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de fecrets refforts, tandis qu'autour de lui fe repréfentoient en Ballets les principaux évenemens de la guerre de Troye. La mort tragique de Henri II ayant fait perdre en France le goût des Tournois les Ballets, les Mafcarades & les Bals furent l'unique reffource de la gayeté Françoise. Mais M. de Cahufac fait voir que la Danfe fut un Art connu des François avant tous les autres. Henri IV avoit été élevé dans un pays où l'on danfe en naiffant : auffi, ajoûte l'Auteur, la Danfe fut-elle un des amusemens favoris de ce Prince. « Peut-être eft-ce durant fon regne que les François ont le plus danfé, & » qu'ils fe font le mieux battus ».

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L'histoire de la Danfe entraîne néceffairement celle du Bal. On en diftingue de trois fortes; les Bals de cérémonie les Bals mafqués & les Bals publics. Nous trouvons l'ufage des premiers établi dans l'Antiquité la plus reculée. Ils fe multiplièrent en Grèce, à Rome & dans l'Italie. « On y danfoit froidement des dan»fes graves; on n'y trouvoit alors, » comme de nos jours, que beaucoup de pompe fans art, un grand faste fans invention, l'air de diffipation fans gayeté.... A cette gravité, fi l'on ajoû

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"te les embarras du Cérémonial, la froi» de répétition des mêmes danfes, les règles rigides établies pour le main"tien de l'ordre de ces fortes d'affem» blées, le filence, la contrainte, l'inac»tion de tout ce qui ne danfe pas, on » trouvera que le Bal de cérémonie eft, » de tous les moyens de fe réjouir, le plus propre à ennuyer ».Croiriez-vous, Monfieur, que pour voir Marguerite de Valois danfer à un de ces Bals, Dom Juan d'Autriche, Vice-Roi des Pays-Bas, partit exprès en pofte de Bruxelles, & vint à Paris incognito. Mais ce qui vous paroîtra peut-être encore plus extraordinaire, c'eft que Philippe II, Roi d'Efpagne, étant arrivé àTrente durant la tenue du Concile, les Pères ordonnerent un Bal de cérémonie pour fa réception. Les Dames les plus qualifiées de la Ville y furent invitées; le Cardinal de Mantoue ouvrit le Bal, & tous les Pères du Concile danfèrent avec autant de modestie que de dignité.

Le Bal mafqué n'a point été connu des Grecs; & les Romains n'en ont eu l'idée que fort tard. Il a été extrêmement à la mode en France pendant plus de deux fiécles; mais les Bals publics l'ont

Tome I.

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fait tomber fous la Régence, & il ne s'eft pas relevé depuis. L'Electeur de Bavière & le Prince de Portugal étant en France, avoient donné, l'un à Surène & l'autre à l'Hôtel de Bretonvilliers, des fêtes fuperbes dont les Bals mafqués fai foient le principal ornement. Le Public en jouit ; mais les particuliers.effrayés de la fomptuofité que ces Princes У avoient répandue, n'ofèrent plus fe procurer dans leurs maifons de femblables amusemens ; ils voyoient ne trop grande distance entre ce que Paris venoit d'admirer, & ce que leur fortune & la bienféance leur permettoient de faire. C'est dans ces circonftances que M. le Régent permit l'établissement des Bals publics dans la falle de l'Opera. On doit mettre auffi au nombre de ces Bals, ceux que la Ville de Paris a donnés dans les occafions éclatantes pour fignaler fon zéle & fon amour pour nos Rois. L'Auteur rapporte à ce fujet une anec dote bien glorieufe à Henri IV. Lorsque les Suiffes vinrent en France pour renouveller leur alliance, le Prévôt des Marchands & les Echevins ordonnèrent un Bal à l'Hôtel de Ville pour les recevoir. Mais, comme ils étoient fans fonds, ils

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demandèrent au Roi la permiffion de mettre un impôt fur les robinets de toutes les fontaines publiques. Cherchez quelque autre moyen, leur répondit le bon Prince, qui ne foit point à charge à mon Peuple, pour bien régaler mes Alliés, Allez, Meffieurs, continua-t-il, il n'appartient qu'à Dieu de changer l'eau en vin.

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« Feu M. Turgot, dit M. de Cahufac, auroit fait l'équivalent d'un pareil miracle, fans furcharger le Peuple, » & fans importuner le Roi. Ce Magif+ trat, que la Poftérité, pour l'honneur de notre fiècle, mettra de niveau avec » les hommes les plus célèbres du fiècle » de Louis XIV, fçut bien changer une cour irréguliere en une falle de Bal la plus magnifique qu'on eût vûe encore > en Europe, & un édifice gothique en un Palais de Fées. Tout profpère, tour s'embellit, tout devient admirable fous la main vivifiante d'un homme de génie ». Il n'eft point de Citoyen

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qui ne fache gré à l'Auteur d'avoir rendu ce jufte hommage à la mémoire d'un des plus illuftres Ediles de cette Capitale. Les fêtes qu'il donna lors du mariage de Madame Infante, Ducheffe de Parme, furent si bien entendues, fi galan

tes, fi magnifiques, que les efprits les plus difficiles ne purent dire autre chofe, finon: Que pourroit-il faire pour le mariage d'un Dauphin? On en pouvoir juger, répond M. de Cahufac, par ce qu'il fit alors.

Je reviens à l'histoire de la Danfe que notre Opera s'eft appropriée comme une partie effentielle de ce fpectacle. Quand Quinaut fonda un nouveau Théa tre parmi nous, il voulut parler à l'oreille par les fons modulés de la voix & aux yeux par ·les pas, les geftes & les

mouvemens mefurés de la Danse. Il se ménageoit par-là un nouveau genre d'a ction théatrale, qui pouvoit donner un feu plus vifà l'ensemble de fa compofition. Il étoit donc néceffaire, pour remplir cet objet, que la Danfe confervât le caractère d'imitation & de repréfentation que doit avoir tout ce qu'on introduit fur la Scène. Rappellez-vous, Monfieur, les grands tableaux qu'elle eft capable de former, & qu'elle forma réellement à Rome & dans la Grèce. Ce font ces mêmes merveilles que M. de Cahufac voudroit qu'elle produifit aux yeux des François, & que Quinaut avoit en vûejen l'introduifant fur fon Théatre,

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