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ALCESTE.

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Le désavouerez-vous , pour n'avoir point de seing ?

CÉLIMÈNE.
Pourquoi désavouer un billet de ina main ?
Et vous ponvez le voir sans demeurer confuse
Du crime dont, vers moi, son style vous accuse !

CÉLIMÈNE.
Vous êtes, sans mentir, un grand extravagant !

ALCESTR.
Quoi vous bravez ainsi ce témoin convaincant!
Et ce qu'il m'a fait voir de douceur pour Oronte
N'a donc rien qui m'outrage , et qui vous fasse honte?

CÉLIMÈNE.
Oronte! qui vous dit que la lettre est pour

lui?
ALCESTE.
Les gens qui dans mes mains l'ont remise aujourd'hui.
Mais je veux consentir qu'elle soit pour un autre,
Mon cæur en a-t-il moins à se plaindre du vôtre ?
En serez-vous vers moi moins coupable en effet ?

CÈLIMÈNE. Mais si.c'est une femme a qui va ce billet, En quoi vous blesse-t-il, et qu'a-t-il de coupable ?

ALCESTE. Ah! le détour est bon, et l'excuse admirable ! Je ne m'aitendcis pas, je l'avoue, à ce trait, Et me voilà par-là convaincu tout-à-fait. Osez-vous recourir à ces ruses grossières ? Et croyez-vous les gens si privés de lumières ? Voyons, voyons un peu par quel biais, de quel air, Vous voulez soutenir un mensonge si clair; Et comment vous pourrez tourner pour une femme Tous les mots d’un billet qui montre tant de samme. Ajustez, pour couvrir un manquement de foi, Ce que je m'en vais lirc...

CÉLIMÉNE.

Il ne me plaît pas, moi. Je vous trouve plaisant d'usor d'un tel empire, Et de me dire au nez ce que vous m'osez dire.

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ALCESTE. Non, non, sans s'emporter, prenez un peu souci De me justifier les termes que voici.

CÉLIMÈNE. Non, je n'en veux rien faire; et, dans cette occur

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rence.

ALCESTE.

Tout ce que vous croirez m'est de peu d'importance.
De grâce, montrez-inoi, je serai satisfait ,
Qu'on peut pour une femme expliquer ce billet.

CÉLIMÈNE.
Non, il est peur Oronte; et je veux qu'on le croie.
Je reçois tous ses soios avec beaucoup de joie,
J'admire ce qu'il dit, j'estime ce qu'il est ,
Et je tombe d'accord de tout ce qu'il vous plaît.
Faites, prenez parti, que rien ne vous arrête
Et ne me rompez pas davantage la tête.

ALCESTE, à part." Ciel ! rien de plus cruel peut-il être inventé? Et jamais caur lut-il de la sorte traité ? Quoi! d'un juste courroux je suis éinu contre elle , C'est moi qui me vient plaindre: et c'est moi qu'on

querelle ? On pousse ma douleur et mes soupçons a' bout; On me laisse tout croire; on fait gloire de tout : Et cependant mon ceur est encore assez lâche Pour ne pouvoir briser la chaîne qui l'attache, "Et pour ne pas s’armer d'un généreux mépris Contre l'ingrat objet dont il est trop épris !

(á Célimène.) Ah! que vons savez bien ici contre moi-même, Perfide, vous servir de ma foiblesse extrême, Et ménager pour vous l'excès prodigieux De ce fatal amour né de vos traitres yeux ! Défendez-vous au moins d'un crime qui m'accable , Et cessez d'affecter d'être envers moi conpable. Rendez-moi, s'il se peut, ce billet innocent;. A vous prêter les mains ma tendresse consent : Elurcez-vous ici de paroître fidèle,

Et je m'efforcerai, moi, de vous croire telle.

CÉLINÈNE. Allez, vous êtes fou dans vos transports jaloux , Et ne méritez pas l'amour qu'on a pour vous.; Je voudrois bien savoir qui pourroit me contraindre A descendre pour vous aux bassesses de feindre, Et pourquoi , si mon caur penchoit d'autre côté, Je ne le dirois pas avec sincérité ! Quoil de mes sentiments l'obligeante assurance Contre tous vos soupçons ne prend pas ma défense 1 Auprès d'un tel garan: , sont-ils de quelque poids? N'est-ce pas m'outrager que d'écouter leur voix ? Et puisque notre cæur fait un effort extrême Lorsqu'il peut se résoudre à confesser qu'il aimne, Puisque l'honneur du sexe, ennemi de nos feux, S'oppose fortementà de pareils aveux, L'amant qui voit pour lui franchir un tel obstacle Doit-il impunément douter de cet oracle? Et n'est-il pas coupable en ne s'assurant pas A ce qu'on ne dit point qu'après de grands combats Allez, de tels soupçons méritent ma colère , Et vous ne valez pas que l'on vous considère. Je suis sotle, et veux inal à ma simplicité De conserver encor pour vous quelque bonté; Je devrois autre part attacher mon estime, Et vous faire un sujet de plainte légitime.

ALCESTE. Ab! traîtresse, mon foible est étrange pour vous ; Vous me trompez, sans doute, avec des mots si doux. Mais il n'importe , il faut suivre ma destinée : A votre foi inon âme est toute abandonnée ; Je veux voir jusqu'au bout quel sera votre cæur, Et si de me trahir il aura la noirceur,

CÉLIMÂNE. Non, vous ne m'aimez point comme il faut que l'on

aime.

ALCESTE.

Ahd rien n'est comparable à mon amour extrême; Et, dans l'ardeur qu'il a de se montrer à tous,

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Il va jusqu'à former des souhaits contre vous.
Oui , je voudrois qu'aucun ne vous trouvât aimable;
Que vous fussiez réduite en un sort misérable;
Que le ciel, en naissant, ne vous eût donné rien;
Que vous n'eussiez ni rang , pi naissance, ni bien;
Afin que de mon cæur l'éclatant sacrifice
Vous pût d'un pareil sort réparer l'injustice,
Et que j'eusse la joie et la gloire en ce jour
De vous voir tenir tout des mains de mon amour.

CÉLIMÈNE.
C'est me vouloir du bien d'une étrange manière !
Me préserve le ciel que vous ayez matière...!
Voici monsieur Dubuis plaisamment figuré.

SCÈNE IV.

CÉLIMÈNE, ALCESTE, DUBOIS.

ALCESTE.
Que veut cet équipage et cet air effaré ?
Qu'as-tu ?

DUBOIS.
Monsieur...

ALCESTE.

Hé bien ?

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Qu'est-ce ?

Nous sommes mal, monsieur, dans nos affaires.

DUBOIS.

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DUBOIS.

Parlerai-je baut ?

Oui, parle, et promptement.

ALGKSYB.

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Monsieur, il faut faire retraite.

ALCESTE.
Comment :

DUBOIS,
Il faut d'ici déloger sans trompette.

ALCESTE.
Et pourquoi ?

DUBOIS.
Je vous dis qu'il faut quitter ce lieu.

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ALCESTE.

La cause?

DUBOIS.

Il faut partir, monsieur, sans dire adieu.

ALCESIE.

DUBOIS.

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ALCESTE,

DUBOIS.

Mais par quelle raison me tiens-tu ce langage ?
Par la raison , monsieur , qu'il faut plier bagage.
Ah! je te casserai la têle assurément
Si tu ne veux, maraud, t'expliquer autrement.
Monsieur, un homme noir et d'habit et de mine
Est venu nous laisser, jusques dans la cuisine,
Un papier griffonné d'une telle façon,
Qu'il faudroit pour le lire être pis qu’un démon.
C'est de votre procès, je n'en fais aucun doute;
Mais le diable d'enfer, je crois, n'y verroit goulte.

ALCESTE.
Hé bien ! quoi ? Ce papier, qu'a-t-il à démêler ,
Traître, avec le départ dont tu viens me parler ?
C'est pour vous dire ici, monsieur, qu’une beure en-

suite,

DUBOIS.

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