gueur doit être refferré dans un foulier étroit; la profondeur fera réparée par un embonpoint qui remplira le vuide des joues; quant à la largeur, le modefte Médecin explique par des paroles Latines ce qu'il n'ofe dire en François.

Il y a des remèdes de toute efpèce. Les uns ont la vertu d'engraiffer les per fonnes maigres, les autres de diminuer l'épaiffeur des perfonnes trop graffes. Il y en a pour empêcher le ventre de groffir, la gorge de s'amollir, la peau de fe brunir, la bouche de s'agrandir, le vifage de s'allonger, les yeux de s'enfoncer, les joues de fe rider, le dos de fe courber, les jambes de s'effiler, les cheveux de fe blanchir. Fatmé ne peut fe laffer d'entendre de fi belles chofes ; mais elle fe fouvient que Mahomet doit fe rendre auprès d'elle: elle congédie le Docteur, & lui donne rendez-vous au bain pour le lendemain. Mahomet arrive effectivement, toujours plus amou reux; mais la guerre qu'il avoit alors à foutenir l'oblige d'aller fe mettre à la tête de fes Troupes. Il vient prendre congé de fa Maîtreffe; & fon départ donne à la belle Ecolière le tems de profiter des fublimes leçons de fon

amant. Abdeker ne manque point au rendez-vous. Les graces nues de Fatmé voilées feulement d'une nappe d'eau tranfparente, fixent tous fes regards; fon cœur eft enyvré de volupté; fes yeux font animés par le plaifir; mais fa bouche reprend l'entretien de la veille : pendant près de deux heures que Fatmé eft dans le bain, il n'eft queftion que de Médecine; Abdeker attendoit sans doute une occafion plus favorable pour lui parler de fon amour. Ce qu'il y a d'étonnant, c'eft que, malgré cette retenue, Chryfolite, Suivante de Farmé, s'apperçoit que le Médecin aime la jeune Géor gienne. Dans une converfation particulière avec Abdeker, elle l'oblige d'en convenir. Maîtreffe de fon fecret, elle le menace de le révéler au Sultan, s'il ne fatisfait au plutôt fes defirs. Il fallut contenter Chryfolite, qui le fit facrifier entre fes bras aux charmes de Fatmé. Le Médecin fut deux jours fans reparoître au Serrail: fa Bachelière lui en fit de tendres reproches, & il n'obtint fa grace qu'à condition qu'il lui feroit connoître les maladies de la peau.. I en diftingue de plufieurs fortes: la goutte - rofe, les échauboulures, les

taches de rouffeur, les lentilles & le hâle. Il définit la nature de chacune de ces maladies, & il apprend à la belle Odalique le fecret de s'en garantir ou de les guérir.

Le defir de revoir fa chere Géorgienne avoit rappellé Mahomet à Conftantinople. On crut dans fon Armée qu'il n'abandonnoit fon Camp que pour venir fe renfermer au Serrail avec Irène, la Sultane favorite; mais fon cœur étoit changé: & fi l'on en croit l'Auteur de ce Roman, c'étoit moins pour fatisfaire fon Armée, que pour fe faire un mérite auprès de fa nouvelle Maîtreffe, que ce cruel Sultan coupa lui-même la tête à la Sultane. Quoi qu'il en foit, Fatmé ne lui en fçut aucun gré; elle aimoit Irène ; elle eût même été charmée de la voir regner feule fur le cœur de Mahomet. Le chagrin qu'elle eut de fa mort penfa la mettre au tombeau. Abdeker ne trouva dans fon Art aucun remède contre fa douleur. L'Amour vint au fecours de la Médecine. Abdeker éprouva qu'un Amant en fait plus que tous les Docteurs. I fut heureux, & la belle Odalique oublia la mort d'Irène dans les bras de fon docte Amant. Depuis ce jour la préfence

d'Adbeker devint fi chère à Fatmé, que toutes les fois qu'il entroit chez elle, fon cœur éprouvoit des émotions qui altéroient les belles couleurs de fon teint. Pour remédier à ce defordre, le Médecin de la beauté se munit de vermillon,& en montra l'ufage à fa Maîtrefle.Il lui apprit auffi à fe fervir de mouches, auxquelles elle voulut donner des noms, fuivant les caractères qu'elles imprimoient au visage. « Elle appella affaffine »celle qui étoit au coin de l'œil, parce qu'elle en augmente la vivacité; ma»jestueuse celle qu'elle avoit au milieu du front, parce qu'elle en relève la dignité : elle nomma enjouée celle qui » fe trouve renfermée dans les plis que forment les ris: la galante, celle qui eft placée au milieu de la joue: la coquette, celle qui eft auprès des lèvres : celle-ci reçut le nom de précieuse, cellelà le nom de friponne; enfin toutes eu» rent un nom qui défignoit l'effet qu'el »les pouvoient produire.

رو

دو

Les dents, les gencives & les lèvres étoient trois articles importans qui demandoient un entretien particulier : on remit au lendemain cette matière intéreffante, & l'on peut regarder cet en

droit du Roman comme un Traité com plet d'Odontologie. Il ne reftoit plus à notre Médecin qu'à differter fur la pe tite vérole; elle fait le fujet d'un Chapitre ; je fuis bien étonné qu'il n'ait pas parlé de l'autre. Je paffe fur tous ces différens Traités de Chirurgie & de Méde cine, pour en venir au dénouement.

Un jour que Farmé fe promenoit feule dans les Jardins du Serrail, elle rencontre le Bacha Ibrahim, qui, dans une Hiftoire moitié vraie, moitié romanefque, en général affez mal écrite, lui apprend qu'elle eft la fœur de Mahomet & la fille d'Amurat. Elle fait part auffitôt à fon cher Abdeker du fecret de fa naissance; elle fe réjouit avec lui de n'avoir plus à fe défendre des pourfuites du Sultan. Tandis qu'ils fe félicitent & qu'ils goutent le plaifir de ne plus trou ver d'obstacle à leur amour, une femme du Serrail demande à Abdeker fon confeil pour guérir des dartres qu'elle a au vifage. Une autre lui fait voir fes mains toutes couvertes de verrues. Une troifième lui demande un remède contre des cors qu'elle a aux pieds. Votre mal dit-il à la première, est trop difficile à guérir. Il confeille à la feconde de frot