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A la Côte d'Or, le droit de 80 francs a été perçu pendant longtemps. Les importations y varient légèrement d'année en année, mais l'impôt a été jusqu'à ce jour suffisant pour empêcher toute augmentation considérable. Le droit de 80 francs a produit en 1897 un revenu de 3,265,000 francs. Ce droit élevé ne détruit donc ni le commerce ni le revenu.

Le Lagos présente ce grand avantage qu'il permet de constater l'effet que produit un changement du droit dans une des régions les plus typiques de l'Afrique occidentale. Jusqu'au mois de novembre 1895, le droit n'a été que de 27 francs; à partir de cette date, il a été de 54 francs. Jusqu'au moment de l'augmentation du droit, qui a en effet été doublé, l'importation s'est accrue très sensiblement, surtout pendant les années 1893, 1894 et 1895. L'année 1893 marque le commencement de la pénétration du commerce vers l'intérieur; ce fait se produisit aussitôt après l'expédition militaire qui détruisit la puissance des Yibus, tribu qui entravait le commerce direct avec les Yorubas, la race agricole de l'intérieur. Les importations qui étaient de 52,000 hectolitres en 1892 atteignaient déjà 85,000 hectolitres en 1895. Mais l'augmentation du droit s'est fait sentir, et les importations baissèrent, en 1896, à 56,000 hectolitres; elles montèrent à 67,000, en 1897, pour retomber, en 1898, à 62,000 hectolitres.

La même expérience a été faite dans la région voisine, c'est-à-dire à la côte du Niger. Les importations, qui étaient de 62,000 hectolitres en 1892, s'élevèrent en 1893 à 118,000; en 1894 et en 1895 elles atteignaient respectivement 80,000 et 95,000 hectolitres. L'Administration ayant annoncé à l'avance l'augmentation du droit qui devait avoir lieu au mois de novembre 1895, le chiffre de 1896, à savoir 38,000 hectolitres, est évidemment un chiffre anormal. Une grande partie des importations qui devraient figurer dans les statistiques de cette année ont eu lieu en réalité l'année précédente. En 1897, le chiffre des importations a été de 53,000 hectolitres.

Dans le Lagos ainsi qu'à la côte du Niger, l'augmentation du droit a done arrêté un accroissement d'importation qui prenait des proportions réellement effrayantes.

Il y a lieu d'examiner ensuite l'effet que produit l'augmentation du droit sur le revenu fourni par les spiritueux. Dans le Lagos, ce revenu était, en 1892, de 2,400,000 francs; en 1896 et en 1897, il dépassait 3 millions de francs. De même à la côte du Niger, il était de 2,200,000 francs en 1892, mais en 1897, il n'était pas loin de 3 millions. Les diverses administrations ne doivent donc pas craindre qu'une élévation des droits aura pour conséquence d'amener une diminution du revenu.

On a prétendu que toute diminution dans l'importation des spiritueux devait amener une diminution dans les autres importations; que l'indigène exigeait une certaine quantité de spiritueux. Mais l'expérience des colonies britanniques prouve qu'il n'en est nullement ainsi.

A la Côte d'Or, la proportion de la valeur des spiritueux importés, comparée à celle de la totalité des importations en commerce spécial, a été, en 1894, de 13%; en 1895, de 11%; en 1896, de 9%. Cette grande diminution dans les importations de spiritueux a été accompagnée d'une augmentation absolue très notable dans les importations totales; celles-ci sont montées de 17 millions et demi de francs en 1894, à près de 23 millions en 1895, et à 25 millions en 1896.

Les chiffres du Lagos et de la côte du Niger présentent le même résultat. Au Lagos, le pour cent des spiritueux a été de 17% en 1894, de 7% en 1896, de 8% en 1897. Les importations en commerce spécial ont été pour les mêmes années de 18 millions, 22 millions et près de 19 millions de francs respectivement. A la côte du Niger le pour cent a été également pour les années 1894, 1896 et 1897, 20%, 9% et 12%; et pour les importations totales environ 18 millions, 16 millions et demi et 16 millions respectivement.

En proposant une augmentation des droits, la Grande-Bretagne a la certitude qu'elle ne se trompe pas dans ses prévisions.

En effet, les revenus de ses colonies dans l'Afrique occidentale suffisent à peine à couvrir leurs dépenses administratives; une diminution du revenu, fût-elle même minime, rendrait nécessaire un appel à la mère patrie. La Grande-Bretagne risque donc de compromettre l'équilibre financier de ses colonies; mais elle est convaincue que le droit de 100 francs n'entraînera aucune diminution dans le rendement de l'impôt.

L'enjeu que met la Grande-Bretagne est considérable. Les importations des spiritueux dans toutes les colonies anglaises s'élèvent à 180,000 hectolitres; le revenu que produit cette importation peut être évalué à 12 millions de francs.

Les déductions statistiques que nous venons d'avoir l'honneur de soumettre à la Conférence, sont, croyons-nous, très instructives et méritent toute l'attention de nos honorables Collègues : la Grande-Bretagne a seule pu constater quels sont les résultats commerciaux et financiers produits par une augmentation du droit. Les autres colonies ou bien n'ont pas élevé leurs droits, ou bien, et c'est le cas du Cameroun, l'augmentation est de date si récente qu'elle n'a pu jusqu'à présent produire tous ses effets.

Le commerce des alcools est destructif des autres commerces, qui lui sont de beaucoup préférables. Nous sommes convaincus qu'à la longue une diminution du trafic des spiritueux aura même forcément pour conséquence une augmentation d'un trafic plus avantageux et, en un mot, plus lucratif pour l'industrie européenne.

Nous demandons que les Puissances suivent en Afrique la voie dans laquelle se sont engagées toutes les nations européennes : l'imposition de l'alcool non pas uniquement en vue de produire des revenus, mais en vue d'empêcher l'abus des boissons spiritueuses. >>>

M. le Président dit que la déclaration de M. le Ministre d'Angleterre ainsi que le memorandum qui l'accompagne seront insérés dans le Protocole de la

séance.

Carathéodory Efendi rappelle que n'ayant pas assisté à la première réunion de la Conférence, il avait tenu néanmoins, dès que l'occasion s'était offerte à lui de le faire, à s'associer à ce qu'avait dit en si excellents termes, Sir F.-R. Plunkett en parlant du baron Lambermont et en lui offrant au nom de l'Assemblée la présidence de la Conférence.

Carathéodory Efendi avait pris soin en même temps de préciser l'attitude que le Gouvernement Ottoman comptait prendre dans la question de la revision du régime des spiritueux en Afrique, ajoutant que son adhésion serait acquise à toute proposition qui serait de nature à concilier les intérêts de l'humanité avec ceux du commerce légitime.

Son Excellence n'a pas trouvé trace dans le rapport des paroles qu'elle a prononcées à cette occasion et elle désirerait que l'omission fùt réparée.

M. le Président après avoir remercié Son Excellence de ce qu'il y a de personnellement gracieux dans ses paroles, dit qu'il sera fait droit au désir exprimé par M. le Ministre de Turquie. Il constate ensuite que, moyennant cette addition, le rapport peut être considéré comme adopté.

M. le Président aborde l'examen du projet de convention. Après le préambule qui ne provoque aucune observation, il donne lecture de l'article premier, ainsi que d'une formule de rédaction pour le paragraphe à intercaler dans le cas où le droit exceptionnel de 60 francs pour la colonie du Togo serait accepté. La proposition qui fait l'objet du paragraphe dont il s'agit, n'avait pas semblé soulever d'objection. M. le Ministre de France s'était toutefois réservé d'en référer à son Gouvernement.

M. Gérard dit que ses instructions lui permettent d'accepter la réduction proposée pour le Togo pourvu que l'exception soit étendue à la colonie limitrophe du Dahomey. Les deux territoires se trouvant dans une situation identique, il convient de leur appliquer la même tarification. Le Dahomey devrait donc être compris dans la formule de rédaction dont M. le Président vient de donner lecture.

Sir F.-R. Plunkett ne manquera pas de faire part à son Gouvernement de la demande formulée par M. le Ministre de France, mais Son Excellence ne se croit pas autorisée à y souscrire avant d'en avoir référé à Londres.

M. le comte d'Alvensleben reconnaît que l'extension au Dahomey du régime exceptionnel consenti pour le Togo est une conséquence naturelle de l'adoption de la proposition allemande. Il est donc tout disposé à y donner son assentiment.

M. le Président espère que le Gouvernement Britannique envisagera la question de la même manière.

M. le comte de Tovar dit que ses instructions ne mentionnent pas la question du tarif réduit pour le Togo. Son Excellence présume qu'il y a eu simple omission. Il est donc probable que ce point ne soulève pas d'objection de la part de son Gouvernement et qu'il en sera de même en ce qui concerne le Dahomey. Mais Son Excellence ne peut se prononcer sur cette double question sans en avoir référé.

M. le Président rappelle que l'accord ne s'est pas établi jusqu'ici sur le paragraphe de l'article premier qui réserve aux Puissances la faculté de provoquer la revision du tarif avant l'expiration du terme de six ans.

M. Gérard dit que le Gouvernement français ne peut accepter sous cette forme la clause de la revision facultative. Les motifs de cette détermination ont été développés au cours des délibérations de la Commission et se trouvent résumés dans le rapport. Son Excellence croit pouvoir se dispenser de revenir sur ses précédentes observations et se borner à faire connaître qu'Elle a reçu de nouveau des instructions en vue de faire écarter une disposition dont la nécessité n'est, aux yeux du Gouvernement de la République, nullement démontrée.

M. Göhring rappelle qu'en Commission, les Plénipotentiaires allemands se sont ralliés à la clause de la revision facultative. « Nous considérons, ajoute M. Göhring, que cette clause a essentiellement pour but de ne pas fermer hermétiquement la porte à un échange de vues pour le cas où il se présenterait des faits graves, d'une nature tout à fait extraordinaire et dont l'exactitude serait reconnue, sans toutefois impliquer l'obligation de toucher au régime que nous allons introduire. Nous consentirions donc à la clause dont il s'agit. Nous sommes même autorisés à déclarer que si, à la Conférence, on n'arrivait pas à un accord sur la revision facultative, l'Allemagne resterait néanmoins disposée à se prêter à un pareil échange de vues dans les conditions que je viens d'indiquer. De son côté, l'Allemagne se plaît à croire que les autres Puissances ne s'y refuseraient pas, si elle venait à le suggérer.

« Ceci, poursuit M. le second Plénipotentiaire d'Allemagne, reste subordonné au maintien de l'accord sur les propositions faites par nous, c'est-àdire sur le chiffre général de 70 francs et sur celui de 60 francs pour le Togo. Dans le cas contraire, la déclaration que je viens d'avoir l'honneur de faire devrait être considérée comme non avenue. »

Sir F.-R. Plunkett remercie M. le second Plénipotentiaire d'Allemagne pour sa déclaration.

M. le Président dit qu'elle sera insérée dans le Protocole.

M. le comte de Tovar demande à M. Göhring de vouloir bien préciser la portée de sa déclaration. Si la revision facultative est écartée dans la convention, il semble difficile d'admettre l'hypothèse d'un échange de vues qui aurait pour but de provoquer la revision du tarif avant l'échéance fixée par la convention même.

M. Göhring dit que dans le cas où la clause de la revision facultative disparaîtrait de la convention, la revision du tarif conventionnel ne pourra évidemment plus être réclamée avant l'expiration de la période prévue dans le traité. Mais l'Allemagne qui a consenti à admettre le principe de la revision facultative à laquelle l'Angleterre attache un grand intérêt, reste libre de déclarer que, dans le cas où la clause de revision facultative serait écartée, elle est disposée, si certaines éventualités se produisent, à se prêter à un échange de vues avec l'une ou l'autre des Puissances intéressées, dans le but d'apporter, moyennant réciprocité, tels changements que les circonstances comporteraient. Cette attitude est d'ailleurs en harmonie avec la pensée dont s'inspire l'article XCVII de l'Acte général de Bruxelles.

La déclaration faite par les Plénipotentiaires allemands n'engage personne sauf l'Allemagne, et, dans ces conditions, elle ne compromet en rien la fixité du tarif conventionnel.

M. le comte de Tovar n'insiste pas sur son observation, mais ses instructions lui prescrivent de demander, comme l'a fait son Collègue de France, la suppression à l'article 1er du paragraphe relatif à la revision facultative.

M. Gérard se demande si, en laissant ouverte la faculté de revision avant

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