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très-fubtile environne fouvent. C'eft un être purement intellectuel, & je lui confeille.de l'être toujours;car quand il a vou lu fe rendre fenfible & palpable, fi j'ofe parler ainfi, c'est-à-dire, quand il a fait des ouvrages agréables, tels que des Romans, on a trouvé que ce Sylphe devenoit Gnome.

A propos, j'oubliois de vous prévenir fur le nom de Rouffeau, qui fe trouve dans la lifte des grands hommes mentionnés par l'Interprète, non de la Nature ni du Public, mais de lui-même. Vous feriez affez fimple pour croire qu'il s'agit de notre grand Poëte Lyrique.. Non, Monfieur, il eft queftion de M. Rousseau de Genève, qui trouve ici un jufte retour de la part d'un Ecrivain qu'il a lui-même exalté plus d'une fois. Ils fe rendent mutuellement ce petit fervice. Ils font affociés avec quelques au tres pour ce commerce d'encens. Ces Puiffances Philofophiques ont conclu entre elles une ligue offenfive & défen five.

Les Egléides.

Ce titre ne fignifie, Monfieur, que

des Poëfies amoureufes dédiées à Eglé. C'eft, fi vous voulez, le Journal Historique des amours infortunés de M. Poinfinet. Je dis infortunés; car le jeune Auteur nous apprend prefque à chaque Page que fon ingrate Maîtreffe n'a payé fes feux que d'indifférence. Que ce foit vérité ou difcrétion, fa franchise ou fa modeftie, dans un fiécle pareil au nôtre, eft toujours digne d'éloges. Ses vers font divifés en deux Parties, qui réunies ne forment qu'un très - médiocre volume. La premiere contient des Pièces directement adreffées à Eglé, à sa sœur, ou à Damon, ami de notre Poëte, mais qui ont toujours rapport à l'adorable inhumaine. Il y en a quelques-unes auffi compofées en l'honneur de fes Chiens, dont on fait même l'Apotheofe; nous fommes fort heureux que la belle Eglé n'ait eu ni Chat, ni Singe, ni Perroquet. La feconde Partie renferme quelques traductions ou imitations de Poëtes Grecs & Latins qui m'ont paru affez heureuses; elles font d'autant plus eftimables qu'elles donnent une grande idée des Originaux, puifque dans les endroits mêmes que notre jeune interprète rend avec le plus de foibleffe, ils

font infiniment fupérieurs à tout ce qu'il

a créé de lui-même. Ces verfions en général lui font honneur, & prouvent qu'il eft né avec un talent fufceptible de perfection, s'il s'applique à la lecture réfléchie des bons modèles.

L'Ode d'Horace, Audivere Lyce, &c. l'Eglogue de Virgile, formofum Paftor Corydon, &c; les funérailles d'Adonis de Bion, & le Pervigilium Veneris, confervent une partie de leurs graces dans les Vers de M. Poinfinet. Je crois que vous goûterez, par exemple, ce petit morceau librement imité du Cygne de Mantoue.

Quem fugis, ah demens! habitarunt Di quoque
Sylvas,

Dardaniufque Paris. Pallas, quas condidit arces
Ipfa colat ; nobis placeant ante omnia fylve.
Torva leana lupum fequitur, lupus ipfe capellamy,
Florentem Cyrifum fequitur lafciva capella ;
Te Corydon,ô Alexi ! Trahit fua quemque voluptasi
Afpice aratra jugo referunt suspensa juvenci,
Et fol crefcentes decedens duplicat umbras :
Me tamen urit amor : quis enim modus adfit æ•
mori?

Ab Corydon, Corydon, qua te dementia cepit !

Pourquoi, cruelle Eglé, fuyez-vous les forêts?
Les Dieux ont habité fous leurs ombrages frais.
Long-tems le beau Pâris a chéri ces afyles.
Laiffez Pallas fe plaire au tumulte des Villes.
Aimez ainfi que nous, & brûlez une fois ;
Vous ne vous plairez plus qu'au filence des bois.
Le lion est suivi du Chaffeur intrépide:
Lui-même il fuit le loup; le loup l'agneau ti-
mide;

L'agneau fuit en tous lieux celui qui le conduit:
Et moi les pas d'Eglé, qui fans ceffe me fuit.
Mars brûla pour Venus, Narciffe pour lui-
même ;

Chacun fuit fon attrait ; c'est vous, Eglé, que

j'aime.

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Voyez ces bœufs tardifs, au hameau de retour
Et l'ombre s'agrandir de la chute du jour.
Je brûle cependant d'un feu qui croît fans ceffe.
Ah! Malheureux, étouffe une folle tendresse.
Ah! Sylvandre, Sylvandre,, appelle ta raison...
Mais que peut-elle, hélas ! contre un fi doux
poifon ?

Je ne crains point de vous offrir encore, Monfieur, ce petit échantillon du Pervigilium Veneris ou Vigile de Vénus, dont le refrain, comme vous fçavez, eft: Cras amet qui nunquam amavit; qu'que amavit cras amet.

Aimez demain, fi vous n'êtes amaris ;
Si vous aimez, aimez demain encore :
Le Printems renaît dans nos champs

Le Printems y fait tout éclorre.

La naissance du monde eft l'œuvre du Printems,
Les plaisirs avec lui font entrés dans le monde.
Par les noeuds de l'amour il unit les oifeaux ;
Il peuple les forêts, il réchauffe les caux
Qui rendent Dodone féconde.

Demain la Mère des Plaifirs

Viendra dans ces vergers refpirer les zéphirs, Et difpenfer fes loix au peuple qui l'adore. Aimez demain, cœurs fans defirs; Cœurs amoureux, aimez demain encore, Venus reproduit au matin

Tous les rubis qui parent Flore.

C'eft Venus qui répand au lever de l'Aurore,
Cette douce rofée, aliment de nos fleurs ;
Légere pluye, aimables pleurs.

Chaque faifon nouvelle à fon gré fe colore.

: Parmi les Pièces qui font de l'invention de l'Auteur, il y en a quelquesunes où l'on trouve de la délicateffe du fentiment, de l'efprit & de l'invention. Telle eft, entr'autres, l'Elegie intitulée Songe. L'Auteur fe croit tranfporté fur la double Colline: ce rêve eft pardonnable à un jeune Poëte. Com

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