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même abfolument hors d'état de s'écouter & de fe répondre. Le Duo n'est donc point arbitraire; il rentre dans l'ordre des chofes poffibles & naturelles, & loin d'être ridicule & choquant, il eft très-vraisemblable, & produit une fatisfaction des plus vives.

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Le P. Laugier, fur l'article de l'Exécution, juge qu'elle pourroit fe perfectionner parmi nous; il donne là-deffus des règles & des idées qui ne font point à méprifer. Bien différent de M. Rouffeau, qui nous réduit inhumainement à l'impoffibilité de bien faire, fon Antagoniste ne diffimule pas nos défauts; mais en même temps il fournit les moyens de les éviter; & c'eft ainfi que doit écrire fur les Arts un Amateur éclairé, un bon Citoyen, un véritable Philosophe. La Brochure du P. Laugier me paroît écrite avec beaucoup d'élégance & d'agrément. Peut-être même fon ftyle eft-il un peu trop chargé de parure; les contraftes ingénieux, les élans poëtiques n'y font point ménagés; il y a prefque autant de defcriptions riantes que de raifonnemens folides, prefque autant de fleurs que de fruits.

Doutes d'un Pyrrhonien, propofés amica-, lement à J. J. Rousseau.

Un jeune homme de Bayonne, âgé de vingt-deux ans tout au plus, qui a beaucoup de feu, & qui n'a point encore fait parler de lui, M. Cofte d'Arnobat, a profité de l'occafion de cette guerre, pour faire fa première Campagne. Il s'en eft tiré avec honneur, quoiqu'il ait eu en tête un ennemi redoutable. Son écrit eft ingénieux & facile; c'est une ironie continuelle; ce font des éloges pompeux & variés de M.Rouffeau, que l'on regarde comme le plus grand homme que la terre ait enfanté, & à qui l'on propofe des Doutes comme au feul Maître qui puiffe les réfoudre. Pour vous faire juger du ton de cette Brochure, il fuffit de vous en rapporter quelques traits. « Les Allemands, les Efpa

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gnols & les Anglois, dites-vous (c'eft » M. Rouffeau qu'on adreffe la parole) » abandonnèrent le goût qu'ils avoient » pour leur infipide Mufique, dès que "I'Italienne parut. Le plaifir l'emporta chez eux fur la vanité. Il faut que nous "en ayons une dofe bien forte pour » foutenir aux dépens mêmes de nos amufemens.

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» femens. J'avois cru jufqu'ici avec tout » l'Univers, que le François facrifioit » tout à fes plaifirs; mais l'Univers & » moi, nous nous fommes trompés. Ces » mêmes François aiment mieux s'en»nuyer à leurs Opéra, que de convenir qu'ils ne valent rien. Ils pouffent mê» me le fanatifme jufqu'à remplir la Salle » à toutes les Repréfentations. En vérité je ne les aurois pas crus capables d'une » combinaison de malice qui les gêne » fi prodigieufement... Le Chant François, dites-vous, exige tout l'effort des » poumons & toute l'étendue de la voix. J'ai » entendu jufqu'à préfent nos bons Mu» ficiens répéter fans ceffe à leurs Eco»liers: plus doux, ne forcez point, rendez vos fons flexibles & coulans; mais » ces gens là ne fçavent pas fans doute » leur métier; & Jéliotte, qui chante »le François comme on doit le chan» ter, nous prouve affez par fes cris defagréables qu'on ne fçauroit exécuter »notre Mufique fans pouffer des hurle» mens affreux. » Le jeune Auteur foutient ce ton de plaifanterie, & ne prend adroitement de la Lettre de fon Adverfaire que les endroits qui prêtent le plus au Perfifflage. Tome I.

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Apologie de la Mufique & des Muficiens François, contre les affertions peu mélodieufes, peu mefurées & mal fondées du Sieur Jean-Jacques ROUSSEAU, ci-devant Citoyen de Genève.

Cette Apologie eft férieufe ; & quoique l'Auteur, M. de Bonneval, ne faffe qu'effleurer la matière, on y trouve des réfléxions juftes & des réponses folides à quelques affertions du Génevois. A fon amère cenfure du beau Monologue d'Armide on n'oppofe qu'un fait. On pria un jour la célèbre le Couvreur de déclamer ce morceau dans le ton & avec cette intelligence avec lefquels elle rendoit fi bien la nature. Elle l'exécuta, & l'on fut agréablement furpris de voir jufqu'à quelle précifion Lully, par fa Mufique, fe trouvoit d'accord avec elle.

En fuppofant que notre Mufique fût déteftable, M. de Bonneval fait voir à propres M. Rouffeau qu'il agit contre fes principes, en s'efforçant de l'anéantir. Tout ce qui contribue à raffembler beaucoup de monde dans une Capi» tale, & à lui faire paffer trois ou qua» tre heures agréablement, eft très-effen>>tiel au repos public. Tous les Etats en

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fentent aujourd'hui la conféquence.

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"Lės Spectacles entrent dans l'œcono"mie politique. Le Sieur Rouffeau le penfoit de même, dans le temps qu'il fouhaitoit pouvoir faire une mauvaise » Pièce tous les jours. Qu'il laiffe done » à notre Musique, telle qu'elle est, le » même privilège dont il fe contentoit pour les ouvrages. "

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11 eft impoffible, Monfieur, qu'on ne trouve fouvent les mêmes chofes dans toutes ces Brochures. La raison est une, & par conféquent les Auteurs qui en font pourvûs doivent fe rencontrer, fans qu'on les accufe pour cela de fe copier. Ce concours, cette réunion de fentimens & de réfléxions eft peut-être la preuve la plus convaincante que l'erreur eft du côté de M. Rouffeau. Je pourrois donc rapporter de M. de Bonneval plufieurs autres remarques juftes; mais comme la plupart ont été faites, ou avant ou depuis fa Brochure, je craindrois de tomber dans des répétitions. Je ne prends de chacun de ces petits écrits que les traits particuliers que je ne trouve point dans les autres. L'Auteur de celle-ci eft le même M. de Bonneval qui a fait la Lettre ingénieufe de Hermite de Charonne, dont je vous ai parlé.

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