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Un homme qui souvent vous vient rendre visite
Est venu vous chercher avec empressement,
Et ne vous trouvant pas, m'a chargé doucement ,
Sachant que je vous sers avec beaucoup de zèle ,
De vous dire. Attendez,comme est-ce qu'il s'appelle?
Laisse là son nom, traître, et dit ce qu'il t'a dit.

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ALCESTE.

DUBOIS.

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ALCESTE.

C'est un de vos amis enfin, cela suffit.
Il m'a dit que d'ici votre péril vous chasse,
Et
que

d'être arrêté le sort vous y menace.
Mais quoi! n'a-t-il voulu te rien spécifier ?
Non. Il m'a demandé de l'encre et du papier,
Et vous a fait un mot, où vous pourrez , je pense,
Du fond de ce mystère avoir la connoissance.

DUBOIS.

ALCESTE,

Donne-le donc.

CÉLIMÉNE.
Que peut envelopper ceci ?

ALCESTE.
Je ne sais; mais j'aspire à m'en voir éclairci.
Auras-tu bientôt lait, impertinent, au diable?

DUBOIS, après avoir long-temps cherché le billeta Ma foi, je l'ai, monsieur, laissé sur votre table.

ALCESTE.

Je ne sais qui me tieni...

CÉLIMÉNE.

Ne vous emportez pas. Et courez démêler un parcil embarras.

ALCESTE. Il semble que le sort, quelque soin que je prenne, Ait juré d'empêcher que je vous entretienne : Mais, pour en triompher, souffrez à mon amour De vous revoir, madame, avant la fin du jour.

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FIN DU QUATRIÈME A CIE.

S.

SCÈNE I.

ALCESTE, PHILINTE.

ALCESTE.

La résoluti

résolution en est prise, vous dis-je. Mais, quel que soit ce coup, faut-il qu'il vous oblige..

PHILINTE.

ALCESTE.

Non, vous avez beau faire et beau mc raisonner,
Rien de ce que je dis ne me peut détourner;
Trop de perversité règne au siècle où nous sommes,
Et je veux me tirer du commerce des hommes.
Quoi! contre ma partie on voit tout-à-la-fois
L'honneur, la probité, la pudeur et les lois;
On publie en tous lieux l'équité de ma cause ;
Sur la foi de mon droit mon âme se repose :
Cependant je me vois trompé par le succès,
J'ai pour moi la justice, et je perds mon procès !
Un traître, dont on sait la scandaleuse histoire,
Est sorti triomphant d'une fausseté noire !
Toute la bonne foi cède à sa trahison !
Il trouve, en m'égorgeant, moyen d'avoir raison,
Le poids de sa grimace, où brille l'artifice,
Renverse le bon droit, et tourne la justice!
Il fait par un arrêt couronner son forfait !
Et non content encor du tort que l'on me fait,
Il court parini le monde un livre abominable,
Et de qui la lecture est même condamnable;
Un livre à mériter la dernière rigueur,
Dont le fourbe a le front de me faire l'auteur!
Et là-dessus on voit Oronte qui murmure,
Et tache méchamment d'appuyer l'impostare !

Lui, qui d'un honnête homme à la courtient le rang,
A qui je n'ai rien fait qu'être sincère et franc,
Qui me vient, malgré inoi, d'une ardeur empressée
Sur des vers qu'il a faits demander ma pensée ;
Et parceque j'en use avec hon vêteté,
Et ne le veux trahir, lui ni la vérité,
Il aide à m'accabler d’un crime imaginaire !
Le voilà devenu mon plus grand adversaire !
Et jamais de son cœur je n'aurai de pardon,
Pour n'avoir pas trouvé que son sonnet fùt bon !
Et les hommes, morbleu ! sont faits de cette sorte !
C'est à ces actions que la gloire les porte!
Voilà la bonne foi, le zele vertueux,
La justice et l'honneur que l'on trouve chez eux !
Allons, c'est trop souffrir les chagrins qu'on nous

forge,
Tirons-nous de ce bois et de ce coupe-gorge.
Puisqu'entre humains ainsi vous vivez en vrai loups,
Traîtres, vous ne m'aurez de ma vie avec vous,

PHILINTE.

Je trouve un peu bien prompt le dessein où vous êtes;
Et tout le mal n'est pas si grand que vous le faites,
Ce que votre partie ose vous imputer
N'a point eu le crédit de vous faire arrêter;
On voit son faux rapport lui-même se détruire,
Et c'est une action qui pourroit bien lui nuire.

ALCESTE.

Lui! de semblables tours il ne craint point l'éclat :
Il a permission d'être franc scélérat;
Et, loin qu'à son crédit nuise cette aventure ,
On l'enverra demain en meilleure posture.

PHILINTB.

Enfin il est constant qu'on n'a point trop donné Au bruit que contre vons sa malice a tourné; De ce côté déjà vous n'avez rien à craindre : Et pour votre procès,dont vous pouvez vous plaindre, : Il vous est en justice aisé d'y revenir , Et contre cet arrêt...

ALCESTE.

Non, je veux m'y tenir. Quelque sensible tort qu'un tel arrêt me fasse, Je me garderai bien de vouloir qu'on le casse ; On y voit trop à plein le bon droit maltrailé, Et je veux qu'il demeure à la postérité, Comme une marque insigne , un fameux témoignage De la méchanceté des hommes de notre âge. Ce sont vingt mille francs qu'il m'en pourra coûter; Mais pour vingt mille francs j'aurai droit de pester Contre l'iniquité de la nature humaine, Et de nourrir pour elle une immortelle haine.

PHILINTE.

Mais enfin...

ALCESTE.

Mais enfin vos soins sont supersus. Que pouvez-vous, monsieur , me dire là-dessus ? Aurez-vous bien le front de me vouloir en face Excuser les horreurs de tout ce qui se passe ?

PHILINTE. Non, je tombe d'accord de tout ce qu'il vous plait : Tout marche par cabale et par pur intérêt; Ce n'est plus que la ruse aujourd'hui qui l'emporte, Et les hommes devroient être faits d'autre sorte. Mais est-ce une raison que leur peu d’équité, Pour vouloir se tirer de leur société ? Tous ces défauts humains nous donnent, dans la vie, Des moyens d'exercer notre philosophie; C'est le plus bel emploi que trouve la vertu: Et si de probilé tout étoit revêtu , Si tous les caurs étoient francs, justes et dociles , La plupart des vertus nous seroient inntiles , Puisqu'on en met l'usage à pouvoir, sans ennui, Supporter dans nos droits l'injustice d'autrui; Et de même qu'un cæur d'une veitu profunde... Je sais que vous parlez, monsieur, le mieux du monde; En beaux raisonnements vous abondez toujours : Mais vous perdez le temps et tous vos beaux discours,

ALCESTE.

La raison, pour mon bien, veut que je me retire :
Je n'ai point sur ma langue un assez grand empire;)
De ce que je dirvis je ne répondrais pas;
Et je me jelicrois cent choses sur les bias.
Laissez-ın å, sans dispute, allenare Célimène. )
Il faut qu'elle consenie au dessein qui m'amènc;:
Je vais voir si son cæura de l'amour pour moi;
Et c'est ce moment-ci qui doit m'en faire foi,
Muntons chez Éliante, altendant sa venre.

ALCESTE.
Non : de trop de soucis je me sens l'âme émue.
Allez-vous en la voir, et ine laissez enfin
Dans ce petit coin sombre avec mon noir chagrin.
PHILINTE.

1517, C'est une compagnie étrange pour alleodie; Et je vais obliger Éliante a descendre.

PIU LINTE.

SCÈNE II.

CÉLIMÈNE, ORONTE, ALCESTE.

ORONTE.

Qui , c'est à vous de voir si , par des neruds si doux,
Madame, vous voulez m'attacher tout à vous.
Il me faut de votre âme une pleine assurance :
Un amant là-dessus u’aime point qu'on balance.
Si l'ardeur de mes feux a pu vous émouvoir,
Vous ne devez point fuindre à me le faire voir ;
Et la preuve, après tout, que je vous en demande,
C'est de ne plus souffrir qu'Alceste vous prétende;
De le sacrifier, madame, à mon amour',
Et de chez vous enfin le banoir dès ce jour,

CÉLIMINE.
Mais quel sujet si grand contre lui vous irrite,
Vous à qui j'ai tant vu parler de son mérite?
Madame, il ne faut point ces éclaircissements,

ORONTE.

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