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fens qu'il y avoit une façon de s'exprimer plus claire, & que l'embarras de ces paroles ne vient que de celui de fon efprit, Mais, fans vouloir approfondir ces idées mystérieuses, il eft certain que le moyen de faire refpecter au Peuple la Philofophie, c'est de la rendre inintelligible, comme fait notre Auteur en habile Politique.

J'aurois tort cependant, fi je difois que je n'ai rien compris à cette Brochure. Il y a quelques endroits, où, fans appliquer mon entendement à l'entendement de l'Auteur, j'ai vû tout d'un coup ce qu'il vouloit dire. Ses propos vagues & mille fois rebattus fur la médiocrité de nos connoiffances, fur les égaremens de notre efprit (qu'il confirme) fur les mystères de la Nature, fur l'utilité des découvertes, fur le danger des fyftèmes & des hypothèses, n'ont point échappé à ma perception. Je l'entends à merveille, lorfqu'il dit; Quand on vient à comparer la multitude infinie des phénomènes de la Nature avec les bornes de notre entendement & la foibleffe de nos organes, peut-on jamais attendre autre chofe de la lenteur de nos travaux,

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,, de leurs longues & fréquentes interruptions & de la rareté des génies ,, créateurs, que quelques pièces rom » pues, & féparées de la grande chaîne qui lie toutes chofes ?.... Quel eft donc notre but? L'éxécution d'un Ou», vrage qui ne peut jamais être fait, ,, & qui feroit fort au-deffus de l'intel,, ligence humaine, s'il étoit achevé. Ne ,, fommes-nous pas plus infenfés que les habitans de la plaine de Sennaar? ,, Nous connoiffons la diftance infinie qu'il y a de la Terre aux Cieux, & ,, nous ne laiffons pas que d'élever la Cela eft clair; mais la conféquence, c'eft qu'il eft impoffible d'expliquer les merveilles qui frappent nos regards. En ce cas, c'étoit bien la peine de faire un livre intitulé de l'Interprétation de la Nature, pour nous apprendre qu'on ne peut pas l'interpréter. Au refte, l'Auteur fe compare avec affez de jufteffe aux Architectes de la Tour de Babel: la confufion des idées vaut bien celle des Langues.

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L'Auteur s'écarte à chaque inftant de fon objet, & fème çà & là fes penfées vagabondes & difparates. Une de fes digreffions chéries eft de tâcher de jet

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ter du ridicule, du mépris même, fur les Citoyens utiles qui cultivent ou qui profeffent la Phyfique expérimentale. Je ne fçai pourquoi il leur en veut tant; il ne leur laiffe aucun repos; les Satyres, auffi déplacées qu'infructueufes, coulent librement de fa plume, dès qu'il les apperçoit; & fon imagination bleffée les lui préfente toujours. Ils ont, felon lui, beaucoup d'inftrumens & peu dées moins induftrieux l'Abeille, ils font des amas de cire, dont ils ne fçavent pas faire des rayons. Si on l'en croit, "il y auroit peut-être plus de , Phyfique Expérimentale à apprendre ,, en étudiant les animaux qu'en fuivant ,, le Cours d'un Profeffeur. Il n'y a point de charlatanerie dans leurs procédés. Ils tendent à leur but, fans fe foucier de ce qui les environne: s'ils nous fur» prennent, ce n'eft point leur intention.... Ce dont il s'agit, dans un Cours de Philofophie Expérimentale, ,, c'eft de renvoyer fon Auditeur plus ,, inftruit, & non plus ftupéfait.,, Mais nos Profeffeurs cherchent-ils à étonner ou à furprendre leurs Elèves par les illufions de la charlatanerie ? Ils leur apprennent au contraire à n'être

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fupéfaits de rien, & à ne pas regarder comme des preftiges les fimples opérations de la Nature. C'est à eux feuls que la Phyfique eft redevable de fes principales richeffes. Ils fourniffent les matériaux, dit M. de Fontenelle, fans lefquels la Phyfique Systématique ne pourroit pas élever fes édifices. Notre Cenfeur eft fi prévenu qu'il ne s'apperçoit pas qu'il fe contredit lui-même affez groffièrement; car il veut qu'on apprenne la Phyfique Expérimentale en étudiant les Animaux, & quelques pages après il trouve mauvais qu'un habile Obfervateur de nos jours employe toute fa vie à obferver des infectes.

La Philofophie Expérimentale, dit-il ailleurs, eft une étude innocente qui ne demande prefqu'aucune préparation de l'ame. Je penfe au contraire qu'il faut s'y être bien préparé par l'étude de la Phyfique Systématique, par la connoiffance des principes généraux touchant le Mouvement & la Matière, enfin par l'examen des principaux Systèmes de la Philofophie rationnelle. Sans l'étude de la Phyfique Spéculative & de fes loix, celui qui s'appliqueroit feulement à faire des expériences feroit un hom

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me qui auroit des yeux & des mains; ce feroit un Manœuvre, non un Philofophe. Notre Auteur n'eft pas encore fatisfait; il ajoûte : « Les hommes ex»traordinaires par leurs talens fe doi» vent refpecter eux-mêmes, & la Pof» térité dans l'emploi de leur temps. » Que penferoit-elle de nous, fi nous » n'avions à lui tranfmettre qu'une In»fectologie complette, qu'une Hiftoire » immenfe d'Animaux Microfcopiques? » Aux grands Génies, les grands objets; les petits objets aux petits Génies. Il » vaut autant que ceux-ci s'en occupent que de ne rien faire. « Graces au fublime génie de notre Philofophe & à l'ufage refpectable qu'il fait de fon temps, notre Siècle offrira à la Postérité dans le Dictionnaire Encyclopédique, un très-grand objet qu'elle pourra confidé rer fans le fecours du Microscope. Mais encore une fois, eft-il bien vrai qu'il n'y avoit qu'un petit génie qui pût entreprendre l'hiftoire des Infectes? In tenui labor, at tenuis non gloria; ces objets fi vils pour le vulgaire font admirables aux yeux d'un Sage. « Quelle idée au» rions-nous d'un homme qui ne feroit » cas des Machines de tout genre, qu'au

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