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me il ne connoît que l'Amour, il voit avec plaifir toutes les Mufes, excepté. la grave Uranie, occupées à célébrer ce Dieu. Il les écoute, les admire, & poursuit fon chemin :

Je m'éloigne, occupé d'une autre rêverie :
Et fuivant le fentier d'une riche prairie,
J'y foule mille Fleurs, jadis autant d'Amans,
Et qui le font encor fous ces déguisemens.
Le JASMIN y languit pour l'ingrate AMARAN-

THE.

CLYTHIL aime à tourner vers l'Aftre qui l'enchante :

La pâle VIOLETTE y croît près d'ADONIS.

NARCISSE s'aime encore, entouré de Soucis. Sous le fafran CROCUS, fous la pourpre HYA

CINTHE,

De leurs feux mal éteints ont confervé l'empreinte.

Cette idée eft très agréable & bien rendue. On diroit prefque que l'hiftoire de chaque fleur n'occupe pas plus d'efpace que la fleur même. Le Recueil de l'Auteur feroit précieux, s'il préfentoit fouvent d'auffi jolies Tirades. Mais, en général, il eft foible ; la crainte qu'il a de trop élever fon vol lui fait

rafer la terre. Il eft vrai que les genres de Poëfie dans lefquels il s'eft exercé nous paroiffent infipides; mais c'eft précisément pour cette raifon qu'il falloit tâcher d'en ramener la mode, en y jettant des images, des descriptions, des réflexions délicates & naturelles. Si nous fommes dégoutés des Elegies, des Eglogues, des Idylles, des Stances, des Odes, des Cantatilles, &c, il ne faut pas croire que ce foit la faute de ces genres: qu'on en faffe de bonnes, & le public y reviendra.

M. Poinfinet, Auteur de ces Egléides, eft Officier de M. le Duc D'ORLEANS.

Il a un Cousin - Germain qui porte le même nom que lui, qui eft à peu près du même âge, & qui cultive auffi la Poëfie. Il a fait une petite Comédie en un Acte en vers, intitulée l'Impatient, que les Comédiens François ont reçue; ce n'eft n'eft pas à dire qu'ils la jouent.

Je fuis, &c.

A Paris, ce 3. Février 1754.

LETTRE II

La Danfe Ancienne & Moderne.

L

A Danfe, portée, chez les Grecs & chez les Romains, à fon plus haut point de perfection, eut le fort de tous les Arts. Vous fçavez, Monfieur, qu'ils difparurent à l'approche des Barbares. Mais après une longue fuite de fiécles la voix d'un Médicis les rappella; & l'Italie attira de nouveau les regards des Nations. Alors le talent & le génie fe réunirent, & l'on vit renaître avec la Peinture & la Poëfie, le charme de la Mufique & les graces de la Danse, L'histoire de cette dernière, depuis cette époque jufqu'à nos jours, fes différentes progreffions, les formes qu'elle a fucceffivement reçues, ce qu'elle eft aujourd'hui, ce qu'elle pourroit & devroit être: voilà, Monfieur, ce qui fait le fujet de la feconde Partie de la Danfe ancienne & moderne, ou Traité historique de la Danfe, par M. de Cahufac.

Bergonce de Botta, Gentilhomme de

Lombardie, donna à Tortonne une fête éclatante à Galeas Duc de Milan & à Ifabelle d'Arragon, fa nouvelle épouse. Il en parut une defcription qui courut toute l'Europe, & qui donna dans la fuite l'idée des Caroufels, des Opera & des grands Ballets à machines. Le premier de ces fpectacles eft étranger à cet ouvrage; l'Auteur ne parle du fecond qu'autant qu'il eft lié avec la Danfe qui fait le fond du troifième. Ce dernier parut fufceptible de la plus heureufe variété, & comme il pouvoit repréfenter les chofes naturelles, merveilleuses ou de pure fiction, on le divifa en Ballets hiftoriques, fabuleux & poëtiques. La diftribution ordinaire de ces Ballets étoit en cinq Actes; chaque Acte étoit compofé de plufieurs Entrées. Dans ces Entrées on voyoit des Danfeurs qui,par leurs pas, leurs geftes, leurs attitudes, repréfentoient la partie de l'action générale dont ils étoient chargés. On joignit àla Danfe des fymphonies & des machines; & ce fpectacle, enrichi des plus brillantes décorations, réunit tout ce que le goût & la magnificence peuvent enfanter.

Les Ballets poëtiques, fourniffant une

carrière plus vafte à l'imagination des Compofiteurs, furent beaucoup plus en ufage que les deux autres. On en compofa de trois fortes; d'allégoriques, de moraux & de bouffons. Ce n'eft que par des exemples que M. de Cahufac croit pouvoir faire connoître les trois différentes branches de ce genre. Il donne le précis de trois Ballets qui furent exécutés en divers temps avec beaucoup d'appareil.

Ce n'eft pas feulement au Théatre que la Danfe a formé le fond d'un grand Spectacle; on l'a encore employée de la manière la plus folemnelle dans des fêtes confacrées par la piété, & autorisées par l'ufage. Les Portugais imaginèrent autrefois, & ont depuis mis fouvent en pratique ce que l'Auteur appelle des

Ballets Ambulatoires. C'étoit au milieu des rues & dans les places publiques, que fe faifoient ces repréfentations. Une des plus mémorables fut celle qui fe donna à Lifbonne, au fujet de la Béatification de S. Ignace, fondateur des Jefuites. On y yoyoit, entr'autres chofes, une machine de bois d'une grandeur énorme, qui repréfentoit le cheval de Troye. Ce cheval étoit mis en mouvement par

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