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les Enfers, les Elémens, tout y prend part. Le Lecteur eft étonné de cette immenfité d'objets qu'on lui préfente, & qui fe développent à fes yeux fans contrainte & fans confufion. Sa curiofité eft fans ceffe irritée; & je fuis perfuadé qu'elle le feroit davantage, & que ce Poëme feroit beaucoup plus d'effet, fi le fujet en étoit moins connu. Les idées en font grandes & fublimes, les expreffions nobles & brillantes, & les images extrêmement variées. L'Auteur a fçû réunir fous de beaux traits les grandeurs & les humiliations du Sauveur. Son imagination s'eft enflammée au feu facré; elle s'eft enrichie des tréfors poëtiques que renferment les Saintes Ecritures. Enfin ce Paradis Reconquis de M. l'Abbé de la Beaume eft autant au-deffus du Paradis Reconquis de Milton, dont nous avons une traduction dans notre langue par le feu P. de Mareuil, Jéfuite, que le Paradis Perdu du même Milton eft fupérieur à tous les Poëmes épiques François, fans en excepter un feul.

Je fuis, &c.

A Paris ce z Mars 17549

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UN

N Médecin Arabe guérit Maho met II d'une grande maladie. Il devient fon favori, & il n'en profite que pour enlever au Sultan une maîtrelle adorée, qui s'enflamme de l'ardeur la plus vive pour le Docteur. Ce n'eft point par des propos de galanterie qu'elle fe laiffe toucher, mais par des leçons de Médecine. Son cœur ne peut tenir contre les aphorifmes d'Hippocrate & les préceptes de Gallien. Tel eft, Monfieur, le fond tout-à-fait neuf d'un Roman fingulier, intitulé fur la premiere page, Etrennes pour les Dames, & fur la feconde, Abdeker, ou l'art de conferver la Beauté, en deux petits volumes in-douze, à Paris, chez Ganeau, Libraire, rue S. Séverin.

Fatmé eft le nom de la Géorgienne que le traître Amour, fous la robe d'Ef

culape, affervit à fes loix. Ce petit Diet malin ne s'étoit point encore avifé de cet heureux expédient pour féduire les Belles. Les vifites fréquentes que le Médecin Abdeker étoit obligé de faire à l'infirmerie du Serrail, le mirent à portée de voir fouvent la charmante Odalique, & de lui plaire, en lui dévoilant les secrets de fa profeffion. Il eft vrai qu'il ne l'entretint d'abord que de ceux qui flattent la vanité des femmes; il lui apprit les moyens de conferver fa beauté.

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Vous contribuerez, lui dit Fatmé, au » bonheur d'une Élève, qui fent tout le prix de votre Art, & qui fera charmée » de vous donner, dans l'occasion, les » marques les plus convaincantes de fa reconnoiffance.» Tel fut le fuccès de la première leçon.

Les dernières paroles de l'aimable Géorgienne ne permettent pas à l'heureux Abdeker de fermer l'œil de la nuit. Plufieurs phantômes fe préfentent à fon efprit durant fon infomnie. Il voit Héraclide de Tarente qui dédie à fa chère Antiochis un traité fur les Cofmétiques. Il voit Mofchion & Mercurial qui forgent des armes contre les ennemis de la Beauté. Il voit Circé qui lui apprend la vertu

des Plantes; Médée qui rajeunit fon beau-père Efon; Afpafie qui compofe un Traité de Médecine, &c. Une d'entre-elles lui promet que Fatmé va être admife dans leur compagnie, & qu'elle y tiendra le premier rang. Impatient de revoir l'objet qu'il aime, le tendre Médecin devance le lever du Soleil ; il арpelle fes Efclaves; il prend la robe qui fait paroître fa taille plus avantageufe; il choifit le Turban qui lui donne un air plus doux & plus noble; tout eft recherché dans fa parure; tout y eft ajusté par les mains de l'Amour. Fatmé, de fon côté, n'eft pas plus tranquille; elle attend avec la même inquiétude le retour de fon Vainqueur : il paroît enfin. Vous croyez, Monfieur, qu'il va lui dire les plus jolies chofes tout fon efprit étoit dans fon caur; l'Amour le rendit muet. Je me trompe; Abdeker parla, & voici à peu près les difcours agréables qu'il tint à fa Maîtreffe. La beauté eft la forme d'un tout qui plaît à notre vue par l'étendue, la couleur, le nombre, l'arrangement & la proportion de fes parties; à notre toucher, par fon tiffu; à notre odorat, par fon odeur; à notre ouie, par le fon, Abdeker reprend chacun

,

de ces articles, & continue fçavamment: Une perfonne trop grande ou trop petite, trop graffe ou trop maigre, nous déplaît. Une peau brune, jaunâtre parfemée de tâches de rouffeur, eft difforme. Deux nez, un œil ou un fourcil nous déparent. Des dents mal arrangées, des cheveux mal plantés forment une figure bizarre; un petit nez fur un gros vifage, une groffe tête fur un petit corps, en forment une ridicule : voilà pour la vûe. Une peau rude, cou-verte de poils & de boutons, & criblée de petite vérole, eft difgracieuse au toucher. Tel objet, dont l'haleine n'est pas pure, ou dont les différentes parties du corps exhalent des vapeurs fétides bleffe l'odorat: une voix rude rend une jolie femme defagréable. Cette differtation enflamme de plus en plus la belle.Géorgienne: Abdeker animé par le fuffrage de fon amante, traite à fond chacune de ces parties; après avoir fait connoître lesdéfauts contraires à la beauté, il affigne les remédes qui leur conviennent. L'étendue, dit-il gravement, peut être défectueufe dans fes trois dimenfions, longueur, largeur & profondeur. Un pied qui péche par la lon

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