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HARVARD UNIVERSITY

LIB ARY

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il est né pour la force et la grandeur, ce Varouna qui a fondé l'immensité du ciel et de la terre. C'est lui qui, d'un côté, a développé cette grande et large voûte toute parée d'étoiles, et qui de l'autre a étendu la surface terrestre.

Ces mots, est-ce que je les adresse à moi-même ? Comment puis-je m'élever jusqu'à Varouna? Recevra-t-il sans courroux mes offrandes? Comment faire pour contempler, d'un esprit pur, le Dieu plein de clémence?...

O Varouna, quel péché si grand ai-je commis pour que tu veuilles frapper un chantre ton ami ? Dieu fort et invincible, disle moi. Innocent et empressé, je t'adorerai.

RIG-VEDA, 98 hymne (trad. E. Burnouf).

Prière à Dieu.

Ne me laisse plus rentrer, ô Varouna, dans cette maison d'argile et de boue [le corps]; aie pitié de moi, ô Dieu tout-puissant, aie pitié de moi !

1

Si je marche tout tremblant comme un nuage que chasse le vent, aie pitié de moi, ô Dieu tout-puissant, aie pitié de moi !

C'est parce que je manque de force, Dieu fort et brillant, que je suis allé me briser sur le fatal rivage; aie pitié de moi, ô Dieu tout-puissant, aie pitié de moi !

La soif a dévoré ton adorateur bien qu'il fût au milieu des eaux; aie pitié de moi, ô Dieu tout-puissant, aie pitié de moi ! Toutes les fois, ô Varouna, que nous, simples hommes, nous commettons quelque offense contre l'armée des cieux, toutes les fois que nous violons ta loi sans intention, aie pitié de nous, Ô Dieu tout-puissant, aie pitié de nous! Ibid., 102 hymne.

Alternatives de création et de destruction.

Tandis que Brahma veille, le monde vit et se meut; mais quand le dieu dort, quand son esprit est en repos, l'univers s'évanouit; tous les êtres tombent dans l'inertie; ils sont dissous dans l'âme suprême, parce que celui qui est la vie de tout être sommeille doucement, privé de son énergie. Ainsi, passant tour à tour du sommeil à la veille et de la veille au sommeil, constamment il fait naître à la vie tout ce qui a le mouvement et tout ce qui ne l'a pas; puis il l'anéantit et demeure immobile. Les créations et les destructions du monde sont innombrables; et l'Être suprême les renouvelle comme en se jouant.

MANAVA-DHARMA-SASTRA OU LOIS DE MANOU (trad. Loiseleur-
Deslongchamps), liv. I.

L'immortalité d'après le brahmanisme (1).

« Maitreyi, dit Yadjnavalkya, je quitte ma maison pour l'habitation de la forêt. Certes, je dois faire un partage entre toi et mon autre femme Katyayana. »

Maitreyi répondit à son époux: « Mon seigneur, si cette terre entière, pleine de richesses, m'appartenait, serais-je par là immortelle ? »>

«Non, répondit Yadjnavalkya; ta vie ressemblera à la vie heureuse des riches, mais par les richesses il n'est aucun espoir d'immortalité. »>

1. Nous donnons ici en entier, à cause de leur importance, des pages dont nous avons cité quelques fragments dans notre Histoire de la philosophie.

Et Maitreyi dit: « Que ferais-je de ce qui ne peut me rendre immortelle ? Ce que mon seigneur sait de l'immortalité, puisset-il me le dire? »

Yadjnavalkya répondit : « Toi qui m'es vraiment chère, tu dis de chères paroles. Assieds-toi: je t'expliquerai ce que je sais, et écoute bien ce que je dis. » Et il dit : « Un époux est aimé, non parce que vous aimez l'époux, mais parce que vous aimez en lui l'Esprit divin. Une épouse est aimée, non parce que nous aimons l'épouse, mais parce que nous aimons en elle l'Esprit divin. Des enfants sont aimés, non parce que nous aimons les enfants, mais parce que nous aimons l'Esprit divin en eux. Cet Esprit est ce que nous aimons, quand nous paraissons aimer les richesses, les brahmanes, les kshattriyas [ou guerriers], ce monde, les dieux, tous les êtres, cet univers. L'Esprit divin, ô épouse bien-aimée, voilà l'unique objet que nous devons voir, entendre, comprendre, méditer. Si nous le voyons, l'entendons, le comprenons et le connaissons, alors cet univers entier nous est connu. Quiconque chercherait l'essence du brahmane ailleurs que dans l'Esprit divin serait abandonné par les brahmanes. Quiconque chercherait le pouvoir des kshattriyas ailleurs que dans l'Esprit divin serait abandonné par les kshattriyas. Quiconque chercherait ce monde, les dieux, tous les êtres ailleurs que dans l'Esprit divin serait abandonné par eux tous. Cette essence du brahmane, ce pouvoir du kshattriya, ce monde, ces dieux, ces êtres, tout est l'Esprit divin. Maintenant, de même que nous ne pouvons saisir les sons d'un tambour en eux-mêmes, mais que nous saisissons le son en saisissant le tambour ou la main qui le bat; de même que nous ne pouvons saisir les sons d'une conque en eux-mêmes, mais que nous saisissons le son en saisissant la conque ou le souffleur de conque; de même en est-il avec l'Esprit divin. Comme des nuages de fumée s'élèvent d'un feu allumé par un combustible sec, ainsi, ô Maitreyi, tous les mots sacrés ont été exhalés par ce grand Être. Comme toutes les eaux trouvent leur centre dans la mer, ainsi toutes les sensations trouvent leur centre dans la peau, tous les goûts dans la langue, toutes les odeurs dans le nez, toutes les couleurs dans l'œil, toutes les pensées dans l'intelligence, toute la science dans le cœur, toutes les actions dans les mains, et toutes les écritures dans la parole. Il en est de nous, quand nous entrons dans l'Esprit divin, comme d'une masse de sel qui serait jetée dans la mer; elle se dissout dans l'eau qui l'a produite et ne peut être reprise; mais, en quelque lieu que vous

puisiez l'eau et la goûtiez, elle est salée... De même que l'eau devient sel et que le sel devient eau, ainsi nous naissons du divin Esprit et nous y retournons. Quand nous avons passé, il ne reste de nous aucun nom. »

Maitreyi répondit : « Ici tu m'as égarée, disant qu'il ne reste de nous aucun nom quand nous avons passé. »

Ce que je dis n'est pas un mensonge, mais la plus haute vérité; car, s'il y avait ici deux êtres en présence [Dieu et l'homme], alors l'un verrait l'autre, l'un entendrait, apercevrait et connaîtrait l'autre. Mais si le seul et divin Soi [ou Dieu] est le grand Tout, qui et par qui verrait-il, entendrait-il, percevrait-il, ou connaîtrait-il (1)?

La production du monde.

Alors rien n'existait, ni le non-être, ni l'être, ni monde, ni air, ni région supérieure. Quelle était donc l'enveloppe de toutes choses? Où était, quel était le réceptacle de l'eau ? Où était la profondeur impénétrable de l'air? Il n'y avait point de mort, point d'immortalité, pas de flambeaux du jour et de la nuit. Mais Lui seul respirait sans respirer, absorbé dans l'ardeur de sa propre pensée. Il n'entendait rien, absolument rien autre que lui. Les ténèbres étaient au commencement enveloppées de ténèbres; l'eau était sans éclat. Mais l'Etre reposait dans le vide qui le portait, et cet univers fut enfin produit par la force de son ardeur intellectuelle...

A l'origine, l'être était unique... Il était seul au commencement, sans second. Il éprouva un désir: Plût à Dieu, dit-il, que je fusse plusieurs et que j'engendrasse! Et il créa la lumière. La lumière éprouva le même désir et créa les eaux. Les eaux désirèrent également, et elles dirent: Plût au ciel que nous fussions multipliées et fécondes ! Et elles créèrent la terre.

RIG-VÉDA, hymne 15.

11. MORALE DU BRAHMANISME.

Vraie et fausse piété.

De l'espérance d'un avantage naît l'empressement: les sacii

1. Voir Max Müller. A history of ancient sanskrit literature, p. 222.

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