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femme laide. La raifon? C'est qu'il eft laid

lui-même.

L'Auteur décide la grande queftion de la prééminence de la Robe & de l'Epée. Il penfe qu'on la doit à la première. C'est la Robe, dit-il, qui fait revivre les Héros ; leurs actions auroient beau étre éclatantes elies ne brilleroient pas long-temps, fi elles n'étoient écrites par une plume délicate. L'Auteur confond fans doute les gens de Lettres & les gens de Robe. Quoi qu'il en foit, c'eft la première fois que l'épithète de délicate fe trouve jointe aux plumes du Palais; la délicateffe n'eft ni leur objet ni leur partage. C'est la première fois auffi qu'on les voit chargées d'écrire les actions des Héros.

M. de Saint-Mars a beaucoup d'autres idées fingulières. Il dit qu'on peut etre babillard fans parler beaucoup; qu'un fot eft né pour bailler; qu'un homme d'efprit peut bien s'ennuyer; mais qu'on ne le voit jamais báiller; qu'un mauvais Auteur eftime beaucoup fon ouvrage, parce qu'il lui a beaucoup coûté ; & qu'un bon Auteur eftime peu fes écrits,' parce qu'ils ne lui ont rien coûté. C'eft précisément tout le contraire; je veux

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dire, que les mauvais ouvrages coûtent peu aux mauvais Auteurs, & que cependant ils les eftiment beaucoup ; & que les bons coûtent beaucoup aux bons Auteurs, & que néanmoins ils les estiment peu, parce qu'ils ont l'idée d'une plus grande perfection, & qu'ils fe fentent toujours en-deçà. L'Auteur dit encore qu'il n'y a qu'à ne rien defirer ici bas, & que tous les defirs feront rempiis; qu'il n'y a rien de plus riche qu'un Malade, parce qu'il eft privé de tous les plaifirs qui portent à la depenfe; que l'aigreur de la prononciation annonce un efprit obfcur & embaraffé; que tous les gens brufques n'ont pas des idées nettes; qu'un ton doux & aifé attire après lui une idée déja trouvée.

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Mais où M. de Saint-Mars eft excellent, neuf, admirable, unique, c'eft lorfqu'il parle des Anciens, dont il fait très peu de cas. « Leur profe eft l'obfcurité & la nuit même; on diroit qu'elle n'oferoit paroitre. Ne prendelle pas mille détours pour se cacher ? »Ne faut-il pas lire des pages entières "pour comprendre le fens? Il faut écou»ter des heures entières l'Orateur pour » entendre ce qu'il veut dire. Ce n'eft » partout qu'énygmes; l'efprit eft tou

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jours à la gêne avec lui. Dans le vrai, finos Avocats -& nos Prédicateurs s'é→ nonçoient dans le goût ancien, & nos » Chaires & le Barreau m'auroient l'air » de devenir bien déferts » L'Auteur introduit un perfonnage fottement épris d'Horace. Pour lui, il ne voit dans ce Poëte célèbre qu'un homme de table & de plaifirs, qui ne cherche qu'à rire & à boire ; & pourvu qu'il ait dans fa cave du meilleur vin d'Italie, il fe moque des Charges de la République. Ses Odes & fes Satyres font miférables aux yeux de notre Ariftarque. Il fera voir vingt images toutes mieux frappées les unes que les autres dans l'Ode à la Fortune de Rouffeau dans l'Ode à la Patrie de Greffet, dans l'Ode de la Mort Chrétienne, de Racine

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fils; & dans tout votre Horace je vous dé ́fierai de m'en montrer autant. Ses Odes nė font que des propos de Cabaret. Ses Epitres, fes Satyres, & fon Art Poëtique ne valent pas mieux; le defordre y regne partout; rien n'y est bien; tout y eft diffus, monftrueux.

M. le Chevalier de Saint-Mars, pour appuyer fon opinion d'exemples, cite avec tranfport l'Ode fur la Mort Chrétienne; il s'arrête fur-tout à la Strophe

qui peint le Châtiment de Sifyphe condamné à rouler continuellement un rocher jufqu'au fommet d'une montagne :

Ses bras nerveux qui fe roidiffent,
Ses genoux tremblans qui fléchiflent,
Me font pour lui pâlir d'effroi.

Vous travaillez avec lui, dit notre habile Commentateur; fes efforts de» viennent les vôtres; comme lui vous vous trouvez fatigué à un point que la lecture en devient gênante & pénible. Le Malheureux enfin fuccombe; Et de la roche qui retombe, Le bruit réfonne jufqu'à moi.

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» En vérité il n'y a plus moyen d'y te

»nir; ces derniers vers achevent de vous porter le coup mortel; vous n'étiez jufqu'alors qu'effrayé; mais, malgré tout » votre courage, vous voilà renversé » comme ce Malheureux.... Quels traits! quelles images! Virgile, tout Virgile » qu'il eft, ne m'en offrira jamais grand » nombre dans tout fon Poëme, & notre » Poëte dans une feule Ode en présente prefqu'autant.»

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J'aime fur-tout la noble colère de

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l'Auteur au fujet de Cicéron. " Ce grand Orateur a dû beaucoup en»nuyer fon Auditoire, & plus d'une » fois le Sénat Romain s'eft endormi à »fes Plaidoyers. Ses Périodes, il eft vrai, » font d'une tirade & d'une longueur à » ne plus finir; il faut des heures en» tières pour entendre ce qu'il veut dire. » C'est un Tyran qui exerce le plus cruel empire fur les efprits; on diroit qu'il prendroit plaifir à les tenir aux fers. J'ai quelquefois admiré la patience » des Romains; il falloit qu'elle fût bien grande, d'être obligés d'écouter des » Orateurs auffi babillards; leur efprit » étoit d'une furieufe trempe pour ré» sister au torrent d'un babil qui ne veut » rien dire. »

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L'Auteur ne traite pas plus favorablement quelques Poëtes François. Le divia la Fontaine eft un affez petit homme à fes yeux. La réputation de la Fontaine, dit-il, m'a toujours paru mal fondée ; il a parfaitement imité fon Original; mais ce n'eft toujours qu'une Copie; pouvoit - il s'égarer avec le guide qu'il avoit choifi? M. de Saint-Mars dit auffi que nous n'avons, dans notre Langue, ni bons mots, ni bonnes épigrammes, ni bonnes Let

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