1 Armée de croisés dans "spençe de l'Eglife, & conclû par le Procureur-Fifcal que le sus-dit Inquifiteur fans "autre renvoy, devoit proceder à l'execution de fon Office. 11 Signé de Baud, Notaire Publicq. Ce Commiffaire Papal assisté des forces de tous les Princes, & Potentats qu'il luy troyallest plût, tourmenta d'une façon étrange les pauvres Vaudois en divers lieus, mais fur tout és Vallées de Piémont, comme n'ayant pas manqué de luy eftre recommandées d'une maniere speciale, se rencontrant dans Italie, & les plus proches de Rome. Auffi s'achemina-il contr'eus avec une armée composée de 18000. hommes, fans une multitude incroyable de Piémontois Volontaires, qui pour avoir part aux indulgences du Pape auffi bien qu'aus dépouilles des pauvres Vaudois, se joignirent à luy de gajeté de guerre. Le fucces à Cette armée partagée en plusieurs efcadrons, à deffein de les surprendre avec plus fa confufion de fucces &. de facilité par plufieurs endrois tout à la fois, les affalit en divers lieus à l'improvifte, & d'une furie enragée: mais contre toute esperance, & apparance humaine, elle fust miraculeusement repouffée, dispersée, & préque toute défaite. La divine providence s'estant montrée tout à fait admirable, à fecourir & proteger fes pauvres fideles, en jettant une terreur panique dans l'ame de leurs perfecuteurs. Er bien que les débris de cette armée ne ceffat point encore presque tout du long de l'année de faire des courses tantôt d'un coste tantôt de 1 autre, au grand detriment de ces pauvres Vaudois, qui par ce moyen étoient entretenus dans des continuelles alarmes, & empéchés de cultiver leurs terres, pour avoir d'ordinaire les armes en main: eft-ce qu'enfin cette armée meurtriere fut reduite en état de ne leur pouvoir pas plus Fin de cette faire beaucoup de mal. De forte que Philippe VII. Prince de Piémont pour lors regnant, fut obligé de mettre fin à une guerre si pernicieuse & fatale à ses sujets, & fi peu honorable pour luy. Dieu attendrit méme tellement fon cœur envers ce pauvre peuple, qu'en témoignant du regret de ce qu'il avoit été obligé de l'entreprendre contreus, il dit hautement, & le reitera souvant qu'il n'avoit point de fi bons, fi fideles, & fi obeïssans sujets que ces Vaudois, & que pour cela ne vouloit il plus permettre qu'ils fuffent fi cruellement traités à l'avenir par la force des armes. Et pour ce qui s'estoit pafsé, il ordonna, pro forma, que douze d'entr'eus euffent à venir à Pinerol, où il faifoit fa refidence pour lors, pour luy demander pardon de ce qu'ils avoient ofé prendre les armes contre les siennes : ce qu'ils firent. S. A. les ayant fort humainement recus, leur fit dépécher en méme tems une Amnistie generale pour tout ce qui s'étoit paffé pendant la guerre, avoiiant qu'il reconnoissoit qu'il avoit été fort mal informé tant pour ce qui regardoit leurs personnes que leur Religion. Cependant qu'il defiroit de voir quelques-uns de leurs Enfans, pour s'éclaircir luy méme touchant ce qu'on luy avoit fait accroire qu'ils étoient extremement monstrueus, n'ayans qu'un œil au milieu du front, quatre rangées de dents toutes noires, & plusieurs choses semblables. Les Deputés des Vaudois envoient tout à l'heure dans Angrogne querir une douzaine de leurs Enfans des Vallées. accompagnés de leurs propre Meres : ce Prince les ayant confiderés avec admiration, comme les trouvant fort bien faits, & d'une fifionomie fort agreable, ayant méme pris plaifir d'entendre leur petit jargon, ne pût s'empécher de témoigner la grande irritation qu'il avoit contre l'impudence des imposteurs qui avoient bien ofé luy perfuader Le Duc de Savoye veut voir des Enfans ces Bourdes. C'est pourquoy non seulement il confirma leurs Priveleges, & immunités à ces pauvres Vaudois, mais mémes leur promit gratieusement, qu'il fairoit en forte qu'on les laisseroit en paix à l'avenir. Et ne faut pas douter que ce ne fut pour lors la fincere refolution de ce Prince, quoy qu'à la suite, l'importunité des Inquifiteurs, jointe à leurs fraudes pieuses ait encore obtenu d'en faisir plusieurs, méme avec l'assistence du bras feculier. Marguerite Ils firent aussi tant par leurs menées qu'ils porterent Marguerite de Foix, Dame du de Foix Marquifat de Saluces, à perfecuter cruellement les pauvres Vaudois de Pravillelm, les Vaudois, jusques là qu'ils furent tous contraints d'abandonner maisons, biens, & toutes chofes, & se sauver en la Vallée de Lucerne, n'ayans que leur ame pour butin: d'où par l'espa`ce de cinq années entieres, ils ne cefferent de supplier tres-humblement sa dite Altefse leur Sereniffime Prince, à ce qu'il luy plut faire en forte qu'ils pussent retourner en paix en leur chere Patrie, & que les Ufurpateurs de leurs biens fussent obligés à les leur rendre : & tout cela fans avoir rien pû avancer, à caufe de la grande resistance du Pape, du Clerge, & fur tout de l'Inquifition. De forte que se voyans reduis dans le dernier desespoir, ils se resolurent enfin de prendre les armes, & de tâcher par la force Succes. de rentrer dans la poffeffion de leurs biens, & ce avec d'autant plus de confience, que ce n'avoit poin été par aucun ordre de leur Souverain, qu'ils en avoient été fi cruellement chaffés, si bien qu'ils s'allerent jetter à l'improvifte fur les Ufurpateurs de leurs maisons avec tant de fuccés, & accompagnés d'une benediction du Ciel fi particuliere, qu'ils les en chafferent tous, & leur donnerent une fi grande frayeur, qu'ils ont encore continuée jusqu'à cent ans entiers aprés cét exploit, d'y jouir & de leurs terres & de la liberté de leur confcience. perfecute paix . A Pantaleon L'an 1534. Charles Duc de Savoye & Prince de Piémont, fut tant importuné par Perfecution l'Archevéque & Inquifiteur de Turin, de laisser livrer au bras seculier ses sujets de la du Seigneur Religion, qu'il deputa le Noble Pantaleon Breffour, Seigneur de la Communauté de Breffour. Rocheplatte, pour l'execution de ce funeste dessein. Ce Gentilhomme, qui n'avoit pas moins de zele pour sa Foy Catholique, que de credit & de courage, extremement paffioné de se montrer par effect digne de la confiance qu'on avoit prise en luy, ne manqua pas de prendre son tems l'an 1535. pour fe jetter à l improviste dans les Vallées, accompagné de soo. hommes, tous choisis & propres pour l'execution, à l'aide déquels il massacra par surprise tout ce qu'il rencontra, jettant une grande frayeur & confternation dans tous le Pais. Neantmoins ces pauvres gens un peu revenus à eus, des la nuit suivante, se rallierent fi bien qu'au Succes. lendemain, comme il pensoit continuer sa tuerie du long de la Vallée de Lucerne, les uns luy couperent les chemins par derriere, & les autres le chargerent fi courageusement à front, & de flanc, que plusieurs de ces Affaffins tomberent sur les carreaux, & les autres furent bien aises de pouvoir sauver leur vie abandonnans, & leur butin & leurs prisonniers. reuse. Quand fon Altesse vit, que la peau d un de ces Vaudois luy en coûtoit toûjours quinze ou Autre pervint de celles de fes bons Catholiques, il ne voulut plus permettre qu'on les perfecutat à cu fecution force d'armes, & fut refolu de proceder à leur ruine par des voyes plus câchées, & lente mais moins dangereuses. A cét effect furent établies quelques escadres de voleurs, avec plus denge ordre de se tenir aus aquets, & dans les embuches, és lieus propres pour cela, afin de les pouvoir plus facilement furprendre quand ils defcendroient de leurs Montagnes, ou méme de Vallées, felon la neceffité de leurs affaires. De cette façon il y en eut plufieurs à la longue qui tomberent dans ces funeftes pieges, & furent la proye de ces brigans, qui aprés les avoir rançonnés fans mifericorde, ne laissoient pas en fin de leur oter cruellement la vie : mais tous ces tourmens ne les empéchoient pas de perfeverer conftamment dans la profession de la verité jusqu'à leur dernier foûpir, foit qu'ils se vissent asseurés d'étre égorgés par ces Bourreaus: foit méme que leurs fouffrances duffent estre de plus longue halaine. rard. Témoin Catalan Girard, de S. Jean en la Vallée de Lucerne, qui ayant esté con-Martyre de damné à estre brûlé à Reuel Ville de Piémont, lors qu'on le couchoit fur le bucher, Catalan Cieut le courage de demander deus caillous, & (au raport de ses propres Bourreaus) les tenant entre ses mains, de s'écrier à haute voix en ces mots : vous croyés miferables perfecuteurs, d'extirper entierement nos pauvres Eglises par cette voye, mais fachés qu'il vous fera autant impoffible d'en venir jamais à bout, qu'à moy de mâcher & de digerer presentement ces pierres. Et de fait non obstant de fi longues & rudes perfecutions tant generales que parti-Multiplicacnlieres, les Eglifes des Vallées de Piémont & circonvoifines, & autres lieus qui tiondes avoient receu la méme Doctrine, multiplioient encore fi bien des ce tems-là, que George Morel dans ses Memoires sur l'an 1530. confeffe que pour lors il se trouvoit encore plus de huit-cent-mille personnes de la Religion Vaudoise. des Vallées L'an 1536. François I. Roy de France, & le Pape Paul III. incita le Parlement de perfecution Turin à proceder contre ces Vaudois, comme contre des pernicieus Heretiques: en des Vandois fuite dequoy ce Parlement leur fufcita des grandes vexations, imitant en cela les au- fons Fran tres Parlemens de France: de forte qu'ils furent contraints de recourir au Roy méme fois 1. par une tres-humble Requeste, mais pour tout cela leur condition ne fit que s'en empirér, parce que le Roy leur commanda de vivre felon les Lois Romaines, leur denon G2 çant ; Commandement de çant que s'ils n'obeïffoient à cet ordre, il ne manqueroit point de les faire punir comme obstinés Heretiques: adjoutant pour raison, qu'il ne les faisoit pas brûler en France pour les fuperter parmy les Alpes. Le Parlement de Turin encore plus accouragé par ces réponses, enjoignit incontithaffer leur nent à ces pauvres peuples des Vallées de devoir chaffer tout à l'heure tous leurs MiniPasteurs. stres ou Barbes, & de recevoir en leur place les Prêtres qui leur feroient envoyés pour la celebration de la Meffe &c. A quoy les pauvres Vaudois répondirent qu'il leur étoit impoffible d'obeïr à des ordres fi contraires à la parole de Dieu, qu'ils vouloient bien rendre à Cafar ce qui apartenoit à Cafar, comme ils l'avoient toûjours fait, mais qu'ils ne vouloient pas laisser pour cela de rendre à Dieu, ce qui appartenoit à Dieu, & qu'en tel cas ils étoient refolus à l'exemple des Saints Apoitres, d'obeir à Dieu plûtôt qu'aux hommes, & de fe tenir à sa Sainte Parole plûtôt qu'au Traditions des Papes. Cependant, le Roy ayant pour lors plusieurs fers au feu, le Parlement ne jugea pas 'à propos d'entreprendre un guerre ouverte contr'eus dans une telle conjoncture: fe contentant de donner ordre aus Juges & Magiftrats, d'assister vigoureusement, & les Moines, & les Inquifiteurs, & de faire brûler tout autant de ces miferables Vaudois, qu'ils pourroient faire tomber entre leurs mains. Plusieurs de ces fideles perdirent encore pitoyablement leur vie par cette voye, mais avec une constance merveilleuse. Barielemy Sur tout fut admirable & étonnante tout ensemble celle de Barthelemi Hector, publi Martyre de Hector de La persecu moyen du S. Julien le colla quement brûle à Turin en la place du Château l'an 1555. qui tira des ruisseaus de larmes d'une multitude d'assistans Papistes, & arracha de la bouche de plusieurs autres, & des grands murmures, & des invectives perçantes contre la cruauté des Inquifiteurs & des Moines. Neantmoins quelque tems aprés le méme Parlement de Turin, envoya dans les Valtion renfor-lées le Prefident de S. Juliain, avec le Collateral de Ecclefia, pour pouffer plus avant cée par le la perfecution contre les Vaudois. A cét effect ils porterent au Bourg de la Peyrouse, President de où ils firent publier un Edict de part le Roy, portant qu'à peine de la vie, tous les habitans de cette Vallée, euffent à fe refoudre dans trois jours d'aller à la Messe : quoy fait teral de Ec- ils se retirerent dans la Ville de Pinerol, où ils adjournerent grand nombre de ces pauvres gens à comparoître devant eus. Ceus qui obeïrent, & dont nous pourrions donner le roole, & faire l'histoire, fi elle n'estoit trop prolixe, furent étrangement mal traités: Et contre ceus qui nobeïrent pas, on fulmina les sentences de mort, & de confiscation de biens. Mais je ne puis omettre le notable fuccés du procedé judicieus d'un pauvre Laboureur: Ces Commiffaires luy ayant enjoint de leur aporter un fien petit Enfant pour le faire rebabtisér, il les suplia tres-inftamment de luy permettre de prier clefia. Réponse no Dieu devant que leur répondre: & fa priere achevée, d'une resolution affeurée, il dit table d'un à Monfieur le Prefident, je suis bien content Monseigneur, de vous laisser rebabtiser mon pauvre La- Enfant, mais c'est à condition qu'il vous plaise par écrit signé de vôtre main, me décharger boureur. devant Dieu, du peché que vous me fairiés commettre, le prenant sur vous mémes, & fur vôtre pofterité, pour en répondre un jour devant Dieu, & foufrir en vôtre cors & en vôtre ame les peines que vous feriés cause de me faire meritér. Ce President estonné de l'afsseurence intrepide, avec laquelle ce Païfan luy prononça cette Sentence, se contenta de luy dire froidement, j'ay afssés à répondre pour mes péchés, fans me chargér de tiens, ôte toy devant mes yeus. Et ainsi fut rabroüe, & renvoyé ce pauvre homme, qui cependant ne fut jamais plus inquieté. Ce Prefident & ce Collateral, voyans que nonobitant la Publication des ordres du Roy, & la fulmination de toutes leurs Sentences, ils ne pouvoient point ébranler la constance de ces pauvres Peuples: qui d'un côté proteftans de leur inviolabe obeïssance & fidelité pour le service du Roy, protestoient auffi de l'autre qu'ils étoient prets felon ses ordres, à changer de Religion, fi l'on leur pouvoit montrer par Tentative la Parole de Dieu, qu'ils fussent en erreur, creurent qu'il falloit éprouvrer de les allechér par les eloquantes & charmantes Predications de quelques tres-habiles Moines qu'ils attirerent dans les Vallées pour cet effect. parle moyen de quelques ra Ces Moines venus, Messieurs les Commissaires sus-dis, les accompagnerent en Angrogne, où ils arriverent à l'heure du préche, à dessein de monter en chaire aussi-tôt que le Miniftre en feroit deseendu: mais comme ni là, ni ailleurs, ils ne trouverent jamais personne qui leur voulut prétér l'oreille, ils s'en retournerent à Turin avec Meffieurs le Prefident & le Collateral, qui pendant le long sejour qu'ils avoient fait aus res Predica teurs. Succes. Val President de Vallées, où ils avoient finement fondé toutes chofes, avoient découvert une fi grande union & fi ferme resolution parmy tous les peuples, qu'ils representerent fortement au Parlement qu'il y avoit grand danger à pouffer ces Vaudois jusques dans le dernier desespoir, concluans qu'il faloit remettre cet affaire au Roy méme, qui feul étoit capable d'en venir à bout & dexterminer cette race : & qu'à cet effect il faloit envoyer à sa Majefté toutes les informations necessaires, laiffant en suite à sa prudence le soin d'une entreprise si difficile & dangereuse. Mais comme il arrive bien souvent que les cours vont lentem és affaires de telle importance, il s'escoula une année entiere devant que les Vaudois receuffent aucune autre allarme. Mais alors le méme Pre. Retour du fident se porta derechef dans Angrogne, muni de nouveaus ordres de sa Majesté, s. Julien portans peine de mort es confiscation de tous biens contre quiconque n'iroit à la Messe, aus Vallées. Mais il luy fut répondu comme devant, qu'il valoit mieus, obeir à Dieu qu'aus hommes, Succes. prians par le compaffions de Dieu, que veuë leur constance fidelité & obeïssance au Roy, que leur vie estoit sans reproche, & qu'en fait de Religion, ils adoroient tous un méme Sauveur Jesus Christ, avoient la méme Loy, le méme Baptéme, & la méme Esperance, que sa Majesté, & que le dit President, & qu'on souffroit en Piémont, & les Juifs, & les Turcs, blafphemateurs profés & ennemis jurés du Nom Chrestien, on les laissat vivre dans leur Religion, qu'ils soûtenoient étre la méme que celle de Jesus Chrift & des Saints Apôtres, prets à l'abandonner, si par les Saintes Escritures on les pouvoit convaincre du contraire. raille. Cette réponse enflamma fi furieusement contr'eus le Parlement de Turin, que fans autre delay, il fit emprisonner tous ceus qui felon la diversité de leurs affaires, & n'apprehendans rien de semblable, se trouvoient épars en divers endrois du Piémont, & dans les Vallées méme, entre léquels se rencontra malheureusement l'excellent Monfieur Geofroy Varaille, Ministre d'Angrogne, qui fut publiquement brûlé dans la pla- Martyre ds ce du Château de Turin, chantant hautement les loüangés de Dieu, dans les flammes Ministrera jusqu'à fon dernier foûpir l'an 1557. Il fut Fils d'un Geoffroy Varaille, de la Ville de Busque en Piemont, qui l'an 1488. avoit été Chef des troupes meurtrieres qui ramafsées en corps d'armée formidable se jetterent contre ces pauvres Vaudois des Vallées: ce fien Fils unique se fit Moine l'an 1520. fut en suite, en Compagnie du fameux Bernardino Ochino, de Siene, Inventeur des Capuchins, & 10. autres associes, établi grand Miffionnaire contre les Vaudois, comme eftant doüé d'une eloquence fort rare, dont on se promettoit merveilles : mais plus il travailloit à la converfion de ces pretendus Heretiques, plus il estoit touché des raisons qu'ils luy opposoient, jusqu'à ce qu'en fin il donna gloire à Dieu, & comme un autre Saint Paol, se mit à précher Vn afec fecond S. la Foy qu'il avoit perfecutée, jusqu'à ce qu'il la seela par fon propre fang. Nicolas Sartoris, natif de Quyers en Piémond étudiant en Theologie à Geneve, Martyre de où il étoit entretenu par la charité des hauts & puissfans Seigneurs de la Republique de Nicolas Sar Berne, qui encore à present auffi bien que leurs bons alliées de Zuric, & Bale, conti-for.. nuent à fournir pour les penfions de quelques Ecoliers destinés au S. Miniftere, pour le service des Eglifes des Vallées, voulant donner une visite à sa chere Patrie, & s'y estant acheminé par la Vallée d'Auste, y fut saisi comme suspect d'Herefie: examiné touchant sa naissance, ses études, & fon dessein, confefsa le tout ingenuement. Le Canton de Berne, dont il estoit le Nourriffon, averti de sa capture, & ne doutant point du succés, fit en vain des grandes instances pour sa delivrance, car dés qu'on vid qu'il ne pouvoit estre alleché par les promesses, effrayé par les menaces, ni en aucune façon ébranlé par la geene, on le fit publiquement brûler vif, dans la Ville Epifcopale de la dite Vallée, le 4. May 1557. libert réta persecu Dans le plus fort de ces tribulations, le Duc Emanuel Philibert, par le moyen de la Le Duc E paix generale de l'an 1559. fut derechef rétabli dans la paisible poffeffion de ses Etats: manuel Phi. mais les Moines de sa Ville de Pinerol, n'eurent pas la patience de luy laisser un peu bli dans fes prendre halaine, que par leurs importunités ordinaires, pour accomplir la prophetie Etats. de l'Apocalypfe, touchant les fauterelles du puis de l'Abime, qui ne cessent d'armer Nouvelles les grans de la terre contre les fideles membres du Seigneur Jesus, le firenr de nou-tions. veau condescendre à condamner aux fagots tous les pauvres Vaudois, & la confifcation de tous leurs biens, donnés pour recompenfe aux inftrumens de leur ruine.... Ces pauvres gens se voyans derechef à la veille d'une desolation entiere, aprés leurs recours à celuy qui tient les cœurs des Rois en sa main, & qui les ploye à tout ce que bon ᄇ lay 1 Vaudois à Emanuel. luy semble, par prieres, jûnes, & humiliations extraordinaires, s'allerent jetter aussi aux pieds de la clemence de fon Altesse Sereniffime, avec la tres-humble Requéte suivante, qui merite d'avoir place dans ce Livre. Au Sereniffime, & tres-Puissant Prince, Philibert Emanuel, Duc de Savoye, Prince de Piémont, nôtre tres-Clement Seigneur. Requéte des cc Festus Gouverneur du peuple Juif, estant requis par les principaux Sacrificateurs, Philibert " & par les Anciens du peuple, de faire mourir l'Apôtre S. Paul, Act.25. répondit non "moins fagement, que juitement, que les Romains n'avoient pas accoûtumé de livrer “ aucun à la mort, devant que celuy qui est accusé, ût ses accusateurs prefens, & lieu de " fe defendre de l'accusation. Nous n'ignorons pas, tres-Clement Prince, que plusieurs "accusations font maintenant aussi proposées contre nous, & plusieurs calomnies in"ventées, pour rendre notre cause extremement odieuse envers tous les Princes & "Monarques Chrêtiens : mais si la nation Romaine, quoy que Payene pour lors, étoit "tant equitable, qu'elle ne condamnoit aucun fans ouïr ses raisons. Et fi nôtre Loy “ ne condamne aucun (comme teftifie l'Euangelique Nicodeme Jeh.7.) sans l'avoir pre“mierement oui, & sceu ce qu'il a fait, estant l'affaire maintenant, de fi grande confi"deration, comme concernant la gloire du Souverain Dieu, & le salut d'un si grand "nonibre d'ames, nous implorons vôtre Clemence (tres-equitable Prince) afin qu'en "chose tant pieuse, & jufte, elle daigne nous ouïr benignement. Premierement nous protestons devant Dieu tout juste, & tout puissant, devant le "tribunal duquel il nous faudra tous comparoître, que nous voulons vivre & mourir "en la Sainte Foy pieté, & Religion de nôtre Seigneur Jesus Christ, & que nous de "testons toutes Heresies condamnées anciennement, & de nôtre tems par la parole " de Dieu. Aprés nous ambrassons la tres-Sainte Doctrine des Prophetes, & des Apôtres, de "Nicée, d'Athanafe, & autres, esquels tous les Mysteres de nôtre Foy, font ample"ment propofés, nous les croyons conftamment, nous acceptons volontiers les qua"tre principaux Conciles, & toutes autres choses concordantes avec la Parole de "Dieu, & tous les Anciens Peres, en tout ce en quoy ils ne s'éloignent point de l'ana"logie de la Foy. "Nous rendons de bon cœur la deuë obeïssance à nos Superieurs, nous avons tou" jours procuré de maintenir la paix avec nos voisins, nous n'avons endomagé aucun, "combien que provoqués, & ne craignons qu'aucun puisse, avec raison, faire plain "te de nous. Finalement nous ne fûmes jamais obstinés en nos opinions, ains dociles, & toû " jours prets à recevoir toutes Saintes & pieuses admonitions, comme apert par nôtre "confeffion de Foy, & par les réponses que nous fimes, il y a quatre ans, aus demandes "qu'on nous proposa, & les presentames au Senat de Turin, & les presentons auffi "maintenant tres-humblement à V. A. Sereniffime. Et tant s'en faut que nous refu"sions une Dispute, ou plûtôt un Concile libre, auquel tout soit établi par la Parole "de Dieu, qu'au contraire, c'est ce que nous defirons de tout nôtre cœur, & prions "nôtre Dieu tout puissant avec voœus tres-ardans, puis que toutes choses sont entre "ses mains : qu'il luy plaise ployer à cela les cœurs des Princes, & Monarques, afin "qu'en un legitime, & libre Concile, toute controverse de Religion foit decidée, & " pourtant nous implorons tous d'un consentement vôtre Clemence (tres-benin Prin"ce) à ce que cette cause de Foy, & des ames, foit decidée en legitime jugement, c'est " afsavoir par la Parole de Dieu. La Foy est par la Parole de Dieu, (dit S. Paul) Par "quoy nous promettons de recevoir volontiers tout ce qui nous fera proposé par la "Parole de Dieu, que s'il s'agissoit des chofes terriennes & tranfitoires, Dieu nous est "témoin, que nous ferions faciles à consentir, mais il s'agit de la gloire de Dieu, ou "du Salut, & damnation de nos ames, en quoy il ne nous eft loisible de nous dépar"tir en aucune façon de la Parole de Dieu. De leur an- cc tiquité. Que V. A. confidere s'il luy plait, que cette Religion laquelle nous fuivons, n'eft " pas seulement nôtre, ou controuvée des hommes, depuis peu de jours, comme on "luy impute faussement, mais que c'est la Religion de nos Peres, de nos Ayeuls, & " & des Ayeuls de nos Ayeuls, & autres plus anciens de nos Predeceffeurs & des "Saints |