Images de page
PDF
ePub

Faux témoignages pour la perdre; on alloit jufqu'à falfifier fes réponses, & on fupprimoit tour ce qui pouvoit lui être favorable. Elle avoit demandé d'être conduite au Pape, pour lui rendre compte de fa conduite; l'Evêque ne voulut point qu'il en fût fait mention dans le procès verbal de fon interrogatoire. Jeanne repartit alors: Ah, vous écrivez bien ce qui fait contre moi, & ne voulez pas qu'on écrive ce qui fait pour moi! Confeillée par un Religieux de s'en rapporter au Concile de Bafle, qui fe tenoit pour lors, elle demanda ce que c'étoit qu'un Concile? On lui dit que c'étoit une affemblée de l'Eglife univerfelle, dans laquelle il n'y avoit pas moins de gens de fon parti que de celui des Anglois. Alors cette fille s'écria: Oh, puifqu'en ce lieu font aucuns de notre parti, je veux bien me rendre & me foumettre au Concile de Bafle! L'Evêque de Beauvais fe mit en colère, & dir au Religieux qui lui avoit donné ce confeil: Taifez-vous, de par le Diable. Quand on eut fini les interrogatoires, on mena la Pucelle au Cimetière de l'Abbaye de Saint-Ouen à Rouen, & on la plaça fur un échaffaut en présence de tout le peuple. Un

Prédicateur prononça un fermon rempli d'horreurs contre elle, & d'injures groffières contre le Roi Charles. Elle eut le courage d'interrompre le Prédicateur, & de lui dire à haute voix : Révérence gardée, je vous ofe bien dire & jurer sur peine de ma vie, que mon Roi eft le plus noble Chrétien de tous les Chrétiens, & qui aime mieux la Foi & l'Eglife, & n'eft point tel que vous dites. On faifoit un crime à Jeanne Darc d'être toujours en habit d'homme; elle fe juftifia, en difant qu'elle étoit ainfi vétue pour éviter la violence d'un Seigneur Anglois qui la venoit voir dans fa prifon ; & que ces habits étoient un obftacle à fes infames pourfuites.

[ocr errors]

Malgré la fageffe de fes réponses & l'innocence de la vie, on ne laiffa pas de la condamner au feu,comme Sorcière, Devineresse Invocatrice des Démons, fentant mal de la Foi Catholique, facrilège, idolâtre, blafphémant le nom de Dieu & de fes Saints, défirant l'effufion du fang humain, ayant du tout dépouillé la pudeur de fon fexe, féduifant les Princes & les peuples, ayant confenti qu'on l'adorat, qu'on lui baisát les mains, les vêtemens, &c. Ce qui vous paroî

tra fingulier, Monfieur, c'eft qu'après un pareil jugement, l'Evêque de Beauvais lui fit accorder les Sacremens de l'Eglife qu'elle avoit demandés, fans qu'elle eût avoué aucun des crimes qu'on lui reprochoit. On vint enfuite la prendre pour la mener au Marché Vieux de Rouen, où elle devoit être exécutée. L'Evêque prononça lui-même la fentence. Dès que la Pucelle l'eût entendue, elle fe mit à genoux, & elle pria le Prêtre qui l'affiftoit de lui procurer une croix. Un Anglois qui étoit préfent en fit une avec un bâton; Jeanne la prit la baifa, & la mit dévotement dans fon fein puis jettant les yeux fur l'Evêque elle lui dit qu'il étoit la caufe de fa mort; qu'il lui avoit promis de la mettre entre les mains de l'Eglife, & que, loin de tenir fa promeffe. il l'avoit inhumainement livrée à fes plus cruels ennemis. Le Bourreau s'en faifit auffi-tôt, fans qu'il intervînt aucune fentence de la part du Juge féculier. Le Bailli de Rouen dit feulement au bourreau : Menez-la, meneż la. Tous les fpectateurs, même les Anglois, verfoient des larmes. L'Evêque de Beauvais, qui vit pleurer tout le monde, ne put s'empêcher de pleurer lui-même.

:

,

Au milieu des flammes on entendit con tinuellement cette vertuuufe fille invoquer le nom de JESUS; & l'on affure que jamais le Bourreau ne put faire bruler fon cœur. Les Anglois le firent jetter dans la riviere avec le refte de fes cendres & de fes offemens.

Telle fut la fin malheureufe de cette illuftre Héroïne. Pendant plus d'un an que dura fa captivité, Charles VII, qu'elle avoit fi bien fervi, ne se donna Яucun mouvement, & ne fit aucune démarche pour la délivrer. Il permit feulement qu'après l'expulfion des Anglois c'eft-à-dire, environ dix ans après la mort de la Puceile, on fît la révision de fon procès. C'eft dans les Actes manufcrits de cette feconde procédure, que M. l'Abbé Langlet a puifé ce qu'il y a de plus curieux dans fon Hiftoire : mais je ne fçais fi l'on doit faire plus de fond fur cette derniere procédure que fur la premiére. Les Anglois avoient fuppofé des crimes à Jeanne Darc, parce qu'ils étoient intéreffés à la trouver coupable: il étoit pareillement de l'intérêt des François de la croire infpirée ; eft-il étonnant qu'on lui ait attribué des miracles Il ne faut donc pas plus compter fur le té

moignage des uns que fur les dépofitions des autres. Il est toujours incertain que Jeanne Darc ait été fufcitée de Dieu pour rétablir la Monarchie Françoife; plus incertain qu'elle ait eû des révélations, comme il paroît que l'Auteur le croit trop légèrement fur la foi de fes manufcrits. Ainfi le problême que M. F'Abbé Langlet s'étoit flatté de réfoudre, est encore un problême aux yeux de ceux qui ne fçavent pas fe décider. Malgré cela, cet ouvrage eft extrêmement cutieux; il contient de véritables Anecdotes. L'Auteur détruit d'une façon victorieuse la fable adoptée par quelques Ecrivains qui ont crû que la Pucelle n'avoit point été brûlée; qu'elle s'étoit même mariée avec un des Harmoifes, Maifon diftinguée du Duché de Lorraine. Ce Livre fe trouve à Paris, chez Piffot, Libraire, Quai de Conti, & chez Chardon, fils, rue Saint Jacques.

[ocr errors]

Introduction à la Révolution des Pays-Bas

Vous avez vû, Monfieur, dans mille Auteurs connus l'élévation de CharlesQuint au Trône impérial, fon abdication de la Couronne d'Efpagne en faveur

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »