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tourmente ainfi,tous les autres Capitaines paffent le temps à boire autour de lui. Enfin, lorfqu'ils le croyent voir au dernier dégré de langueur, ils lui font un collier & une ceinture de feuilles qu'ils rempliffent de groffes fourmis noires dont la piquûre eft extrémement vive, & qui le réveillent bientôt par de nouvelles douleurs. Il fe lève alors, & on lui verfe fur la tête une liqueur fpiritueufe au travers d'un crible. Il va fe laver dans la riviere la plus voifine, & retourne dans fa Cafe pour y prendre un peu de repos. On lui fait encore obferver fon jeûne, mais avec moins de rigueur qu'auparavant; & lorfqu'il a repris toutes fes forces, il eft proclamé Capitaine, & reçoit un Arc neuf & les autres armes convenables à cette dignité.

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Les peuples de ce pays n'obfervent pas une méthode moins fingulière pour la réception de leurs Médecins. Lorfque le tems de l'épreuve eft arrivé, on fait jeûner le Novice avec plus de rigueur encore que les Capitaines; mais au lieu de le fouetter, on le fait danfer avec fi peu de relâche, qu'accablé de laffitude il tombe fans connoiffance. Il revient bientôt à lui par le moyen des colliers & des

ceintures de fourmis : enfuite, pour le familiarifer avec les plus violens remèdes, on lui met dans la bouche une efpèce d'entonnoir, par lequel on lui fait avaler plein un grand vaiffeau de jus de tabac. Cette médecine lui caufe des évacuations qui vont jufqu'au fang, & qui durent plufieurs jours. Alors on le déclare Médecin, & révêtu de la puiffance de guérir toute forte de maladies. Cependant, pour la conferver, il doit jeûner encore pendant l'efpace de trois ans ; & il ne peut être appellé à la vifite des malades, qu'après avoir achevé ce long cours d'épreuves & de pénitences.

Les Sauvages de la Cayenne ont un très-grand refpect pour les Vieillards. Lorfque la mort en enlève un, ils l'enterrent dans la Cafe où il a vêcu, fans autre cérémonie que de s'enyvrer: mais après lui avoir donné le temps de

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pourils affemblent leurs voifins ; ils déterrent les les brulent, & en mettent les cendres dans leur boiffon, pour les avaler dans une fête éclatante.

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Les relations de wood, de Dampier & de Schouten nous offrent des particularités très-curieuses touchant quelques animaux fort communs dans les pays qu'ils

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ont parcourus. Le premier parle d'un animal fingulier qui porte le nom de Grondeur ou de Souffleur, parce que, tôt qu'il voit paroître un homme, il gronde & fouffle de toute fa force. Il n'a point d'autre défenfe que fon derrière; & lorfqu'il eft pourfuivi, il en fait fortir des excrémens d'un odeur fi infupportable, qu'il arrête tout court le Chaffeur le plus intrépide, & l'oblige de fe fauver au plus vîte.

Dans une petite Ifle des Indes Orientales, affez près de Mindanao, il y a une prodigieufe quantité de Chauves-Souris plus groffes que desCanards.Elles ont des aîles fi longues, qu'un homme étendant les bras le plus qu'il eft poffible,n'en fçauroit toucher les deux extrémités. Dampier donné à chaque aîle fept ou huit pieds de long; ce qui n'eft guères vraisemblable dans un animal de la groffeur d'un Canard: il dit cependant les avoir vûes de fort près. Le foleil n'eft pas plutôt couché, que ces animaux prennent leur vol comme des effains d'abeilles ; on les voit s'élever jufqu'à ce qu'ils fe dérobent à la vûe ; & le lendemain,depuis la pointe du jour jufqu'au lever du foleil, on les revoit defcendre comme autant de nuages, & rentrer dans leur Ifle.

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Ce que Schouten raconte des Serpens de Malabar a quelque chofe de bien effrayant. La loi que les Naturels du Pays s'impofent de ne point tuer de Couleuvres, les met continuellement en danger d'en être dévorés. Il y a de ces Serpens qui ont jufqu'à vingt pieds de long, & qui font fi gros, qu'ils peuvent avaler un homme. Un jour qu'un habitant de la campagne étoit allé avec fa femme travailler à la terre, il avoit laiffé fon fils malade dans fa maifon. Cet enfant en fortit, & alla fe coucher à quelques pas de la porte fur des branches de palmier; il s'endormit jufqu'au foir. Ses parens qui revinrent du travail l'entendirent pouffer des cris à demi étouffés. Ils virent, en s'approchant de lui, qu'une de ces groffes Couleuvres avoit commencé à l'avaler. L'embarras du père & de la mère fut auffi grand que leur douleur. On n'ofoit irriter la Couleuvre, de peur qu'avec fes dents elle ne coupât l'enfant en deux, ou qu'elle n'achevât de l'engloutir. Enfin, de plufieurs expédiens, on préféra celui de la couper par le milieu du corps; ce que le plus hardi & le plus adroit exécuta fort heureusement d'un feul coup de fabre. Mais, comme

elle ne mourut pas d'abord quoique féparée en deux, elle ferra de fes dents le corps tendre de l'enfant, & l'infecta telIement de fon venin qu'il expira peu de momens après.

Le même Voyageur nous a laiffé plufieurs obfervations remarquables touchant les Peuples qui habitent la côte de Malabar. Ils font divifés en différentes Tribus; la dernière & la plus vile de toutes eft celle des Pouliats. Cette ef

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pèce d'hommes eft regardée de toutes les autres comme la plus miférable tie du genre humain. On devient infâme en les fréquentant, & fouillé pour s'être approché d'eux à la diftance de vingt pas. Si quelqu'un des quatre premières Tribus rencontre un de ces objets de Pexécration publique, il jette un cri d'auffi loin qu'il peut le voir, & c'eft un fignal qui l'oblige de fe retirer à l'écart. Au moindre retardement on a droit de le tuer d'un coup de flèche ou de moufquet. La vie de ces malheureux paroît fi méprifable, que quand on veut éprou ver fes armes on tire indifféremment fur le premier Pouliat qu'on rencontre, fans diftinction d'âge ou de fexe: ce crime n'eft jamais recherché ni puni.

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