Prouvant Proteftans Certainement, fi nos Vaudois ûffent efté infectés de ces puantes Herefies, & s'ils Et de la Po avoient efté des Arriens, ou des Manichéens &c. Comment eft ce que Monfieur de pere la Popeliniere, en fon Hiftoire de France tom. 2. imprimé l'an 1581. fol. 38. & 245. que la Reli nous affeureroit que la religion des Anciens Vaudois eftoit fort peu differente de celle que son des tiennent aujourd'huy les Proteftans. Et qu'il en confte par plufieurs fragmens & monu- eft la méme mens écrits en leur propre langue (ce qui ne fert pas peu à confirmer l'authorité des ma- que celle des nufcrits dont nous avons recueilli leur Doctrine) & méme par une dispute folemnelle de Vaudois. M. Arnolt, Miniftre de Lombardie, contre l'Evêque de Pamier (ce Miniftre de Lombardie étoit dés Vallées de Piémont,le Piémont étant de l'Ancienne Lombardie)dont les actes fubfiftent encore jufqu'à ce jourd'huy, & fe trouvent couchés en une langue qui Semble plûtôt la Catalane que la Françoife: voire plufieurs m'ont assuré (adjoûte cet Hiftorien) qu'ils ont affurement veu leurs Articles de Foy gravés fur des vieus marbres, qui Je trouvent en la Ville d Albi, & qu'ils font conformes à ceus des Proteftans. Anciens Ce qui s'accorde fort bien avec ce dont nous affure Monfieur le President de Thou, Et deThuaau l. 5. de fon Hiftoire, fur l'an 1550. où aprés avoir dit des Vaudois des Alpes, & par " confequant particulierement de ceus des Vallées, qu'ils enfeignent que l'Eglife Romaine eft la grande paillarde, parce qu'elle a renoncé à la Foy de Chrift; qu'il ne faut point obeir au Pape, ni au Clergé Romain, qui fomente les erreurs : Que la vie Monaftique eftoit vaine, ne fervant qu'aus amours infames des jeunes guarçons: Que le feu du Purgatoire, le facrifice folemnel ou la Meffe, le culté des Saints, les Prieres pour les morts, font des inventions du Diable &c. il adjoûte: his præcipuis ac certis eorum Doctrine capitibus, alia funt afficta de conjugio, refurectione, anima ftatu poft mortem, & de cibis, c'est à dire, outre ces principaus & affures articles de leur Doctrine, on en a feint, ou inventé d'autres qu'on leur a imputés, touchant le mariage, la refurrection, l'eftat des ames aprés la mort, & touchant l'usage des viandes, &c. Il ne pou voit rien dire de plus expres pour les purger de l'Herefie, fur tout des Manichéens, pourquoy qui neaumoins eft celle qui leur eft le plus univerfelement & opiniâtrement imputée, l'on a decrié & qu'on pouvoit d'autant plus facilement colorer devant les yeus des fimples, qu'effectivement plufieurs de leurs Pasteurs ou Barbes, ne fe marioient point, pour mieus Manichéens. eftre en eftat d'estre envoyés dés Vallées, prêcher en Poville, Calabre, Alface, Boheme, & ailleurs, ou l'on void & par le chapitre des Barbes, & ailleurs en cette Histoire qu'on les envoyoit. Et d'ailleurs qu'ils eftoient extremement fobres en leur vivre : & fur tout parce que préque tout le monde crioit qu'ils établiffoient deus Principes auffi bien que les Manichéens. les Vaudois Comme le remontre le Docte, Pieus & Sincere Charles Drelincourt, en fa répon-Témoigna se au Prince Ernest, Landgrave de Heffe, és Sections 43. & 44. jaune ge de Drea Et voftre Alteffe (luy dit-il) qui femble avoir pris à tâche de nous diffamer & de nous lincourt. couvrir de confufion, fi elle pouvoit, nous reproche d'avoir mis au rang des Martyrs des Vaudois & Albigeois, des Vallées de Piémont, de Calabre, de Boheme, &c,& elle foûtient que ces gens là eftoient impurs en leur creance, & de mauvaise vie, & méme que c'estoient des reftes des Manichéens, mais il faut bien dire que la fuperftition amis devant les yeus de Voftre Altesse, un eftrange voile qui l'empéche de voir les chofes les plus claires & les plus apparentes, ou qu'elle a tellement troublé fes fens par la paffion qu'elle luy a inspirée, qu'elle reffemble à ceus qui ne regardent les objets, qu'au travers d'un verre bleu, 012 rouge, & à qui tout femble de la méme couleur. Sachés Mon Seigneur que ces pauvres gens avoient la méme creance que nous, en tous les points effentiels à la Religion Chrêtienne, & que la plus part d'entr'eus vivoient en la crainte de Dieu, & avec beaucoup d'edification. En répondant au pretendu Docteur Hollandois, je feray Dieu aidant leur Apologie,& pour les juftifier, je produiray le témoignage de vos Moines, & méme de leurs plus grands ennemis, qui les reprefentent d'une vie exemplaire, 3 fans reproche. Cependant jay pitie de Voftre Alteffe de veoir qu'elle fe mefle avec la foule des ignorans, qui accufent les Vau dois d'avoir efté Manichéens. Eft ce que comme les Manichéens, ils ont foutenu que vin eft le venin du Dragon, & qu'à cause de cela ils ont refufé de boire à la Coupe du Sei gneur? nullement, car felon l'inftruction de Jefus Chrift, & la pratiqué des Apôtres is ont toujours communié & communient encore, fous les deux efpeces. Mais voicy la belle raifon, c'est que le Pape Boniface VIII. ayant pofé en fa Bulle unam Sanctam, que le Pape eft le feul Principe duquel toutes chofes doivent dépendre, & cela, parce qu'il eft écrit le Et de foa chimus Ca merarius. 1 que Dieu crea le Ciel & la Terre au commencement, & non pas aus commencemens : & que ceus qui veulent mettre en parallele la puissance de l'Empereur avec celle du Pape, font comme les Manichéens, qui croyent qu il y a deux principes de toutes chofes, l'un bon, & l'autre mauvais de la vient que les Vaudois & Albigeois & generalement tous ceus qui n'ont pas voulu reconnoître cette unique puiffance Souveraine, ni cet uniqne Principe, ont efté appellés Manichéens. Et voilà la vraye origine de cette injure infernale, dont on a voulu noircir les Serviteurs du Dieu vivant. : Or ce n eft pas de merveille fi Monfieur Drelincourt tient ce langage, car longtems devant luy Joachimus Camerarius Pabepergenfis, en fa Narration des Eglifes de Boheme, Moravie, Pologne, &c, nous dit les mémes chofes, & l'on les y peut lire tout du long. En voilà de refte pour justifier autant la pureté que l'antiquité de la Doctrine des Vaudois: fi quelcun en veut d'avantage, je le renvoye à la fus-dite Apologie de Dre lincourt, contre le pretendu Docteur Hollandois, ou méme au deufiéme de fes Dialogues Familiers, où aprés avoir prouvé de point en point que la Doctrine des Eglifes Reformées, n'elt autre que celle des Anciens Vaudois & Albigeois: & partant que Et de Jean celle de ceus-là n'eftoit ni Arriene, ni Manichéene, il conclud par ces mots : Mais il n'est pas besoin que j'infifte davantage à prouver que la Doctrine Euangelique que nous profeffons par la grace de Dieu, eft femblable à celle des Anciens Albigeois, veu que vous trouverez cela formellement dans le Livre intitulé Sommaire de l'Hiftoire de la guerre faite contre les Heretiques Albigeois, extraite du Threfor des Chartes du Roy, par fu Jean du Tillet, Greffier du Parlement de Paris, Sieur de la Buffiere, imprimé à Paris chez R. Nivelle 1590. avec Privilege. du Tillet. Et du te Certes il ne pouvoit produire un témoignage plus autentique, ni moins fufpect, fuite Ribe- pour nous faire conclurre avec le Jefuite Ribera, au Livre intitulé Collectanea de Vrbe Tholoza (nota bene Cher Lecteur, & pefe bien le témoignage de ce grand Champion de Rome) Que les Vaudois 5 Albigeois eftoient excellans en Doctrine, ce qui les faifoit avoir en respect & en eftime parmi le peuple. que Auffi fi nos Freres de la Confeffion d'Ausburg, ûffent jamais découvert la moindre de ces groffieres erreurs és Eglifes Vaudoifes, ils n'auroient jamais imité, ni n'imiteroient le Grand Marthin Luther jufques là, au fait de l'approbation de leur Doctrine, de la produire pour une preuve invincible de l Orthodoxie & pureté de la leur (auffi bien que ceus qu'on nomme Calviniftes l'ont fait, & font à leur avantage) & cependant je viens tout prefentement de voir un Livre d'un Fameux Docteur de ceux qu'on appelle Lutheriens, qui fait clairement voir, comme ceus de ce parti font gloire de s'eltre conformés aux Anciens Vaudois, en tout ce qui regarde la verité de la Doctrine: en voicy le titre, qui feul nous fuffit, Ecclefia Waldenfium Orthodoxia Lutherana teftis & focia, in Theatrum publicum producta à Joachimo Hefferberg, Hamburgenfe, c'eft à dire, l'Eglife des Vaudois, témoin & compagne de l'Orthodoxies Lutheriene: produite fur le Theatre public par Joachimus Hefferberg de Hamburg, imprimé à Strasburg 1668. Car dans l'article 4. de ce Livre, il preuve quelle a efté la croyance des Vaudois, (parlant fur tout des Vallées de Piémont & circonvoifines) 1. Touchant la S. Ecriture. 2. Touchant l'Eglife. 3. De Dieu & du Souverain bien. 4. Du Peche. 5. De l'Homme. 6. De la Loy & de l'Euangile. 7. De la bonne volonté du Pere. 8. De Chrift mediateur. Des graces du S. Efprit. 10. De la main qui confere la grace Euangelique. 11. De la Repentence. 12. De la vie & felicité eternelle. Montrant article par article qu'ils n'ont eu nul fentiment erroné, & faifant gloire de ce que ceus des Frères de la fus-dite Confeffions d'Augsburg y font tout à fait corformes. 9. Comme de fait, fi encore prefentement, ceus de la fus-dite Confeffion fe tenoient purement & fimplement à leurs Confeffions, & aux veritables fentimens de Luther, il n'y a point de doute que comme les Deputés des Vallées ayant conferé avec Luther, Melanchton, Oecolampade, Bucer, &c. furent entierement d'accord avec eux tous, auffi bien qu'avec Calvin : comme nous le remarquons en ce Livre, & le prouvons par les Lettres mémes, que ces grands Reformateurs en écrivoient aux Vallées, elles ne fuffent encore maintenant entierement d'accord avec les uns & les autres: auffi bien qu'elles l'avoient déja auparavant efté avec les Zwingliens & Huffites, dont Illyricus au 19. livre du Catalogue des Témoins de la Verité, dit: que la Doctrine n'eftoit alla autre chofe que celle des Anciens Vaudois, ou plûtôt l'Euangile de Christ, qu'aprés, & à l'exemple des Vaudois ils avoient taché de reftaurer. Cette Doctrine Vaudoise, se trouvant donc fuffisamment juftifiée par les Luthe riens, auffi bien que par les Calviniftes, & méme par les Papiftes, & par eus tous reconnue fi éloignée des fentimens Heretiques, & des Manichéens, & des Arriens, & des Cathares, &c, il ne fera pas neceffaire que je m'y eftende d'avantage. Me difpensant donc de transcrire icy, & difpenfant le Lecteur de la peine de lire encore un tas d'autres témoignages de méme étoffe, que les precedans, pour prouver plus amplement la pureté de la Doctrine des Anciens Vaudois, qui l'eit déja plus que fuffifem. ment par les precedans, je pafferay maintenant à vuider cette grande queftion, affavoir comment il s'eft pu faire que cette Sainte Doctrine, & veritablement Apoftolique, dés que l'Italie a receu l'Evangile par la predication de S. Paul, & de fes plus proches fucceffeurs, s'eft pue conferver, & defait s'eft confervée dans les Vallées parmi tant de corruptions, fuperftitions, & idolatries regnantes: vie fur tout 1. la grande puissance des Pontifes Romains. 2. La foibleffe des Eglifes des dites Vallées. 3. Et leur proximité de celle de Rome. Et c'eft ce que j'efpere de faire clairement voir, & avouer à toute fonne, qui ne lira pas les Chapitres fuivans avec les fauffes lunettes de fes paffions ou preoccupations. CHAP. XX. Que jufques au VII. fecle, il feroit abfurde de demander des preuves de la per Celuy feroit fans doute ridicule, qui voudroit perfuader à des pauvres gens qu'ils par ne font pas de la race d'Adam, parce qu'il leur feroit impoffible de faire paroître l'arbre de leur Genealogie, & par leur continuelle fucceffion de Pere en Fils, qu'ils en font bien defcendus : & qui dés là tireroit cette confequence, ou qu'ils font tombés des nuées, ou que comme des Potirons, ils font nés dans une nuit, ou bien que c'est quelque nouvelle forte d'hommes, pafferoit indubitablement pour ridicule, plûtôt que pour fubtil, parce qu'apprenant par la Parole de Dieu, que tout le Genre humain eft tout d'un méme fang, & trouvant en eus, comme aus autres, la Nature humaine, nous concluons hardiment qu'il faut qu'ils procedent de la méme tige. Ainsi puis que l'Ecriture Sainte nous déclare que la vraye Eglise est la méme dés le commencement du monde, & que tous ceus qui tiennent la vraye Foy, qu'elle nous enfeigne, en font les Enfans legitimes; Les habitans des Vallées prouvans invinciblement, qu'ils ont toûjours profeffé & profeffent encores cette méme Foy, le font auffi fans contredit: La vraye fucceffion de l'Eglife n'eftant pas feulement la locale, ou la per fonelle, mais celle de la Foy, & faine Doctrine, comme le S. Efprit méme l'enseigne Rom. 4.9. 11. Marc. 3. Jean. 8. &c. & comme difoit Gregoire de Nazianze, en fon Oraifon Funebre fur Athanaze, tous ceus qui fuivent la Foy d'Abraham eftans les vrais Enfans d' Abraham. Tandis que l'Eglife Romaine a retenu la vraye Foy & Religion, établie par les Saints Apôtres, leurs Difciples, & Succeffeurs par toute l'Italie, tout le monde m'avoüera, fans qu'il foit befoin de récourir à la preuve des Genealogies, & des fucceffions des Familles, que châcune des Eglifes Italienes, a eu d'eus la fucceffion de Foy, auffi bien que la Romaine, & qu'elles font toutes demeurées unies avec Jefus Chrift leur unique Chef, & entr'elles; auffi tant s'en faut qu'elles ûffent deu penfer à quelque fchifme ou feparation, que la feule pensée en ût efté criminelle. Il fuffit donc, pour prouver incontestablement la vraye fucceffion des Eglifes Moyen de Euangeliques des Vallées, & faire voir à tout le monde, qu'elles font veritablement prouver la fucceffion Apoftoliques, qu'il confte evidemment qu'à mesure que la Romaine s'eft corrumpue poftolique peu à peu, & que plufieurs autres Eliglifes & Pafteurs, ont en vain tâché de la rame des Eglifes ner de les égaremens ; celles des Vallées, voyant qu'elle fe rendoit incorrigible, s'en foient ouvertement feparées, n'eftans par ce moyen jamais entrées dans la Communion de Rome devenue fuperftitieufe ou idolatre, & n'ayans par confequant jamais eu befoin d'eftre reformées de fes abus. Auffi fe feparans de la forte de l'Eglife Romaine, elles ne devenoient pas des Egli L1 2 fes des Vallées, Que devant pour con fes nouvelles, moins interrompoient elles leur fucceffion, mais elles perfeveroient dans la vraye antiquité de laquelle la Romaine fe departoit. Comme quand les Juifs fideles, croyans en Jefus Chrift, & retenans la Doctrine des Anciens Patriarches & Prophetes, & eftans perfecutez par les Souverains Pontifes des Juifs incredules, & qui par leurs nouvelles Traditions annulloient les Commandemens de Dieu, fe font feparés d'eux, ils n'ont pas perdu leur ancienne fucceffion par une telle feparation, mais c'eft par là qu'ils l'ont maintenue, comme l'Eglife de Jerufalem & de Juda, lors qu'el le fe fepara des dix Tribus qui devindrent idolâtres. Pour donc diffiper les tenebres dont les Adverfaires des Reformés & Proteftans (que tout le monde réconnoit avoir allumé leur flambeau a l'ancienne lampe des Egliles Vaudoises) tâchent d'obfcurcir leur vraye Succeffions Apoftolique, j'ay à faire voir, premierement jufques où elles ont pû demeurer dans la Communion de Rome, fans fe polluer d'aucune fuperftition Idolatrie, ni Herefie, elle méme n'en eftant point encore fouillée, & mémes s'il y avoit déja quelques legeres erreurs, ne contraignant point les autres à les fuivre : Et puis en fuite de quelle maniere dés auffi-tôt qu'elle a commencé à forger, fomenter, & vouloir faire recevoir des erreurs capitales, & fur tout l'idolatrie, celt adultere fpirituel, qui donne à la Babylone de l'Apocalypfe nom de Paillarde; les Eglifes des Vallées de Piémont & circonvoifins ont ouverte. ment fait divorce d'avec elle, & jamais plus ne font rentrées dans fa Communion; ce que je feray voir plus clair que le Soleil,ettre arrivé dés la fin du VIII. fiecle ; & que dés lors l'Empereur Charles-Magne, avec la plus part des Eglifes d'Occident s'estant inutilement employé, mémes par la convocation du Concile de Francfort, à detourner le Pape Adrian, & 1 Eglife Romaine de la fuperftition où elle fe precipitoit, Clau de Archevêque de Turin, & par confequent des Vallées, un des plus grands hommes de fon fiecle, & au témoignage de l'Evéque de Meaux, en fa Preface fur le Livre de Charles-Magne, un des principaux fondateurs de l'Eglife de Paris, & des plus affidés Confeilliers du dit Charles-Magne, fit un Livre admirable, contre les Images, qu'on tâchoit d'introduire dans l'Eglife, item contre les Pellerinages, les Reliques, la pretendue Preéminence de l'Eglife Romaine, l'authorité du Pape, &c. & qu'à l'inftance de Louis le Debonaire, Fils de Charles-Magne, ayant efté fait Archevéque de Turin, pour fournir la Doctrine facreé aux peuples d'Italie, environ l'an 815. fit tout fes effors fur tout parmy les Eglifes de fon Diocefe (dans lequel fe trouvent celles des Vallées) comme le reconnoit de bonne foy Jonas Aurelianenfis fon Adverfaire, au Livre fait contre luy, difant qu'il vaquoit fur tout à l'inftruction du Troupeau qui luy avoit efté commis: & en dépit de l'Eglife Romaine le tint exempt de toutes ces dangereufes nouveautez, ne ceffant de les combattre de bouche & par écrit, & que fi bien aprés luy, partie des Eglifes de fon Archevéché, ont enfin ployé le col fous le joug du Pape, & aveuglement reçu toutes fes Traditions, jamais cela n'eft tellement arrivé dans les Vallées dont s'agit, que la pure Verité celefte, n'y ait efté foigneufement, conftamment & fidelement confervée jufques à ce jourd huy, quelques artifices violences cruautez, & ruzes, qu'on ait pû employer pour les en détourner, & pour leur ravir ce facré dépot. Examinons donc premierement qu'elle a efté la face de l'Eglife Romaine, jufques au VIII. fiecle inclufivement, & fi là corruption eftoit déja telle que les Eglifes des Vallées, faute d'avoir plûtôt renoncé à fa Communion, ayent ceffe pour cela d'eftre vrayes Eglifes Apoftoliques, & pour y proceder pié à pié, avec plus d'ordre, & de clarté, commençons à faire reflexion fur les fix premiers fiecles. Déja feroit ce certainement avec fort peu de juftice & d'équité, qu'on exigeroit le 7. fecleil des preuves de ce que deffus, devant le VII. fiecle, puifque tout le monde avoue que n'a pas efté neceffaire fi bien devant la fin du VI. fe trouvent déja des femences d'Antichriftianisme, & que aux Eglifes le myftere d'iniquité commençat à fe former (comme il faloit bien que l'Anti-Chrift des Vallées, fut conceu devant que de naître) il eft tres-conftant neantmoins que qui fera bonne ferver la reflexion fur l'état general de l'Eglife, & pefera les affaires de la Religion, fans une pureté de préoccupation trop paffionée, aux balances de l'Ecriture, & des Anciens Peres, fera l'Euangile, de fe fepa pleinement convaincu non feulement que l'Idolatrie n'y regnoit point encores,& que tous les principaus fondemens de la verité, fubfistoient en leur entier. Mais qu'il ne fe trouvoit, je ne diray pas dans nôtre Europe, ni dans tout l'Occident, mais mémes dans le monde, ni corps d'Eglife, ni homme vivant, qu'on ût pû raisonnablement appel rer de la Romaine. 133 peller du nom de Papifte, ni qui tint la Doctrine que l'Eglife Romaine moderne a plantée, & maintient avec le fer & le feu. Que fi quelqu'un s'eft laiffé prevenir de quelque opinion contraire, fans qu'il foir neceffaire que je m'amufe,à prouver que de ce tems-là, toutes les Traditions de Rome, qui ont fait retirer les Eglifes Reformées & Proteftantes de fa Communion, eftoient inconnues ; Il n'a qu'à prendre la peine de lire les preuves invincibles qu'en donnent entr'autres Fameux Ecrivains le grand Juellus, en fa defenfe contre Hardingus, art. gede Excl Témoigna 27. la Nouveauté du Papifme, de du Moulin ; la Nouveauté des Traditions de Rome, im,. par Mr. Daillé contre Cottibi ; & mêmes les plus affidés Serviteurs des Papes, qui nous en ont fait l'Hiftoire,comme Baronius, Eunuphius, Platina, &c, qui nous décrivans les Vies des Papes, ne manquent jamais de remarquer les nouvelles Traditions, Decrets, Inftitutions, Bulles, Articles de Foy, &c, que chacun d'eux a voulu avoir l'honneur d'introduire dans l'Eglife: comme l'un a établi l'adoration des Images, l'autre l'Invocation des Saints, l'autre le Purgatoire, l'autre les Pelerinages, & Jubilés, l'autre l'abftinence de certaines viandes en certains jours, l'autre les Fêtes, l'autre le Celibat des Ecclefiaftiques, l'autre l'adoration de la Croix, & des Reliques, l'autre la Tranfubftantiation &c. Et comme dés que la Meffe a efté inventée, prefque chaque Pape durant deus ou trois ficcles y a voulu coudre fa piece: certainement on ne fauroit at tribuer à un tel Pape un tel article, un tel à un tel, &c, fans avoüer en même tems, qu'un tel Pape, fe portant pour le premier Autheur d'une telle Doctrine, avoue bien par confequant qu'elle n'eftoit point reçue auparavant; & fuffit qu'auffi-tôt que ces mauvaises femences ont commencé à croître,& pouvoient eftre difcernées,un infinité de bonnes & faintes ames, plufieurs peuples entiers, quantité de bons Pasteurs, & mémes plufieurs Synodes & Conciles, s'y foient courageufement oppofés: En quoy la mifericordieufe Providence eft d'autant plus admirable, que ces oppofitions n'ont pas efté moins promptes que courageufes: car on n'a pas accoûtumé de s'allarmer pour quelque nouvelle herefie qui s'infinue, jufques à ce qu'elle commence à faire du bruit, & qu'on veuille obliger le monde à la recevoir. 7. la Il n'eft donc nullement befoin de plus ample preuve pour ce qui regarde les fix pre- Ni même miers fiecles, paffons donc aux deux ou trois fuivans, & voyons comment ces Eglifes pour tout le Vaudoifes ont pu faire, vue la corruption furvenue tant en la Doctrine qu'és Moeurs plus part de des Eglifes Occidentales, à conferver toûjours les fondemens de la vraye Foy, & s'em-8. & pourpécher que la bonne part de Marie, ne leur fut ôtée : car on ne peut nier que dés le VII. quoy. fiecle plufieurs grands abus ne s'y foient fourrés, & que comme Caiphe Souverain Pontife des Juifs, prophetiza touchant Jefus Chrift, quand il prononça qu'il faloit qu'un bomme mourut pour le peuple: de méme Gregoire le Grand, Evéque de Rome, n'ait bien prophetizé lors que combattant la prefomption de Jean, Evêque de Conftantinople (qui fous pretexte que cette Ville-là, eftoit pour lors le fiege de l'Empire, tant de l'Occident que de l'Orient, vouloit ufurper le titre d'Evêque Univerfel) il prononça hautement que celuy qui prendroit ce titre, ne pourroit eftre que l'Anti-Chrift, ou fon Présurfeur, & que c'est ce que fit le Pape Boniface,fon fucceffeur au fus-dit fiecle, lors qu'à l'aide & faveur du Tyran & parricide Phocas, qui comme un autre Zimri, maffacra l'Empereur Maurice fon maître, pour fe faifir de l'Empire, fit établir Sedem Ecclefia Romane Caput omnium Ecclefiarum, le Siege de l'Eglife Romaine pour eftre le Chef de toutes les Eglifes (comme en parle Beda, au Livre des fix âges du monde, Paul Diacre Rerum Roni. lib.15. Hift.Long. lib.4.c.11. & autres Hiftoriens) & la Ville de Rome, la Tête de toute la vie falutaire,au lieu qu'auparavant,à caufe du fiege de l'Empire,c'eftoit Conftantinople, comme s'en exprime Pomponius Lætus, in Compendio Hift. Rom. Je confeffe auffi, fans que Meffieurs de la Communion de Rome fe mettent en ne de le prouver, & de me dédire aux dépens de l'honneur de leur Eglife, & de fa pei pretendue infallibilité, que plufieurs erreurs & dogmes heterodoxes pullulerent, & prirent vigueur en ce méme fiecle, mais je pretens pourtant de faire toucher au doit, & avouer à toute perfonne raifonnable, que la playe n'eftoit point encore incura ble, & defefperée, que la gangrene ne s'y eftoit point encore mife, & qu'encores moins peut on dire que l'herefie ût paffé en Apoftafie generale, corrompu la plus-part du monde Chrêtien, infecté fes Chaires, & perverti fes Docteurs (le tems du délie ment de Satan, qui devoit feduire toute la Terre, n'eftant pas encore venu) moins en core qu'elle ait penetré jufques à ceus des Vallées ; mais que tant en Orient qu'en Oc Mm cident, |