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MONTRÉAL, 29 octobre 1896.

Présents: BoSSÉ, BLANCHET, HALL, WURTELE, OUIMET,

JJ.

C. N. ARMSTRONG (adjudicataire en première instance) appelant, & W. B. LAMBE (requérant folle enchère en première instance) intimé.

Procédure-Folle enchère-Adjudicataire-Titre du shérif— Enregistrement-Demeure—Art. 687, 688, 690 C. P. C.

JUGÉ (infirmant le jugement de la cour supérieure, Doherty, J.):—1. Lorsque le jugement accordant une requête pour folle enchère ordonne la revente de la propriété décrite au procès-verbal de saisie, et qu'il appert qu'une partie de cette propriété a été distraite de la saisie et n'a jamais été vendue à l'adjudicataire, ce jugement devra être mis de côté sur appel.

2. Lorsque le shérif a accordé un titre à l'adjudicataire constatant paiement du prix d'adjudication et que ce titre a été enregistré, la revente à la folle enchère de l'adjudicataire ne peut être obtenue tant que le titre du shérif n'aura pas été annulé.

3. (D'accord avec la cour supérieure). Il n'est pas nécessaire que le shérif mette l'adjudicataire en demeure de payer son prix d'adjudication ou de donner caution, s'il est créancier hypothécaire, avant qu'un intéressé puisse demander la revente de l'immeuble à sa folle enchère.

Appel d'un jugement de la cour supérieure à Montréal, en date du 26 septembre 1895, Doherty, J. Voici le texte de ce jugement qui a été infirmé par la cour d'appel.

"The Court having heard the opposant afin de conserver on his motion that the property seized and sold in this cause be re-sold at the folle enchère of the said adjudicataire, and having examined the proceedings and documents of record, and deliberated:

"Seeing that the said adjudicataire, Charles N. Armstrong, has become the adjudicataire of the property of the said defendant, the Great Eastern Railway, sold in this cause on the 2nd of June, 1894, by the sheriff of the district of Richelieu, the said mis-en-cause, under a writ of

'fieri facias issued out of the Court of Montreal, in this cause, for the sum of $20,000;

"Seeing that said adjudicataire has not paid the purchase price of said property, nor given security for the same, as required by law, and that it is alleged by said opposant, claiming to be paid of moneys arising from said sale and on behalf of Her Majesty the Queen the sum of $2,250, that he has no means of obtaining satisfaction of his said claim;

"Doth grant said motion and doth order the issue of a writ of venditioni exponas, in order that the property described in the procès-verbal of seizure herein may be re-sold at the folle-enchère of the said Armstrong, adjudicataire, and that the said adjudicataire may be held by contrainte par corps to the payment of all damages resulting from his default to pay the price of adjudication, and also to the payment of any loss resulting from the re-sale and the costs of these presents."

BLANCHET, J.:

L'appelant demande l'infirmation d'un jugement qui ordonne la revente à la folle enchère des propriétés de la voie ferrée appelée The Great Eastern Railway, dont il s'est rendu adjudicataire pour une somme de $20,000.

Il invoque d'abord deux moyens en droit.

Le premier, que l'intimé n'a pas suffisamment établi la qualité qu'il a prise d'opposant afin de conserver, sans laquelle il ne pouvait demander la folle enchère. Mais l'appelant oublie qu'il a négligé de contester la requête pour folle-enchère, dans le délai qui lui avait été accordé, et, qu'en l'absence d'une dénégation spéciale, l'allégué de l'intimé, qui pouvait d'ailleurs être facilement vérifié par la simple inspection du dossier ou du plumitif, constitue une preuve prima facie suffisante de la qualité prise par l'intimé.

Le second moyen est que le jugement de folle enchère. ne peut être prononcé que sur le rapport du shérif que l'adjudicataire n'a pas payé la totalité ou la balance de

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Armstrong

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Lambe.

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son prix d'acquisition, ou n'a pas donné caution, s'il y a Armstrong lieu (art. 690 C. P. C.), et que la requête de l'intimé allé

&

Lambe. Blanchet, J.

guant spécialement que le rapport du shérif ne constate ni l'un ni l'autre de ces faits et demandant de plus qu'il soit ordonné à ce dernier de faire un nouveau rapport en déclarant si, de fait, tel cautionnement a été donné, le tribunal devait, dans ces circonstances, se borner à accorder cette dernière partie des conclusions seulement.

Le dossier constate que la demande pour folle enchère a été signifiée à l'adjudicataire et au shérif avec avis qu'elle serait présentée le 15 juillet 1890, et le shérif, sans attendre l'ordre de la cour, a, dès le lendemain, produit au greffe un rapport supplémentaire constatant que, de fait, l'appelant n'avait ni payé ni donné caution. Il n'était donc plus nécessaire d'ordonner au shérif de faire un rapport supplémentaire qui était déjà devant la cour; et comme l'intimé alléguait que, de fait, l'adjudicataire n'avait ni payé ni donné caution-ce que ce dernier rapport établissait clairement-la cour pouvait ordonner la folle enchère tel que l'intimé le demandait.

L'appelant a aussi prétendu que le shérif éatit tenu de le mettre en demeure de payer ou de donner caution avant que l'intimé pût demander la folle enchère contre lui.

Cette objection n'est pas fondée.

La loi obligeait l'appelant de payer son prix d'achat dans les trois jours de l'adjudication (art. 687 C. P. C.), mais, comme il s'était porté opposant afin de conserver, il lui était permis de retenir le montant de sa créance jusqu'au jugement de distribution, en donnant le cautionnement exigé par l'art 688 C. P. C. Son obligatio n de payer étant absolue, et la faculté de retenir un montant égal à celui de sa réclamation étant optionnelle, c'était à lui à déclarer qu'il se prévalait ou non de l'avantage que la loi lui offrait, et il suffisait que le shérif constatât qu'il n'avait fait ni l'un ni l'autre pour être constitué en défaut et pour autoriser le tribunal à décréter la folle enchère. Art. 690 C. P. C.

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Lambe.

Au mérite, l'appelant soutient que le jugement ordonne la folle enchère pour le prix entier de l'adjudication, Armstrong tandis qu'il est constaté au dossier qu'il a payé les frais du shérif, les taxes municipales et scolaires, en tout plus Blanchet, J. de $1,200.

En effet, dans un de ses considérants, le jugement dit que l'appelant s'est rendu adjudicataire pour $20,000 et n'a pas payé son prix d'acquisition ni fourni le cautionnement requis par la loi, et dans son dispositif il ordonne que la propriété soit revendue à la folle enchère de l'adjudicataire et que celui-ci soit contraint par corps au paiement de tous les dommages résultant de son défaut de payer le prix d'adjudication et de toutes les pertes résultant de la seconde vente.

On pourrait peut-être dire que le shérif ayant constaté par son dernier rapport que l'adjudicataire n'a retenu entre ses mains que $19,046, ce dernier peut toujours se libérer en payant cette somme avec l'intérêt et les frais, et que le jugement ne liquidant pas les pertes et les dommages qu'il le condamne à satisfaire, il ne peut prétendre maintenant qu'il est condamné à payer une somme plus forte que celle qu'il devrait si la seconde vente avait eu lieu pour un prix moindre que la première. Mais il est évident que l'adjudicataire n'est pas tenu d'attendre, pour se plaindre, que ce jugement soit exécuté, et qu'il a droit de demander immédiatement qu'il soit reformé, conformément aux faits.

Le quatrième moyen de l'appelant est que le shérif lui ayant donné un titre enregistré, ainsi qu'il appert à la copie produite, et par lequel il est constaté que le prix d'adjudication a été payé, il est jusqu'à ce que ce titre soit mis de côté, propriétaire des immeubles qui y sont décrits et qu'un décret de folle enchère ne pouvait pas, dans ces circonstances, être rendu contre lui.

Il est vrai que l'art. 700 C. P. C., dit que l'adjudication n'est parfaite que par le paiement du prix, et que, dans le cas actuel, ce paiement appert, par le titre même du shérif, avoir été fait au moyen des débentures de la com

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Lambe.

pagnie défenderesse, sans qu'il apparaisse aucune autorArmstrong isation spéciale à cet effet. Il est aussi établi au dossier que le jugement qui a mis de côté un prétendu rapport Blanchet, J. de distribution qui avait colloqué l'appelant pour $19,046, ordonne au shérif de rapporter en cour les deniers prélevés par la vente, et que ce dernier constate que l'appelant a retenu, en conséquence de ce jugement de collocation, la somme de $19,046, acompte d'une plus forte somme que la compagnie lui devait comme porteur de débentures portant première hypothèque sur la propriété vendue.

Mais, d'un autre côté, ce titre, qui peut être entaché d'irrégularités ou d'illégalités non apparentes, a été enregistré et, en vertu de la loi, cet enregistrement opère la tradition des immeubles vendus et rend l'adjudicataire propriétaire vis-à-vis des tiers qui n'ont pas été parties à l'instance.

L'intimé a eu tort de ne pas faire annuler cet acte comme il a fait annuler les procédés adoptés dans le but de l'obtenir et la majorité du tribunal est d'opinion que cette objection est sérieuse et suffisante pour motiver le renversement du jugement.

La dernière objection de l'appelant est encore plus sérieuse. La requête demande et le jugement ordonne la revente des propriétés, telles qu'elles sont désignées au procès-verbal de saisie, mais sans en donner la description. Dans l'intervalle entre la saisie et la vente, un des immeubles mentionnés au procès-verbal, le no. 1217 du cadastre de St. Thomas de Pierreville, a été distrait de la vente. Le jugement ordonne donc, en réalité, que cet immeuble, qui n'a pas été vendu ni acheté par l'appelant, sera revendu à sa folle enchère, quoiqu'il ne puisse pas être forcé d'en payer le prix.

Dans le district de Québec, la pratique invariable est de décrire les propriétés au long dans la requête pour folle enchère.

Dans le district de Montréal on trouve deux décisions dans le même sens avant le code: Dickinson v. Bourque (cour supérieure), 4 L. C. J., p. 119 et Nye v. Potter, 5

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