& un tres-excellent antidote contre laPefte,& ce qui ne fe peut affés admirer,c'est que les Païfans y trouvent un Almanac infaillible, non feulement quand elle tire encore sa nourriture de la terre, mais mémes l'ayant arrachée & tranfportée en leurs maisons, où ils ont de coûtume de l'appliquer toute entiere contre quelque muraille : qu'elle foit fi feiche que l'on voudra, & vicille de plufieurs années, c'eft une chofe infaillible & que j'ay mille fois experimentée, que s'il doit pleuvoir, un jour ou deux auparavant, les feuilles qui environnent cette pomme, le ferment comme une bourie ou comme la main & la cachent toute, comme à l'oppofite fi le tems fe doit remettre au beau elle s'épanouit, fe dilate & fe découvre entierement. Tous ces Vallons, Collines & Montagnes, font parfemées d'admirables Fontaines vives: & toutes les Rivieres abondantes feulement en truites poiffons excellens ; & quelques perches. Or afin que l'on fache que ni le Pré du Tour, ni la Communauté d'Angrogne n'ont pas été de tous tems les feuls azyles de l'arche de l'Eternel, mais qu'en toutes les autres Vallées il y a auffi eu divers lieux aufquels Dieu a fait le méme honneur, le Lecteur apprendra que dans la Vallée de Lucerne, tout le Vallon, ou la Communauté de Roras qui contient encore maintenant une des Eglifes des Vallées, a toûjours eu le méme avantage, comme auffi la Communauté de la Tour, le pais qui fe trouve depuis le pont de S. Marguerite en haut, & particulierement les Vallons nommés le Taillaret, li Bonnet, & li Chabriol. C'eft auffi en cette méme Communauté, fur une pointe de la Montagne de Vandelin, où se void encore une merveilleufe trace de la retraite, que l'Autheur de la nature y avoit preparée pour mettre fes Enfans à couvert de toute la rage & la furie de leurs ennemis, dans les plus-grandes extremités, & comment ces pauvres fideles s'en font prevalus: C'eft une grande Caverne en un entre-deux de la Merveilleu Montagne ou plustôt du Rocher de Vandelin, toute taillée dans le Rocher, & par la fe caverne. nature, & par l'art, à peu prés ronde & voutée en forme d'un four, fifpacieufe qu'el peut contenir 300. ou 400. perfonnes: méme il y a des fentes dans le Rocher qui fervent de feneftres & fentinelles tout enfemble,il y a quelques chambres, une grande : Fontaine, & mémes quelques arbres & un four pour cuire du pain, & de plus l'on y voit encore des pieces d'une maits à pétrir extremement vieilles, & des pieces d'ar moire: il eft abfolument impoffible d'y entrer que par un feul trou par le haut: on n'y peut devaler qu'une feufe perfonne à la fois, qui fe coule par cette fente, par des petits degrés,coupés dans ce Rocher, de forte qu'une feule perfonne y eftant dedans, Teulement avec une picque ou hallebarde, fe peut defendre contre un armée toute le entiere. Or comme il fe rencontre auffi plufieurs autres belles grandes cavernes dans ces Vallées, qui fouvent ont fervi de retraite à ces pauvres gens, & où ils retiroient fur tout leurs Femmes & Enfans, durant les plus-grandes perfecutions, comme la Colombe du Cantique des Cantiques dans les fentes des Rochers, & que les Barbes ou Pasteurs les y vifitoient, & méme que bien fouvent, ils y ont prêché & adminiftré les SS. Sacrements, comme ils l'ont auffi par fois fait parmy les Bois & autres lieus écartés, c'est de-là que leurs malicieus perfecuteurs ont pris occafion de les accufer d'y commettre toutes fortes de faletés : ce qui foit remarqué en paffant. En la Communauté du Villar, les mémes avantages ont eu les lieus de Val Guicchard, & la Combe: tous les Vallons de celle de Boby, fur tout la Comba di Carbonniers, de Julian, & de Villeneuve, & les Collines de la Sarcena, le Poy, le Pontet, & quelques autres: dans la Vallée de Peyrouse, le grand Diblon, le Taluc, Balmats, Cofta bella, & le Pevi. Et dans celle de S. Martin toutes les branches & Vallons fitués vers le pont de Ra bious en haut, fur tout Macel, Salfe, Rodoret, & Prals, où fe trouvent encore divers monumens de ces antiquités,& mémes à la Duchira, & aux autres endroits de la Combe ou Vallon du Faët ; ce qui a efté fi bien réconnu & avoué de tous tems par la Cour de Turin,que le Duc Emanuel Philibbert, par le méme Edit par lequel aprés les cruelles guerres qu'il leur a faites deux ans de fuite és années 1660. & 1661. en leur laiffant la liberté d'habiter par tout le Piémont, mais les y privant de tout exercice public de la Religion, il le leur accorda neantmoins és lieux fus-dits, & méme en toute l'éten due de la Communauté d'Angrogne, de Roras, & de Boby, & par toutes celles de Villar & de la Tour, excepté dans la plaine és deux Bourcs fus-dits: par toute celle C de Vallées. de S. Martin és Communautés & Vallons fus-nommés & en tous les autres lieux pa reillement fus-mentionnés de la Vallée de Peyroufe, & méme aux lieus des Godins en la Communauté de Rocheplatte, entre les Vallées de Lucerne & Peyroufe, pour cette feule raifon que quant à ces lieux-là ils avoient toûjours été Luoghi foliti da farnifi Prediche congregationi & altri minifteri della loro Religione, lieus où ils avoient accoûtumé de faire les préches, les Congregations (c'eft le nom qu'on a de tous tems donné à leurs Synodes) & autres minifteres de leur Religion, comme parle cét Edit. Je puis méme affeurer avoir eu en ma Bibliotheque, devant les maffacres, & incendies de l'an 1655. des actes de vieux Synodes, par lefquels il conftoit qu'il y avoit de ce tems-là beaucoup plus-grand nombre de Paiteurs & Miniftres dans les Vallées : ils faifoient mention des Pafteurs de Rødoret, de Macel, & de Faët en la Vallée de de S.Martin: du Taluc ou grand Diblon,de S.Germain ou Balmas en la Vallée de Peyroufe: de Revangie, Taillaret ou Bonnet, du Bezze, de Val Guicchard, & de la Combe des Charbonniers ou Val Lucerne, tous lieus maintenant annexés & incorporés aux autres cy-aprés nommés; ce que j'eftime eftre provenu fur tout de la pauvreté des peuples, & de l'impoffibilité, à caufe de la furcharge des tailles, de continuer à entretenir tant de Pafteurs. Je ne décris pas la belle & grande Vallée de Clufon, contigue à celle de Peyrouse & S. Martin, où de tout tems a efté de méme confervée & l'elt encore, par la grace de Dieu, la verité de l'Euangile, comprenant fix belles & fleuriffantes Eglifes, fans autre mêlange de Catholiques Romains que d'un Preftre demeurant à Mantoules, & ne celebrant la Meffe qu'à fon Clerc ou à quelques paffans, fi ce n'eft depuis peu que le Confeil de extirpandis hæreticis à niché des fefuites à Feneftrelle, par ce que par la grace de Dieu, à l'abri des Rois de France elle n'a pas fouffert les horribles perfecu tions par où ont paffé fes voifins: Dieu l'ayant voulu épargner comme celle de Quei ras du colté de la Vallée de Val Lucerne, pour fervir d'azyle aux difperfés des Vallées qui dépendent du Duc de Savoye. 14. Eglifes Il y a encore quatorze floriffantes Eglifes en ces trois Vallées de Piémont: 1. Celle reftantes és de la Communauté de S. Jean qui avoit pour annexes, les Communautés de Bubbiane, Fenil, Lucerne, Campillon & Garcillane, mais depuis les maffacres de l'an 1655. ces annexes ne font plus: 2. celle d'Angrogne: 3. de la Tour: 4. du Villar: 5. de Bobbi: 6. de Roras: aufquelles eftoit jointe celle de Rocheplatte comprenant les Communautés de S. Bartelemi & Prarultin, & ces 7. Eglifes compofent encore une Claffe ou Colloque, appellé le Colloque de la Vallée de Lucerne, celle de Villar, & de S. Germain, jointes enfemble en la Valleé de Peyroufe, & celle de Pramol, celle de Pinafche & celle de la Chapelle,comprenant les Communautés du Pomaret & du Mean : ences 3. Eglifes les Pafteurs demeurent fous le domaine du Roy, quoy que partie de leurs Eglifes foient fur les terres du Duc de Savoye; par ce que par l'accord fait par ce Prince avec le Roy de France l'an 1633. qu'il s'eft retenu la moitié de cette Valléelà, pour avoir le paffage libre en fa Ville de Pinerol, fut arrefté que l'on n'innoveroit rien pour ce qui regarde l'Ecclefiaftique: de forte que les 3. Pafteurs qui les fervent, ne laiffent pas d'eftre membres du Synode des Vallées, & ne peuvent inéme estre du Synode du Dauphiné qui eft de France. En la Vallée de S. Martin font, l'Eglife de Ville feiche à laquelle fe rapportent les Communautés de Faët, Riuclaret, S. Martin, Bovil & Traverfe, & celle de la Maneille, à laquelle fe rapportent les Communautés de Macel, Salfe & Chabran : En fin celle de Prals à laquelle fe rapporte la Communauté de Rodoret. Et ces autres fept Eglifes, affavoir les 4. de la Vallée de Peyroufe avec les 3. de celle de S. Martin, compofent un autre Claffe ou Colloque, appellé le Colloque de Val Peyrouse & S. Martin: & de ces deux Colloques fe forme leur Synode ou Congregation generale, comme ils parlent, qui leur fert de Synode National ou de Concile, n'y ayant aucun appel de ce Synode à aucun autre. D'ancienneté les Eglifes de la Vallée de Clufon ou Pragela (qui eft encore Cifalpine) & celle de Queyras (Tranfalpine) comme elles ont de tous tems profeffé la méme Religion, avec celles des fus-dites Vallées de Piémont, ne compofoient qu'une méme Congregation ou Synode avec elles, comme de fait le Diocefe de Turin, fous le quel font celles des Vallées de Piémont, s'eftend encore jufqu'au Mont Genevre, au delà de la Vallée de Sefane, & cela a continué tant que toutes les Vallées ensemble ont ont été fous la Domination de la France, mais en fin les Ducs de Savoye en estant devenus les Maistres, n'ont plus voulu fouffrir cette communication. J'aurois encore à faire la description du Marquizat de Saluffes, & particulierement des Vallées & Collines de ce Marquizat, qui ont de méme fort long tems efte comme une petite Gofcen dans l'Egypte : & de la Vallée de Sufe où font les Vallées de Meane & Mathias, où de tems immemorial a auffi efté miraculeusement confervé un confiderable lumignon qui n'a jamais pû eftre tout à fait efteint jufqu'environ l'an 1603. que Charles-Emanuel, Pere-Grand de Charles-Emanuel aujourd'huy par la grace de Dieu regnant, par les Edits dont mention eft faite en cette Hiftoire, les en déchaffa du tout. Et ce d'autant plus que tous les Vallons tant du Marquizat de Saluces que de la Vallée de Sufe,qui font auffi de l'ancienne Lombardie, Gallia Cifalpina,ou du Piémont peuvent encore eftre entendues fous le nom des Vallées de Piémont, mais parce que le Chandelier en eft maintenant du tout ofté, je me contenteray de remarquer que les Eglifes y recueillies n'eftoient confiderées que comme des nourriffons de celles des Vallées fus-dites de Lucerne, Peyrouse, S. Martin & Pragela, qui leur fourniffoient presque tous leurs Pafteurs : & que le Lecteur ne les peut non plus toutes trouver dans la Carte des Vallées mife au frontifpice de ce Livre, comme en eftant, au moins celle de Meane & Mathias, trop efloignées & deftachées par des intervalles affés confiderables ; nous en pourrons donc dire un mot dans le deufiéme Livre de cette Hiftoire, quand nous parlerons des funeftes perfecutions qui les ont fi cruellement harcellées qu'elles en ont enfin tout à fait banni ou exterminé tous les Proteftans auffi bien que de toute la Cicile, Calabre, Pouille, du Royaume de Naples, & d'autres lieus d'Italie, où ils avoient miraculeusement fubfifté par plufieurs fiecles. Nombre des Je ne feray qu'ajouter en cét endroit, pour ce qui regarde le nombre des habitans des fus-dites Vallées de Piémont,qu'il n'eft rien de ce qu'en dit Giouanni Botero Benefe, habitans. en fon Livre intitulé Relationi Vniverfali, imprimé à Venize l'an 1639. affurant que la Vallée de Lucerne feule, fait vint-cinq mille perfonnes, dont cinq mille feulement font profeffion de la Religion Romaine, tous les autres étans heretiques, comme il les nomme, car ni toute la Vallée n'a pas 25000. perfonnes, ni prés de là, ni ceux de la Religion ni font qu'environ la moitié de ce qu'il dit, quoy que cét Auteur ajoûte qu'il croit que depuis le tems que le Conneftable l'Efdiguieres fe faifit des Vallées, ils s'y foient encores multipliez de beaucoup, parce (dit-il) qu'en ce tems là les foldats prenoient le tres-Saint Sacrement en leurs mains, & l'alloient porter de tous coftés, s'écrians, qui eft ce qui veut achetter fon Dieu? Gazettes & impostures qui ne font en ce Païs là que fraudes pieuses, & meritoires, & qu'on verra fouvent renouvellées en cette Hiftoire. Les Vallées de Peirouze & S. Martin, ne contiennent pas auffi plus de perfonnes de la Religion que Val Luzerne, à fçavoir de fept à huict mille perfonnes: en ayant moy méme fait faire des rooles bien exacts au fujet des diftributions des Charités qui leur ont efté faites aprés les maffacres, qui fe devoient diftribuer par tefte. Dans toutes les dites Vallées de Piémont, on ne fauroit pas trouver plus de quatre à cinq mille hommes, capables de porter les armes, encore dans tous les prodigieus Combats dont nous vous parlerons dans le 2. Livre, ils n'ont jamais pû faire leur armée ou camp volant, comme nous le nommons, de plus de 1500. ce qui méme n'eft arrivé qu'une ou deux fois tout au plus, la plus-part du tems n'ayant efté que d'environ la moitié, les autres eftans neceffaires pour garder chacun fa propre Vallée ou Communauté. De forte qu'on verra qu'en verité & à la lettre ils n'ont pas feulement & fouvent experimente la promeffe du Chap. 26. du Levitique, Cinq d'entre vous en poursuivront cent, cent en poursuivront dix mille, & vos ennemis tomberont par l'efpée devant vous : mais méme par fois celle de Deut. 32, un en poursuivra mille, & deux dix mille. CHA P. II. De la vraye Origine du nom de Vaudois, & pourquoy dans toute cette Hiftoire, I Et ce d'autant plus qu'il faut avouer, à la gloire de celuy qui s'appelle le Pere de la Moiffon, comme le Pere des lumieres, que de tous les Paiteurs qu'ont jamais eu les Vaudois, depuis Claude Archevefque de Turin & des Vallées, qui le premier com mença à les détacher de la communion de Rome, fur la fin du huitiéme fiecle, comme nous le remarquerons exactement au Chap. 20. de ce Livre; Il ne s'en eft point Valdo fut le trouvé de fi remarquable que ce Valdo. 1. En la Vocation. 2. En fa Doctrine. 3. En plus fignalé des Pasteurs fes Moeurs. 4. Ni dans les merveilleus fuccés des fruits de fon Miniftere. Comment Jon tems. tion. Vaudois de Car I. pour fa Vocation, les Hiftoriens remarquent que fe divertiffant un foir aprés 1. Erard fouper, avec bon nombre de fes amis, l'un d'entr'eux, au plus fort de fes paffetems, de fa voca- ayant juré Dieu, tomba roide mort à terre, & que cet accident fi funefte & fi furpre nant, fut cause que dés lors méme ce Valdo ne penfa plus qu'au falut de fon Ame, ayant pris une fainte & conftante refolution de détacher entierement toutes les affections de la terre, pour les tranfplanter dans le Ciel, & vivre ce qui luy reftoit de vie en terre, comme un vray concitoien des Saints, fidele Domestique de Dieu, & vray 2. à l'Egard imitateur de la vie des Saints Apôtres. II. Que pour pouvoir parvenir à ce bon but, de la Do- il s'appliqua tout entier à l'étude des S. Efcritures, en fit traduire, ou, comme l'affirment quelques uns, qui nous affurent qu'il étoit Docte és Langues, en traduifit luy méme plufieurs des principaux livres, y joignant quantité de témoignages des Peres: puiffamment aidé & facilité dans ce S. Oeuvre, par les Efcrits des Albigeois de Provence, procedês de Piémont, qui déja devant luy avoient formé un corps d'Eglifes bien confiderable, dont la Doctrine s'eftoit étendue en divers autres endroits de la France, & particulierement dans Lyon mêmes, comme nous en ferons foy dans la fuite de cette Hiftoire. &rine. Si bien que s'étant acquis une tres-grande lumiere, en la connoiffance des S. Efcritures, & des Efcrits des Peres de la primitive & plus pure Antiquité, il commença à faire de fa maifon une vraye Bethel, & une vraye Bethlem tout enfemble, une Maison de Dieu, & une Maifon de Pain, où il diftribuoit le vray Pain Celeste à un nombre innombrable de pauvres Ames affamées & alterées de juítice, qui en fin fe multiplians grandement l'obligerent à précher dans les places publiques, qui fe trouvoient changées en Temples, bien fouvent plus remplis d'Auditeurs, que les plus-fameufes Eglifes de la Ville. Et là il ne craignoit point de prêcher & prouver par les Efcritures que Eglife Romaine avoit malheureusement abandoné la Foy de Jefus Chrift, que c'estoit la grande Paillarde de la Babylone de l'Apocalypfe,le figuier fterile que Chrift avoit maudit: Que le Pape n'étoit point le Chef de l'Eglife, que la Moinerie Papale n'étoit qu'une Cha rogne rogne puante, & leurs Voeux la Marque de la Béte, que le Purgatoire, les Meffes, l'Invocation des Saints, les prieres pour les morts, n'estoient qu'inventions des Diables for gées par l'avarice des Ecclefiaftiques. III. Ses mœurs étoient fi revenantes à une Doctrine fi Sainte, que prefque tous 3. à l'Egard de fes les Averfaires luy rendent le témoignage d'une charité & pieté tout à fait fans exem-Mars ple,dans des fiecles fi corrompus,ayant expofé tous fes biens(quoy qu'il fut fort riche) pour le foulagement des pauvres, & fecours des affligez; Bref,il menoit une vie tout à fait irreprochable; confeffion des Averfaires que l'Hiftorien Boxhornius ne peut affez admirer en fon Hiftoire Universelle fur l'an 1159. difant que quoy que ce Valdo eut of publiquement condamner & reprendre les vices de l'Ordre Ecclefiaftique, qui corrompoit autant la verité de la Doctrine, qu'il étoit aliené de la fainteté de la vie, fi eft ce que fes Averfaires rendoient bon témoignage à la fainteté de fa vie & à sa vertu. IV. C'eft pourquoy Dieu benit tellement fon Ministere, que ni la rage du Clergé de Lyon, 4. à l'Egard ni la puiffance de Jean de Belle-Maifons, Archevéque & Gouverneur de la Ville, pûrent jamais empécher le progrés : Que fi enfin les foudres du Vatican l'obligerent à changer de place, non feulement cette fainte femence ne pût jamais étre tellement étouffée dans cette grande Ville, qu'elle n'y ait toûjours germé & glorieufement fructifié, fi bien qu'encores aujourd'huy une belle & fleuriffante Eglife s'en affamble à Quevilli, lieu accordé par les Edits, pour l'exercice de la Religion Reformée, aux habitans de Lyon. de fon Min'en niftere. Mais la toute fage & mifericordieufe providence,s'eft voulu fervir du déchaffement Fruits de la de ce Valdo de Lyon, & de la plus-part de fes Difciples, qui fouffrirent avec joye la des vaudois difperfion perte de leurs biens, & le banniflement de leur Patrie, pour suivre l'Agneau par tout où de Lyon. il va, preferans la Croix de Chrift à tous les avantages de la terre, comme il fe fervit autre-fois de la difperfion qui fuivit le martyre de S. Eftienne, pour femer l'Euangile prefque par tout le monde Chreftien ; fi bien que comme la rejection des Juifs, fut jadis la richeffe du monde, de méme l'exil de ces pauvres de Lyon, comme on les nommoit, & de ce Valdo, a veritablement été la richeffe de la Picardie, des Païs-bas, de l'Allemagne, de l'Angleterre, de la Pologne, Moravie, & Boheme (où enfin alla mourir Valdo,aprés avoir quelque tems fejourné és Païs-bas & en Allemagne) & a de beaucoup augmenté les Eglifes déja formeés en Languedoc & Provence: mais fur tout és Vallées, tant du Dauphiné que de Piémont, & fourni dequoy envoyer des Colonies en la Pouille, Calabre, & autres lieux d'Italie. do. Je dis donques que Dieu ayant voulu faire de fi grandes chofes par ce Valdo, & Pourquoy par fes Difciples, ce n'eft pas de merveille, fi non feulement on a nommé Vaudois, l'on a cru & fes Difciples, & tous ceux qui ont embraffé la méme Doctrine: mais mémes que la eve que les Vau plus-part des Hiftoriens s'en font tenus là, fans s'informer fi ce mot de Vaudois ne ve-noient que noit point de plus-loin, comme aujourd'huy on ne parle plus ni des Huffites, ni des du dit ValZwingliens, &c, quand on veut fignifier des Chreftiens feparés de la Comuunion de Rome: ils ne font plus connus que fous les noms de Lutheriens, ou de Calvinistes, comme fi depuis que ces deux grands flambeaux ont refplendi dans le monde, ils avoient obfcurci toute la lumiere de ces belles lampes, qui avoient long tems auparavant fi glorieusement éclairé tant de lieus obfcurs. do. Je diray donc en bon Vaudois, que je fuis, ce que je fçay du nom de Vaudois, aprés Les Vaudois quoy face le Lecteur tel jugement qu'il luy plaira de fon origine, fi faudra-t'il qu'il devant Valreconnoiffe, que fi les Pais qui ont receu le divin tréfor de l'Euangile de ce Valdo, ou de fes Difciples, ont avec eux pris de Luy le nom de Vaudois, cela n'empéche point, non feulement que la Doctrine de Valdo ne fubfiftat, & méme fleurit auparavant dans les Vallées, & ailleurs, mais mémes que ceux qui la profeffoient, ne fuffent notoirement & generalement connus fous le nom de Vaudois. Certainement ils furent bien connus, voire condamnez fous le nom de Vaudois, de-Premve tivant ce Valdo, puifque Nicolas Vigner en fon Hiftoire Ecclefiaftique rapporte fur l'an rée de Nico Las Vigner, 1214.qu'en cette année-là furent brulez fept Vaudois de Provence, outre plufieurs autres du Pais d'Agenois, Perigeux, Limofin, Quercy, Rovergne, &c. Déquels cent ans auparavant étoit fortie l'herefie Albigeoife. Il faut donc bien de toute neceffité, que déja dés l'onziéme fiecle, la Doctrine des Vaudois eut été en grande vogue, & fes Sectateurs bien connus fous le nom de Vaudois, veu que dés le commencement du douzième, à fçavoir l'an 1114. en étoit déja fortie, & s'eftoit étenduë en tant de lieux, |