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au nouveau Monaftére. Trois Rois de France, Philippe-Augufte, Louis VIII. & S. Louis font comptés parmi les premiers bienfaiteurs de la maifon, & plufieurs autres Seigneurs & Dames de la plus haute qualité, fur tout des Comtes de Montmorenci & des Comtes de Montfort: de forte qu'en 1233. les revenus furent trouvés fuffifans pour nourrir 60. Religieufes ; au licu que 20. ans auparavant il n'y avoit de biens que pour en entretenir 13. ou 14. S. Thibaud, (*) fils de Bouchard I. de Marli, Abbé des Vaux de Cernai, qui étoit de la famille des fondateurs de P. R. y établit un 3e. Chapelain, qui étoit comme les deux autres, Religieux des Vaux de Cernai.

Depuis ces premiers tems l'hiftoire ne nous apprend aucune particularité de cette Abbaye, jufqu'au fiécle dernier, où elle a eû tant d'éclat, foit par la grande édification qu'ont produite les vertus éminentes des Religieufes, foit par la fingularité des événemens qui l'ont donnée en fpectacle au Royaume & à toute l'Eglife, pour ainfi dire, & dont le dernier a été fa deftruction, telle que tout le monde la connoît. On trouve feulement dans le Nécrologe de cette Abbaye & dans l'Hiftoire abregée qui en a été faite, une fuite des Abbeffes qui l'ont gouvernée jusqu'à la Mere Angélique pendant près de 400. ans. Elles font au nombre de 28. parmi lesquelles fe trouvent des filles de la premiére condition.

Sur la fin du 16e. fiécle le Monaftére de P. R. comme beaucoup d'autres, étoit tombé dans un

* Il y avoit dans la cour de l'Abbaye un petit bâtiment très-vieux qu'on appelloit le Logis ou la Chambre de S. Thibaud; parce qu'on prétendoit que c'étoit-là que logeoit ce Saint, que quelques-uns difent avoir été Supérieur du Couvent,

11.

Angélique

Arnaud Ab

grand relâchement. La Régle de S. Benoît n'y étoit prefque plus connue : la Clôture même n'y étoit plus obfervée, & l'efprit du fiécle en avoit entiérement banni la régularité. L'ignorance de la Religion y étoit déplorable : il n'y avoit que deux ou trois Religieufes qui euffent reçu le Sacrement de la Confirmation, & ni cellesci, ni les autres ne fçavoient pas même ce que c'étoit. On n'y prêchoit jamais, finon aux Profeffions qui n'étoient pas fréquentes dans un Couvent de 12. filles. Les Confeffeurs Bernardins n'étoient pas mieux inftruits; ils n'avoient aucun autre livre que leur Breviaire, & paffoient le tems à chaffer. On communioit de mois en mois, & aux grandes Fêtes. La Purification. étoit exceptée à caufe du Carnaval, pendant lequel on faifoit des mafcarades. C'eft la Mere Angélique elle-même qui rend témoignage de tous ces faits. Les Religieufes ufoient de linge empefé, laiffoient paroître leurs cheveux bien foignés, portoient des gans, des mafques, &c. à la maniére des Dames du monde. Tel étoit l'état de la maifon, lorfque la Mere Angélique Arnaud y entra avec le titre de Coadjutrice, puis d'Abbeffe, dans un âge & par des voies qui affurément n'auroient pas fait efpérer que Dieu voulut fe fervir d'elle pour les grandes chofes que nous verrons dans la fuite.

M. Marion, Avocat général, qui avoit maIrié fa fille à M. Arnaud, célébre Avocat du Parbelle de P. R. lement, obtint du Roi Henri IV, les Abbayes à l'âge de 9. de P.R. & de S.Cir pour deux de fes petites filles,

ans.

fçavoir, Jaqueline Arnaud, qui eft la Mere Angélique, & JeanneArnaud qui eft laMere Agnès, Jaqueline l'aînée ne fut d'abord que Coadjutrice de P. R. l'Abbeffe étant encore vivante; & Jeanne fut nommée Abbeffe de S, Cir. Jaqueline

n'avoit alors que huit ans,& Jeanne fix; la premiére étant née en 1591. & la feconde en 1593. & toutes les deux ayant cû leur nomination en 1599. Ce qui nous choque à préfent, ne choquoit pas alors, parce que les abus étoient devenus fi communs, qu'on n'en étoit plus frappé. Une irrégularité auffi marquée n'en demeura pas à la fimple nomination. La prife d'habit de l'aînée fe fit tout de fuite à l'Abbaye de S. Antoine de Paris, avec une grande folemnité. Celle de la cadette fut remise à l'année suivante 1600. Elle fe fit à S. Cir avec le même éclat. La même année 1600. Jaqueline Angélique fit fa profeffion folemnelle, âgée de 9. ans, & elle fut bénite Abbeffe par un Abbé de Cîteaux 2. ans après en 1602. n'ayant que onze ans. On avoit accufé faux dans la fupplique en Cour de Rome pour les Bulles. On l'avoit dite âgée de 17. ans. On avoit encore fait une autre tromperie. Les Bulles ayant été d'abord refusées à Rome, parce que la fuppliante n'étoit que Novice; on en redemanda d'autres après fa profeffion fous un autre nom, fçavoir fous le nom d'Angélique, qu'on lui avoit fait prendre dans la Confirmation, au lieu de celui de Jaqueline qu'elle avoit dans la premiére fupplique."

Six femaines après fa prise d'habit en 1599. on l'avoit retirée de S. Antoine, & on l'avoit mife avec fa fœur à S. Cir où celle-ci étoit déja, afin de les y faire élever toutes deux. Elles reftérent ensemble un an, & fe firent finguliérement aimer de toute la Maifon. La mere Agnès qui étoit la cadette, s'est souvent reproché pendant fa vie un petit trait d'orgueil qui parut alors en elle. Les deux petites Abbeffes ayant quelquefois enfemble des querelles d'enfant, un jour la cadette, Abbeffe de S. Cir,dit à fa fœur aînée,

qu'elle n'avoit que faire qu'elle fut dans fa maifon; qu'elle fçauroit bien l'en chaffer quand il lui plairoit.

Au bout d'un an on retira l'aînée de S. Cir, & on la mena à Maubuiffon où elle fit profeffion en 1600. comme je l'ai dit. Elle avoit été confirmée à Amiens dans un voyage qu'y fit Madame d'Etrées Abbeffe de Maubuiffon, qui y avoit mené avec elle la jeune Arnaud. Elle demeura 2. ans à Maubuiffon, & fut bénite Abbeffe à P. R. en 1602. ( comme je l'ai auffi rapporté,) auffitôt après la mort de la Dame de Boulehart, derniére Abbeffe dont elle étoit Coadjutrice. Le même jour elle fit fa premiére Communion,fans avoir reçu aucune instruction convenable. Il arriva feulement par hazard qu'un pauvre Savetier, voifin du Couvent, lui donna un petit livre de prières qu'elle fe mit à lire tout le tems qui précéda la Communion. Elle le fit avec tant d'attention qu'elle ne remarqua pas même la plus grande partie de ce qui fe paffoit dans l'églife, qui étoit pleine de monde & de mouvement. Elle a dit elle-même qu'elle fentit dans cette premiére Communion une impreffion très-vive de la préfence de Dieu, nonobftant qu'elle eut alors fi peu d'inftruction. Avant que la jeune Abbeffe fut bénite, elle avoit déja reçu à Profeffion une Novice, la four Catherine de S. Paul Goulas. Tout le monde qui affifta à la cérémonie, admira la gravité avec laquelle cette petite Abbeffe de onze ans conduifoit une Novice de 17, qui étoit fort grande de corps. Henri IV. vint un jour à P. R. à l'occafion d'une chaffe qu'il faifoit dans ces quartiers, parce qu'il avoit fçu que M. Arnaud, qu'il eftimoit fort, étoit alors dans la maison. S. M. fut très-contente de la réception que lui

fit la petite Abbeffe de onze ans avec toute fa Communauté, la Croix à la tête. Et le lendemain le Roi paffant encore par les hauteurs de P. R. & ayant apperçu des Religieufes aux fenêtres qui donnent fur le Jardin, il cria: » Le "Roi baife les mains à Madame l'Abbeffe. »

دو

III.

Comment

neffe à. P. K

Deux ou trois ans fe pafférent pendant lefquels la jeune Abbeffe ne fongcoit qu'à fe divertir comme un enfant de fon âge. C'étoit la Angélique Mere Prieure Du Pont qui gouvernoit la mai- paffe fa jeu. fon. Cependant Madame Arnaud avoit toujours quelqu'inquiétude fur fa fille. Elle craignoit qu'à la fin il n'arrivât quelque dérangement, fuite ordinaire de la trop grande liberté qu'on donne à une jeune perfonne. Sa crainte n'étoit pas fans fondement, vû l'état de cette petite Communauté, qui étoit très-exposée, mê. me pour les mœurs, n'y ayant aucune clôture, & plufieurs Séculiers ne bougeant de la maifon. Madame Arnaud dans le fejour qu'elle y fit, y connut un défordre très-criminel dans la plus ancienne des douze Religieufes dont la inaifon étoit compofée. M. & Madame Arnaud obtinrent de l'Abbé de Cîteaux que la coupable fut transférée dans une autre maison. D'ailleurs Madame Arnaud n'ignoroit pas que lesReligieux Bernardins qui fervoient la maison, n'entretenoient les Religieufes, furtout les jeunes, que de fottifes, & ne leur parloient que des amufemens de Clairvaux & de Cîteaux, qu'ils appelloient les bonnes coutumes de l'Ordre. Auffi fa follicitude maternelle & chrétienne faifoit qu'elle venoit fouvent de Paris fans être attendue. Elle a eu la fatisfaction de ne furprendre jamais fa fille en rien qui put lui déplaire. En effet les fentimens d'honneur héréditaires dans fa famille, joints à une certaine crainte de la mort &

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