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et le mouvement du muscle circulaire du poignet nous procuDictionnaire philosophique. Art. Causes finales.

rent.

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Je serais la boîte dans laquelle serait un être qui ne tient point de place! Moi, étendu, je serais l'étui d'un être non étendu ! Je Į posséderais quelque chose qu'on ne voit jamais, de laquelle on ne peut avoir la moindre image, la moindre idée ! il faut être bien hardi pour se vanter de posséder un tel trésor...

Mais si dans l'animal raisonnable, appelé homme, Dieu avait mis une étincelle invisible, impalpable, quelque chose de plus intangible qu'un atome d'élément, ce que les philosophes grecs appellent une monade, si cette monade était indestructible, si c'était elle qui pensât et qui sentit en nous, alors je ne vois plus qu'il y ait d'absurdité à dire cette monade peut exister, peut avoir des idées et du sentiment quand le corps dont elle est l'âme sera détruit...

Lettres de Memmius à Cicéron. Dialogue de Callicrate
et d'Évhémère.

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Personne ne me fera jamais croire que je pense toujours, et je ne suis pas plus disposé que Locke à imaginer que, quelques semaines après ma conception, j'étais une âme fort savante, sachant alors mille choses que j'ai oubliées en naissant, et ayant fort inutilement possédé dans l'utérus des connaissances qui m'ont échappé dès que j'ai pu en avoir besoin et que je n'ai jamais pu reprendre depuis.

L'âme est un esprit pur qui a reçu dans le ventre de sa mère toutes les idées métaphysiques, et qui en sortant de là est obligée d'aller de nouveau à l'école et d'apprendre tout de nouveau ce qu'elle a si bien su et qu'elle ne saura plus. Ce n'était donc pas la peine que ton âme fût si savante dans le ventre de ta mère pour être si ignorante quand tu aurais de la barbe au Lettres sur les Anglais, XIII. Micromégas.

menton.

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La notion de justice me semble si naturelle, si universellement acquise par tous les hommes, qu'elle est indépendante de

toute loi, de tout pacte, de toute religion... Partout violée, nulle part elle n'est abrogée: «qu'on me montre un pays où il soit hounête de me ravir le fruit de mon travail, de violer sa promesse, de mentir pour nuire, de calomnier, d'assassiner, d'empoisonner, d'être ingrat. » Le Philosophe ignorant.

J.-J. ROUSSEAU..

Jean-Jacques Rousseau naquit à Genève, en 1712, d'une famille française émigrée au XVIe siècle. Tour à tour clerc d'un greffier, apprenti graveur, écuyer de la reine de Sardaigne, professeur de musique à Lausanne, il vécut pendant huit ans auprès de Madame de Warens. Plus tard il se lia à Paris avec Diderot et Grimm, écrivit en 1749 pour l'Académie de Dijon son mémoire sur Le progrés des arts et des sciences, et, l'année suivante, un second mémoire sur L'origine de l'inégalité parmi les hommes. Il retourna ensuite à Genève, revint à Paris, publia la Lettre à d'Alembert sur les spectacles, le Contrat social, l'Emile (1762). Ce dernier livre fut condamné à la fois à Paris et en Suisse. Il écrivit alors, contre le conseil de Genève, ses Lettres de la Montagne, quitta la Suisse pour passer en Angleterre, vécut quelque temps chez le philosophe Hume et rentra ensuite en France. Il mourut subitement le 3 juillet 1778.

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I. Du droit du plus fort. Différence de la force et du droit. sance n'oblige que si elle est légitime.

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Sitôt que c'est la force qui fait le droit, l'effet change avec la cause; toute force qui surmonte la première succède à son droit. Sitôt qu'on peut désobéir impunément, on le peut légitimement; et puisque le plus fort a toujours raison, il ne s'agit que de faire en sorte qu'on soit le plus fort. Or, qu'est-ce qu'un droit qui périt quand la force cesse? S'il faut obéir par force, on n'a pas besoin d'obéir par devoir; et si l'on n'est plus forcé d'obéir, on n'y est plus obligé. On voit donc que ce mot de droit n'ajoute rien à la force; il ne signifie ici rien du tout.

Obéissez aux puissances. Si cela veut dire, cédez à la force, le précepte est bon, mais superflu; je réponds qu'il ne sera jamais violé. Toute puissance vient de Dieu, je l'avoue; mais toute maladie en vient aussi : est-ce à dire qu'il soit défendu d'appeler le médecin? Qu'un brigand me surprenne au coin d'un bois, nonseulement il faut par force donner la bourse; mais, quand je pourrai la soustraire, suis-je en conscience obligé de la donner? car enfin le pistolet qu'il tient est aussi une puissance.

Convenons donc que force ne fait pas droit, et qu'on n'est obligé d'obéir qu'aux puissances légitimes.

Contrat social, I, u.

II. Caractère sacré et inalienable de la liberté humaine.

Si un particulier, dit Grotius, peut aliéner sa liberté et se rendre esclave d'un maître, pourquoi tout un peuple ne pourrait-il pas aliéner la sienne et se rendre sujet d'un roi ? Il y a là bien des mots équivoques qui auraient besoin d'explication; mais tenons-nous en à celui d'aliéner. Aliéner, c'est donner ou vendre. Or, un homme qui se fait esclave d'un autre ne se donne pas; il se vend tout au moins pour sa subsistance: mais un peuple pourquoi se vend-il ? Bien qu'un roi fournisse à ses sujets leur subsistance, il ne tire la sienne que d'eux, et, selon Rabelais, un roi ne vit pas de peu. Les sujets donnent donc leur personne à condition qu'on prendra aussi leur bien. Je ne vois pas ce qu'il leur reste à conserver.

On dira que le despote assure à ses sujets la tranquillité civile; soit, mais qu'y gagnent-ils, si les guerres que son ambition leur attire, si son insatiable avidité, si les vexations de son ministère les désolent plus que ne feraient leurs dissensions? Qu'y gagnent-ils, si cette tranquillité même est une de leurs misères? On vit tranquille aussi dans les cachots: en est-ce assez pour s'y trouver bien ? Les Grecs enfermés dans l'antre du cyclope y vivaient tranquilles, en attendant que leur tour vînt d'être dévorés.

Dire qu'un homme se donne gratuitement, c'est dire une chose absurde et inconcevable; un tel acte est illégitime et nul, par cela seul que celui qui le fait n'est pas dans son bon sens. Dire la même chose de tout un peuple, c'est supposer un peuple de fous: la folie ne fait pas droit.

Quand chacun pourrait s'aliéner lui-même, il ne peut aliéner ses enfants; ils naissent hommes et libres; leur liberté leur appartient nul n'a droit d'en disposer qu'eux. Avant qu'ils soient en âge de raison, le père peut, en leur nom, stipuler des conditions pour leur conservation, pour leur bien-être, mais non les donner irrévocablement et sans condition; car un tel don est contraire aux fins de la nature, et passe les droits de la paternité. Il faudrait donc, pour qu'un gouvernement arbitraire fût légitime, qu'à chaque génération le peuple fût le maître de l'admettre ou

de le rejeter mais alors ce gouvernement ne serait plus arbitraire.

Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs. Il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout, une telle renonciation est incompatible avec la nature de l'homme; et c'est ôter toute moralité à ses actions que d'ôter toute liberté à sa volonté.

Enfin c'est une convention vaine et contradictoire de stipuler d'une part une autorité absolue, et de l'autre une obéissance sans bornes. N'est-il pas clair qu'on n'est engagé à rien envers celui dont on a droit de tout exiger? Et cette seule condition sans équivalent, sans échange, n'entraîne-t-elle pas la nullité de l'acte? Car quel droit mon esclave aurait-il contre moi, puisque tout ce qu'il a m'appartient, et que, son droit étant le mien, ce droit de moi contre moi-même est un mot qui n'a aucun sens?

Ainsi, de quelque sens qu'on envisage les choses, le droit d'esclavage est nul, non-seulement parce qu'il est illégitime, mais parce qu'il est absurde et ne signifie rien. Ces mots esclavage et droit sont contradictoires, ils s'excluent mutuellement; soit d'un homme à un homme, soit d'un homme à un peuple, ce discours sera toujours également insensé : « Je fais avec toi une convention toute à ta charge et toute à mon profit, que j'observerai tant qu'il me plaira, et que tu observeras tant qu'il me plaira. » Contrat social, I, Iv.

III.

Qu'il faut toujours remonter à une première convention.

Quand j'accorderais tout ce que j'ai réfuté jusqu'ici, les fauteurs du despotisme n'en seraient pas plus avancés. Il y aura toujours une grande différence entre soumettre une multitude et régir une société. Que des hommes épars soient successivement asservis à un seul, en quelque nombre qu'ils puissent être, je ne vois là qu'un maître et des esclaves; je n'y vois point un peuple et son chef; c'est, si l'on veut, une agrégation, mais non pas une association; il n'y a là ni bien public, ni corps politique. Cet homme, eût-il asservi la moitié du monde, n'est toujours qu'un particulier; son intérêt, séparé de celui des autres, n'est toujours qu'un intérêt privé. Si ce même homme vient à périr, son empire, après lui, reste épars et sans liaison, comme un chêne se dissout et tombe en un tas de cendres après que le feu l'a consumé.

Un peuple, dit Grotius, peut se donner à un roi. Selon Grotius, un peuple est donc un peuple avant de se donner à un roi. Ce don même est un acte civil; il suppose une délibération publique. Avant donc que d'examiner l'acte par lequel un peuple élit un roi, il serait bon d'examiner l'acte par lequel un peuple est un peuple, car cet acte, étant nécessairement antérieur à l'autre, est le vrai fondement de la société.

En effet, s'il n'y avait point de convention antérieure, où serait, à moins que l'élection ne fût unanime, l'obligation pour le petit nombre de se soumettre au choix du grand; et d'où cent qui veulent un maître, ont-ils un droit de voter pour dix qui n'en veulent point? La loi de la pluralité des suffrages est elle-même un établissement de convention, et suppose au moins une fois l'unanimité. Contrat social, I, v.

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Je suppose les hommes parvenus à ce point où les obstacles qui nuisent à leur conservation dans l'état de nature l'emportent par leur résistance sur les forces que chaque individu peut employer pour se maintenir dans cet état. Alors cet état primitif ne peut plus subsister, et le genre humain périrait s'il ne changeait sa manière d'être.

Or, comme les hommes ne peuvent engendrer de nouvelles forces, mais seulement unir et diriger celles qui existent, ils n'ont plus d'autre moyen, pour se conserver, que de former, par agrégation, une somme de forces qui puisse l'emporter sur la résistance, de les mettre en jeu par un seul mobile, et de les faire agir de concert.

Cette somme de forces ne peut naître que du concours de plusieurs; mais la force et la liberté de chaque homme étant les premiers instruments de sa conservation, comment les engagera-t-il sans se nuire, et sans négliger les soins qu'il se doit ? Cette difficulté, ramenée à mon sujet, peut s'énoncer en ces termes :

« Trouver une forme d'association qui défende et protége de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s'unissant à tous, n'obéisse pourtant qu'à lui-même, et reste aussi libre qu'auparavant. » Tel est le problème fondamental dont le Contrat social donne la solution.

Les clauses de ce contrat sont tellement déterminées par la nature de l'acte, que la moindre modification les rendrait vaines

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