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un peu moutonnière, douce & aima»ble, un peu folâtre même & badine, »nous bondiffons affez légèrement dans » les vallons & les prairies comme de » tendres agneaux, fouvent transformés »en abeilles ou en papillons, qui cueil»lent tout ce que la Mufique a de fuave, » de mielleux & de fleuri. "

Sçavez vous, Monfieur, pourquoi les

Italiens font meilleurs Mimes & Pantomimes que nous; c'eft qu'ils fçavent garder leur férieux. « Mais un François qui » fait rire, même à fes dépens, veut en » avoir fa première part; ce qui évente » la mêche, & diffipe le ris même d'au

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"trui... Le ris même eft médiocre chez »nous & tout d'or, tout de goût, tout » de fentiment, parce que celui qui fait »rire rit toujours le premier, & réduit, ipfo facto, le ris d'autrui à un honnête. » & fimple fouris d'efprit ou du bout des lèvres. » L'Auteur prétend que les Espagnols feroient les meilleurs Pantomimes de l'Europe, parce que c'est la nation la plus grave. Il me faudroit,' Monfieur, copier cette Brochure entière, fi je voulois vous citer tous les traits burlefques dont elle eft compofée. Il n'eft pas poffible que le P. Caftel ait écrit férieu

fement. Il n'a fans doute voulu que s'égayer; &, malgré fon axiome, quoiqu'il ait ri le premier, il n'en fait pas moins rire les autres.

Réponse Critique d'un Académicien de Rouen à l'Académicien de Bordeaux, fur le plus profond de la Mufique.

C'est le P. Caftel qui s'eft répondu à lui-même, voyant que perfonne ne s'en avifoit. Il continue dans cette Réponse fur le même ton de plaifanterie. Le prétendu Académicien de Rouen lui fait d'abord des complimens fur fes huit Lettres imprimées, les premières des trente qu'il lui avoit adreffées pour les communiquer à fon Académie. Mais auffi il blâme le P. Caftel d'avoir fi mal pris fon temps pour parler à fond de Mufique dans un moment de frivolité. Ce qu'il y a de fingulier, ou plutôt ce qui eft tout fimple, c'eft que l'Académicien tombe dans le même défaut. Il fait des extraits fcientifiques des autres Lettres du P. Caftel. Cet autre lui-même lui fait encore ce petit reproche flatteur. « Auffi pourquoi êtes-vous fi neuf & fi paradoxe? Notre Langue, s'il faut vous

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croire, eft d'autant plus propre pour la Mufique, qu'elle eft moins Muficale; d'autant plus Muficale, qu'elle > eft moins Muficienne. Elle parle, elle ne chante pas; elle ne parle ni ne chante; c'est nous qui fommes les pare leurs & les chanteurs.... Notre Lan"gue eft vivante; mais c'eft nous qui la » faifons vivre & parler. Son grand ca "ractère eft la liberté, la franchise tou»te Françoise. La Cour lui donne le ton. "A la Cour on ne parle que pour par»ler. La Langue n'y eft qu'une Langue. "Il n'y a du refte que le Roi qui donne » le ton à la Cour, &, par conféquent, à la Langue. Or le ton de nos Rois a de tout temps été auffi fimple & modéré qu'il eft naturellement plus majeftueux.... Il faut tout dire; avec »notre chant trop mélodieux, trop chantant, nous fommes plus peintres >> que pittorefques & peut-être plus parleurs que parlans. »

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Si vous croyez, Monfieur, que le P. Caftel s'eft proposé un autre but que de samufer, & de perfiffler fes Lecteurs; vous penfez qu'il a un fyftême qu'il voulu développer, tenez-vous-en à ce qu'il fe fait dire par l'Académicien de

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Rouen, & vous aurez la clef du tiroir' de fes idées. « J'entends votre raisonne» ment fecret. Il est réellement profond, quoique trop naïvement exprimé. Vous » tirez notre Mufique du fond de nos "arts, nos arts du fond de notre ca»ractère, & notre caractère du fond "même de notre hiftoire. Voilà bien » du fond & des fonds fur fonds en » effet. Comme tous ces fonds là fe font bien confervés depuis vingt, trente & » quarante fiècles parmi nous, notre Mufique jouit d'une belle médiocrité, toute d'or, felon Horace. Or voilà le » vrai fond de tout ce que vous dites » dans vos Lettres.» Ces deux Brochures méritent d'être confervées.

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Lettre d'un Vifigoth à M. FRÉRON, fur fa difpute harmonique avec M. Rousseau.

Je joue un affez beau rôle, Monfieur, dans cette Lettre qui m'eft adreffée. On m'y compare à David, & M. Rouffeau à Goliath. Ce n'eft pas la reconnoiffance, mais la juftice, qui me fera dire que cette Brochure eft d'un homme d'efprit. J'en trouve feulement le ton trop dur, les reproches trop vifs, les traits trop

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perfonnels. L'Auteur fait l'hiftoire de M. Rouffeau depuis fon couronnement à Dijon jufqu'aujourd'hui. Il parle de fa pauvreté, de fon galetas, de fon habit, de fes chemises fans manchettes, de fon affectation à ne point porter d'épée : tout cela eft affez indifférent au Public, affez étranger à ma difpute harmonique.

Le feul reproche grave & littéraire qu'on fait à M. Rouffeau, c'eft d'avoir pris l'air dans ma Cabane obfcure, qui se trouve dans fon Devin du Village, d'un ancien Cantique qui fut fait en 1602 à Genève, fur la délivrance de cette Ville, laquelle fur fur le point d'être furprise par les Généraux du Duc de Savoye. L'Auteur rapporte deux couplets de ce prétendu Cantique. Il dit qu'il les tient d'un Garçon Horloger qui les chante jour & nuit. Je ne ferois point étonné que bien des gens donnaffent dans ce piège, & cruffent de bonne foi que ce Cantique exifte réellement. Leur crédulité feroit d'autant plus pardonnable, que les deux couplets qu'on lit ici font dans ce goût de fimplicité & de naïveté qui caractérise ces fortes d'ouvrages: jugez-en.

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