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L'ANNE'E LITTÉRAIRE.

Etat général de la France.

De Bure, l'Aîné, Libraire Quai des Auguftins, vend un Etat général de la France. C'est une Carte gravée fur une Feuille de grand Aigle, partagée en quatorze colonnes. On y voit,avec beaucoup d'ordre & de netteté, & comme d'un coup d'œil, la divifion ancienne de la France, les Gouvernemens généraux, les Gouvernemens particuliers & les Provinces, les Villes capitales, les degrès de longitude & de latitude, les Fleuves & les Rivières, les Parlemens, Cours & Hôtels des Monnoyes, les Univerfités & les Académies, les Intendances & les Bureaux des Finances, le nombre des Archevêchés & des Evêchés compris dans chaque Province, le nom des mêmes Archevêchés & Evêchés par ordre de Suffragans, le Commerce des Villes & des Provinces, enfin, jufqu'à des Remarques Hiftoriques & Géographiques. Cette diftribution est bien entendue, & me paroît très - propre à donner une notion générale du Royaume à tous ceux, fur-tout aux enfans, qui ne l'ont pas encore.

Je fuis, &c.

A Paris, ce 10 Février 1754.

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L'ANNEE

LITTÉRA IR E.

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LETTRE IV.

Hiftoire Générale des Voyages, &c.

ON diftribue depuis quelques

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mois, Monfieur l'onzième Tome in- quarto de l'Hiftoire générale des Voyages, par M. l'Abbé Prévôt. Les diverfes relations qui compofent ce Volume ne font pas également intéreffantes; je ne m'attacherai qu'à celles qui m'offriront le plus de traits curieux & finguliers; & les Voyageurs Drake, Biet, wood, Dampier, Schouten & la Barbinais me fourniront feuls de quoi remplir agréablement cette Let

tre.

C'est au Chevalier Drake que les Anglois doivent la découverte de la Nouvelle Albion. Les habitans de ce pays le

Tome I.

D

voyant arriver fur un vaiffeau, le prirent pour un Dieu, & vinrent en foule lui offrir leurs hommages. Leur Roi étoit à leur tête, qui donnoit à fon Peuple l'exemple du refpect & de la foumiffion. Mais, avant que d'approcher d'une petite colline, où le Général Anglois avoit fait dreffer des Tentes, ils s'arrêtèrent pour difcourir entr'eux; enfuite laiffant leurs arcs & leurs fléches dans le même lieu, ils s'avancèrent pour faire leurs préfens. Un Officier de bonne mine précédoit le Roi de quelques pas, & portoit un Sceptre d'où pendoient deux Couronnes. Ayant appellé un autre Officier, il lui parla à voix baffe. Celui-ci répétoit tout haut aux Anglois ce que l'autre lui difoit : & cette forte de harangue dura long-temps.Le Roi fit figne à ceux qui le fuivoient de demeurer en arrière; alors celui qui portoit le Sceptre entonna un chant & commença une danfe avec une grace & une mefure admirables. Le Roi & tout le Peuple fuivirent cet exemple. Après la danse ce Prince s'affit, & preffa le Général de s'affeoir près de lui. Puis, prenant la plus grande des deux Couronnes, il la lui mit fur la tête, & recommença à chanter &

danfer avec tout fon Peuple. Drake ne fit point de difficulté de recevoir le Sceptre & la Couronne au nom de la Reine d'Angleterre, & appella ce Pays la Nouvelle Albion, non-feulement parce qu'il étoit le premier qui l'eût découvert, mais parce qu'il lui trouva beaucoup de reffemblance avec l'Angleterre, par la verdure & la beauté de fes côtes.

Antoine Biet publia en 1674 une relation de ce qui s'étoit paffé vingt-deux ans auparavant dans l'Ile de Cayenne pour l'établiffement d'une Colonie Françoife. Vous verrez avec plaifir, Monfieur, ce qu'il dit touchant la manière dont on fait les Capitaines & les Médécins chez les Peuples voifins de cette Ifle. Les Capitaines font les Chefs du Peuple. Celui qui afpire à cette qualité fait connoître fon intention en portant une rondache fur fa tête, baiffant les yeux & gardant un profond filence. Il fe retire dans un coin de fa Cafe, & s'y fait faire un petit retranchement qui lui donne à peine la liberté de fe remuer. Il ne fort de ce lieu que pour les néceffités de la nature, & pour fubir des épreuves terribles, par lefquelles les autres Capitaines le font passer fucceffive

ment. Il garde pendant fix femaines un jeûne des plus rigoureux ; & durant tout ce temps-là on vient matin & foir lui faire une longue harangue, qu'il écoute fort patiemment. Il fe tient debout les mains croifées fur la tête, & chaque Capitaine lui décharge trois grands coups d'un fouet compofé de racines de palmier. On le frappe en trois endroits du corps, aux mammelles, au ventre & aux cuiffes, & ce traitement fe fait deux fois par jour. Dans la plus vive douleur il ne doit pas faire le moindre mouvement, ni donner la plus légère marque de fouffrance. Cette épreuve finie, on lui en fait fubir une feconde précédée d'une nouvelle harangue. On amaffe autour de lui quantité d'herbes très-fortes & très-puantes, aufquelles on met le feu, fans que la flamme puiffe le toucher. La feule fumée qui le pénètre de toutes parts lui fait fouffrir des maux étranges. Il devient à demi fou, & tombe enfuite dans de fi grandes pamoifons qu'on le croit mort. On lui donne quelques liqueurs pour rappeller fes forces; mais il n'eft pas plutôt revenu à lui-même, qu'on redouble le feu avec de nouvelles exhortations. Tandis qu'on le

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