l'aveu qu'il fit lui-même en dînant avec Defpréaux & le Duc de Vitry chez le Comte de Brouffin. Il devoit lire, à ce dîner, quelques morceaux de fa Traduction libre de Lucrèce; mais il s'en excufa, dans la crainte de paroftre moins digne des louanges qu'il venoit de recevoir de fon ami, dans fa feconde Satire; il aima mieux faire la lecture du premier acte du Mifantrope, auquel il travailloit alors, mais en prévenant encore fes auditeurs qu'ils ne devoient pas s'attendre à des vers auffi parfaits & auffi achevés que ceux de Defpréaux, parce qu'il perdroit trop de temps s'il vouloit les travailler autant que lui. Molière & Racine étoient brouillés lorfqu'on donna le Mifantrope. Les amis du dernier de ces grands hommes l'avoient forcé de retirer fon Alexandre du Théâtre du Palais Royal, pour le porter à celui de Bourgogne, où cette Tragédie eut en effet, plus de fuccès. C'étoit un dégoût pour Molière & pour fa Troupe, qui, d'ailleurs perdit, à cette occafion, la meilleure de fes Actrices; mais, le réfroidiffement que produifit cette tracafferie théâtrale, n'empêcha jamais ces deux génies de fe rendre juftice. Quelqu'un étant venu chez Racine le lendemain de la première représentation du Mifantrope, lui dire que la pièce étoit tombée, que rien n'étoit plus froid: retournez-y, répon 'dit le Poëte tragique, examinez-la mieux: il eft im poffible que Molière ait fait une mauvaise pièce. Quelque nobleffe qu'il y ait dans ce procédé de Racine, Molière eft encore plus étonnant, lorfque deux ans après, voyant le mauvais accueil du public pour les Plaideurs, il dit tout haut en fortant: cette Comédie eft excellente, & ceux qui s'en moquent mériteroient qu'on se moquât d'eux. Molière approuvoit alors un homme qui fembloit vouloir courir la même carrière que lui, & qui s'y prenoit assez bien pour lui annoncer un rival redoutable. Il faut obferver que depuis l'Amour Médecin jufqu'au Mifantrope, il s'étoit paffé neuf mois fans que Molière eût rien fait paroître, mais que la fufpenfion des fpectacles à la mort de la Reine, en avoit été la caufe. BASQUE, valet de Célimène. UN GARDE de la Maréchauffée de France. DUBOIS, valet d'Alcefte. La Scène est à Paris, dans la maifon de Célimène. : |