,

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» affichés avec indécence, fi l'affectation cynique, la mifantropie, conftituent' » le Philofophe, Jean-Jacques eft un très-grand Philofophe. Si le dédain » des idées reçues, & l'adoption des rêveries fingulières à leur place, fi le ton décifif, file fel amer & cauftique font » le grand homme de Lettres, JeanJacques eft un grand homme de Let

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» tres. "

Après ce préambule, M. Cazorte établit des propofitions bien contraires à celles de M. Rouffeau. Il foutient, & il ne prouve pas mal, qu'on peut faire dans notre langue un bon Poëme, fufceptible de chant; de manière qu'il en réfulte pour nous un amufement vif & raifonnable; que nous avons une mélodie & une Mufique Nationale. Il analyfe notre plaifir pour ce qui regarde la Mufique; il veut qu'il dérive de trois fources, fentiment, analogie, convention. Toutes les fois que notre Chant exprime avec vérité des paffions, nous goûtons un plaifir de fentiment; nous éprouvons celui d'analogie, quand il fe joint à cette expreffion quelque chofe qui caractérise la façon de fentir qui nous eft particulière. Le plaifir qui réfulte de

notre récitatif, tient, felon lui, beaucoup plus de la convention que les deux autres, en ce que nous le trouvons d'autant meilleur, qu'il approche plus de notre déclamation tragique. Il faut donc que cette déclamation tragique elle-même foit auffi de convention; ce que je ne crois pas je penfe, au contraire, que nous l'avons naturellement trouvée, en conféquence de notre façon de fentir. Elle eft fi peu de convention, qu'il nous feroit impoffible d'en avoir une autre, à moins qu'on ne changeât le caractère de la Nation. Il n'y a point de convention qui puiffe être reçue par rapport au langage des paffions; chaque Peuple les exprime au-dehors, fuivant fa manière de les fentir. C'eft uniquement par cette raison que la Déclamation Angloife & la Déclamation Italienne font fi différentes de la nôtre. La convention ne peut avoir lieu que pour des chofes étrangères à l'ame, en quelque forte, telles que d'abandonner notre Opera aux preftiges de l'imagination, d'y fouffrir toutes les extravagances de la Fable, de la Féerie, de changer le lieu de la Scène prefque à chaque inftant, enfin, de violer toutes les règles

de la Poëfie Dramatique, non par igno rance, mais de propos délibéré. Notre Déclamation tragique, & par conféquent notre Récitatif, qui en eft émané, tient donc au fentiment & à l'analogie; il n'y a pas d'autres fources des plaifirs de l'ame. Les plaifirs de convention font pour la fatisfaction des yeux, & pour introduire la variété, ce charme des fens & de l'efprit.

L'Auteur accorde à M. Rouffeau que notre langue est moins propre à la Poëfie lyrique que l'Italienne; il lui accorde encore que les Italiens, plus paffionnés que nous pour la Mufique, l'ont en général plus perfectionnée : deux points fur lefquels tout le monde n'eft pas d'accord, & qui, s'ils étoient bien difcutés, laifferoient pour le moins la victoire incertaine entre les deux Langues & les deux Mufiques. Mais enfin, M. Cazotte a befoin de cette fuppofition, pour demander fi l'on en conclura qu'il faut brûler les Poëmes de Quinault; qu'il a été, & qu'il eft impoffible qu'on faffe en Mufique rien de bon fur ces Poëmes, ni fur aucun autre. L'Obfervateur fait un raifonnement dans le goût de fon Antagoniste, & fe fert, pour un

moment, de fon admirable Logique. La langue Angloife eft dure & moins propre à la Pocfie Dramatique que ne l'eft la Françoife. Leurs Auteurs ont moins entendu le Théâtre que les nôtres. Le Théâtre François eft le Théâtre par excellence; il eft admiré de toute l'Europe. Le Théâtre Anglois eft renfermé dans les bornes d'un Royaume. Donc les Anglois doivent renoncer à leur Théâtre; donc les beautés terribles & fublimes de Shakespeare ne doivent plus les toucher; donc ils n'ont fait ni ne peuvent faire de bonnes Pièces. M. Rouffeau peut répondre que les Anglois n'en feroient que mieux d'adopter notre Théâtre, & nous la Mufique Italienne. Il y a un parti plus raifonnable à leur propo-. fer: c'eft, non de renoncer à leur fangue, ce qu'il feroit abfurde de leur demander, mais de continuer à faire des Pièces Angloifes, en fe conformant un peu plus à des règles que nous fuivons, qui ne font pas les nôtres, qui font celles des Grecs & des Romains, ces modèles de toutes les Nations, en fait de littérature & de goût: de même que nous devrions, non adopter la langue & la Mufique des Italiens, comme l'exi

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