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Vignorix, petit Bourg du Diocèfe de. Langres. Il entra dans la Société en 1691, enfeigna pendant plusieurs années la Rhétorique à Dijon, & paffa le refte de fa vie dans cette Ville, où il s'appliqua à différens genres d'études jufqu'à fa mort, arrivée en 1752. On a trouvé dans fes porte-feuilles plufieurs obfervations Littéraires qu'il faifoit pour fon ufage particulier, plufieurs anecdotes qui l'avoient frappé dans fes lectures, plufieurs jugemens qu'il avoit portés fur le caractère des Auteurs & fur leurs ouvrages. Tout cela eft tombé entre les mains de M. Michault; & c'eft, avec l'hiftoire de fa vie, ce qui fait la matière de prefque tout le fecond Volume de ces Mélanges Hiftoriques. Il y avoit fans

doute de très-bonnes chofes à dire de ce fçavant Jéfuite; mais il falloit faire un choix, & éviter des détails, où il paroît que M. Michault a plutôt confulté les mouvemens de l'amitié que le goût du Public.

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Quoi qu'il en foit, je remarque bord que le P. Oudin eftimoit affez le Poëme de la Pucelle, pour croire que cet ouvrage, traduit en beaux vers Latins, feroit admirable. Il prétendoit aufli

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avoir comparé fuffifamment les Poëfies de Chapelain avec celles de Defpréaux; pour être en état de prouver que ce dernier avoit tiré beaucoup d'hémistiches & même des vers entiers de la Pucelle. Cicéron fut toujours l'auteur favori du P. Oudin, &, malgré l'opinion commuil trouvoit dans le premier des Orateurs les talens d'un grand Poëte. Cette idée devoit faire le fujet d'une Dif fertation fur le Poëtifme de Cicéron, dans laquelle il prétendoit venger fon Héros du mépris que les Critiques ont marqué pour les fragmens poëtiques qui nous en reftent. Mais c'eft fur-tout des ouvrages en profe de ce fameux Orateur, que le docte Jésuite tiroit les preuves de fon Poëtifme.

Le P. Oudin ne vouloit pas qu'on employât le Sta Viator dans les Epitaphes, parce qu'il ne peut avoir lieu dans une Eglife. Quant à la phrase hic jacet, i la trouvoit impertinente, parce que le corps n'eft pas l'homme.

Parmi les anecdotes éparfes dans les papiers du P. Oudin' il y en a fort peu qui méritent d'être rapportées. Tenons nous-en aux deux fuivantes. Suarès, ce grand Théologien,

dont nous avons vingt Volumes in-folio écrits avec tant d'ordre & de netteté, Suarès eut toutes les peines du monde à être reçu chez les Jéfuites. Il fut d'abord refufé; il fit de nouvelles inftances, juf qu'à demander d'être admis parmi les Frères. Enfin on le reçut; & l'on étoit encore fur le point de le renvoyer, lorf qu'un vieuxJéfuite dit : Attendons, il me femble que ce jeune homme conçoit aifément, & penfe quelquefois fort bien.

Un Allemand qui avoit fait le voyage 'de Paris, de retour dans fa patrie, & racontant ce qu'il avoit vû de fingulier, difoit : J'ai vû dormir aux leçons du P. Petau. Vidi docentem Petavium, & Dif cipulos dormientes. M. Michault a d'autres papiers du P. Oudin, dont il n'a point encore fait usage. S'il eft vrai, comme il le dit, qu'il n'a employé que les plus curieux, que doit-on penfer de ceux qui lui reftent?

Le Retour du Goût.

Une jeune Veuve, dans les premiers jours de fa douleur, renonce à tout autre engagement. Le Temps, ce grand confolateur, tarit la fource de fes lar

mes; & fouvent l'année n'eft pas révolue, qu'on la voit prendre une nouvelle chaîne. Les fermens des Mufes reffemblent à ceux des Amours. M. de Chévrier ne pouvoit détourner un moment fes regards des cendres éteintes de fa Revûe des Théâtres ; &, dans fon défefpoir, il promit, il imprima même qu'il ne feroit plus d'ouvrages Dramatiques. On comptoit qu'il tiendroit parole; mais fon deuil n'a pas duré long-tems; il a oublié le Défunt prefque auffi-tôt Public.

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La petite Pièce ingénieufe des Adieux du Goût lui a fait faire le Retour du Goût, Comédie en un Acte, en vers libres, qué. les Italiens ont jouée avec quelque fuccès. L'Auteur n'a fait que parodier le titre de Meffieurs Portelance & Patu; car du refte fon ouvrage ne reffemble point au leur. Le Goût, dans fes Adieux, ne parle, comme cela devoit être, que de la corruption des Lettres & des Arts; c'eft un Critique févère & judicieux qui fronde nos idées fauffes en fait d'éloquence, d'Hiftoire, de Poëtie, de Danfe & de Mufique. Dans fon Retour, il ne fait aucune mention de tous ces genres, & hors un petit coin pour les Bouffons,

il ne dit prefque rien qu'on puiffe appliquer à nos Spectacles & à notre Littérature, quoiqu'il me femble que c'est là principalement l'objet de ce qu'on entend par le Goût. Car quel rapport ont avec lui un Marquis Petit-Maître, qui n'eft que fat & ridicule, une femme fingulière qui hait tout l'Univers, un Gafcon qui raconte fes anciens exploits militaires? Voilà cependant, Monfieur, les principaux Perfonnages auxquels le Goût donne audience dans la Pièce de M. de Chévrier. Il a fait de ce Dieu un Philofophe, un Moralifeur qui débite des maximes utiles pour fe bien conduire, & non des principes lumineux pour bien penfer & pour bien écrire. La Pièce feroit mieux appellée le Retour de la Sageffe, que le Retour du Goût.

Malgré ce défaut effentiel, il y a dans cet ouvrage plus d'efprit, plus de traits que n'en préfentoit la Revue des Théátres. Dans la première Scène, qui se passe entre Mercure & le Goût, ce dernier met paroît fe peindre lui-même avec assez de jufteffe.

Mercure, as-tu jamais pu croire
Que le Goût dût quitter Paris?

Dans ce féjour heureux, le centre de ma gloire,

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