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le Recueil forme jufqu'à préfent qua rante quatre Tomes in-12; chaque Vo lume in. 4° en contient quatre de la petite Edition. On peut dire qu'il n'a paru jufqu'à préfent aucune Collection de cette nature, où il y ait plus d'abondance & de variété, & fur-tout un plus grand nombre de relations étran gères, traduites de la plupart des Langues de l'Europe. Ce Volume eft le dernier où la méthode Angloife fera confultée. L'Auteur n'ayant plus à traiter dans les Tômes fuivans que de ce qui regarde l'Amérique, embraffera un nouveau Plan, qui n'aura de commun avec l'autre que ce qui eft indifpenfable, pour ne pas faire deux ouvrages diffé rens fous le même titre.

Vers.

M. l'Abbé de Lattaignant, ce Chantre ingénieux des Vertus, des Talens des Graces & des Plaisirs, vient d'adref fer les Vers que vous allez lire à Madame de Rohan, Religieufe de Panthemont, nommée depuis peu Abbeffe de Marquette en Flandre, à la place de feue Madame la Princeffe de Rohan fa Tante.

La Nature fait les Héros,

Mais la place les fait connaître :
Au fortir d'un obfcur repos

Ils femblent prendre un nouvel être.
Soumife, jufques à ce jour,
A l'abri facré de ce Temple,
Il faut regner à votre tour;
Partez, allez donner l'exemple.

Dans de plus fortunés Climats
Vous devez porter la lumière ;
Je juge par vos premiers pas
Du refte de votre carrière.
Continuez, fuivez de près
Ces routes fraîchement tracées,
Qui par nos pleurs & nos regrets
Ne font point encore effacées.

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Eh pouvez-vous dégénérer

Du fang qui coule dans vos veines? Allez donc vous faire adorer Jufques dans les Belgiques plaines. Qu'il eft facile, qu'il eft doux De fuivre de fi dignes traces, Lorfque l'on unit, comme vous Tant de vertus à tant de graces! Je fuis, &c.

A Paris ce 13 Février 1754.

LETTRE V.

Bibliothèque Françoise ou Hiftoire de la Littérature Françoife, &c.

Epuis le treizième fiécle jusqu'au dix-feptième, la France a produit

plus de fix cens Poëtes. Leurs vies & leurs écrits ont déja fourni à M. l'Abbé Goujet la matière de huit Volumes. Les deux derniers, qui font le quinzième & le feizième de fa Bibliothèque Françoife, commencent à Malherbe & finiffent à SaintAmant. Entre ces deux Poëtes connus > il y en a environ deux cens autres que l'Auteur tire de l'obfcurité où leurs mauvais ouvrages les tenoient enfevelis. Leurs vies n'offrent rien de bien particulier; voici feulement ce que j'y trouve de remarquable. Jean le Chatelain, Auteur de la Chronique de Metz en vers, fut brûlé vif pour crime d'héréfie. Gilles Durant, Poëte connu à la Cour de Louis XIII, fut rompu en Place de Grève, pour avoir écrit contre l'Etat & contre le Roi. Un Gentilhomme Italien fut pendu

pour avoir traduit dans fa langue le Libelle de Gilles Durant. Antoine de Mont-Chrétien, Auteur de plufieurs Tragédies,.fut traîné fur la claye pour crime de rébellion. Jean-Baptifte de Crofilles, Prêtre & Traducteur des Epitres Héroïdes d'Ovide, fut exilé & mis au cachot, pour s'être marié après fa Prêtrife. Le Poëte Guillard Danville fut trois ans détenu prifonnier à la Baftille, pour quelques foupçons qu'on avoit conçus contre fa fidélité. Rejneville, Poëte Normand, fut exilé pendant fept ans, pour avoir affifté à un duel dont on vouloit le rendre coupable. Jacques du Lorens, Avocat au Préfidial de Chartres, fut mis à l'amende pour avoir fait des Satyres contre. les Juges.

François de Malherbe,né à Caen,fortoit d'une famille qui poffédoit les premières Charges de cette Ville: il époufa à Aix la veuve d'un Confeiller au Parlement de Provence, & Henri IV voulut l'avoir auprès de lui en qualité de Gentilhomme Ordinaire de fa Chambre. Mais il ne fit rien de plus pour Malherbe : ce qu'on attribue au reffentiment que M. de Sully avoit confervé contre ce Poëte, qui, du temps de la ligue, l'avoit poursuivi deux

ou trois lieues pour le tuer. Après la mort de Henri IV, Marie de Médicis le gratifia d'une penfion de quinze cens livres; mais il n'épargna pas fa veine pour

fe

procurer une meilleure fortune. Sa Poëfie, toute noble qu'elle étoit, n'étoit pas toujours employée noblement, & 'on difoit de lui, qu'il demandoit l'aumône le Sonnet à la main; il n'en devint pas plus riche. Malherbe eut plufeurs enfans qui moururent jeunes; il ne put élever qu'un fils, qui fut tué en duel par un Gentilhomme nommé de Piles. Il alla au fiège de la Rochelle pour en demander justice au Roi; mais n'ayant pas eu toute la fatisfaction qu'il en attendoit, il voulut fe battre contre de Piles. On lui repréfenta qu'il y auroit de la témérité de fe commettre à l'âge de foixante & treize ans avec un jeune homme qui n'en avoit que vingtcinq. C'eft pour cela, répondit-il, que je veux me battre ; je ne hazarde qu'un denier contre une piftole. On lui offrit dix mille écus pour accommoder cette affaire; il n'y confentit que dans la vue d'employer cette fomme pour faire élever un maufolée à fon fils. Il mourut avant que le marché fût conclu. Malherbe étoit bruf

que

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