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MARTINE.

Laisse-moi là.

SGANARELLE,

Touche, te dis-je.

MARTINE.

Tu m'as trop maltraitée.

SGANARELLE,

Hé bien! va, je te demande pardon; mets là ta main.

MARTINE.

SGANARELLE.

:

Je te le pardonne; ( bas à part.) mais tu le paieras.

Tu es une folle de prendre garde à cela : ce sont petites choses qui sont de teinps en temps nécessaires dans l'amitié; et cinq ou six coups de bâton, entre gens qui s'aiment, ne font que ragaillardir l'affection. Va, je m'en vais au bois, et je te promets aujourd'hui plus d'un cent de fagots.

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SCÈNE IV.

MARTINE, seule.

Va, quelque mine que je fasse, je n'oublierai pas mon ressentiment; et je brûle en moi-même de troue ver les moyens de te punir des coups que tu m'as. donnés. Je sais bien qu'une femme a toujours dans les mains de quoi se venger d'un mari: mais c'est une punition trop délicate pour mon pendard : je veux une vengeance qui se fasse un peu mieux sen. tir; et ce n'est pas contentement pour l'injure que j'ai reçue.

SCÈNE V.
VALÈRE, LUCAS, MARTINE.

LUCAS,'' Valère sans voir Marline. Parguienne ! j'avons pris là tous deux une gueble de commission; et je ne sais pas, moi, ce que je pensons attraper.

VALBRE, à Lucas, sans voir Martine. Que veux-tu, mon pauvre nourricier ? il faut bien obéir à notre maître : et puis, nous avons intérêt, l'un et l'autre, à la santé de sa fille, notre maîtresse; et sans doute son mariage, différé par sa maladie, nous vaudra quelque récompense. Horace, qui est libéral, a bonne part aux prétentions qu'on peut avoir sur sa personne; et, quoiqu'elle ait fait voir de l'amitié pour un certain Léandre, tu sais bien que son père n'a jamais voulu consentir à le recevoir pour son gendre.

MARTINE, rêvant à part, se croyant seule. Ne puis-je point trouver quelque invention pour me venger?

LUCAS, á Valère. Mais quelle fantasie s'est-il boutée là dans la tête, puisque les médecins y avont tous perdu leur latin?

VALÈRE, À Lucas. On trouve quelquefois, à force de chercher, ce qu'on ne trouve pas d'abord, et souvent en de simples lieux...

MARTINE , sc croyant toujours seule. Oui, il faut que je m'en venge à quelque prix que ce soit. Ces coups de bâton me reviennent au caur, je ne les saurois digérer; et... (heurtant Valère et Lucas.) Ah! messieurs, je vous demande pardon; je ne vous voyois pas, et cherchois dans ina tête quelque chose qui m'embarrasse.

VALÈRE, Chacun a ses soins dans le monde, et nous cher. fhons aussi ce que nous voudrions bien trouver.

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MARTINE.

Seroit-ce quelque chose où je vous puisse aider ?

VALÅRE. Cela se pourroit faire; et nous tâchons de rencon. trer quelque habile homme, quelque médecin parti. culier, qui pût donner quelque soulagement à la

MARTINE

fille de notre maître, attaquée d'une maladie qui lui a ôté tout d'un coup l'usage de la langue. Plusieurs médecins ont déjà épuisé toute leur science après elle; mais on trouve par fois des gens avec des secrets admirables, de certains remèdes particuliers, qui font le plus souvent ce que les autres n'ont su faire; et c'est là ce que nous cherchons.

MARTINE,

bas, à part. Al! que le ciel m'inspire une admirable invertion pour me venger de mon pendard ! ( haut. ) Vous ne ponvicz jamais vous mieux adresser pour rencontrer, ce que vous cherchez; et nous avons un homme, le plus merveilleux homme du monde pour les inaladies désespérées.

VALÈRE.
Hé! de grace? où pouvons-nous le rencontrer ?

Vous le trouverez maintenant vers ce petit lieu que voilà, qui s'amuse à couper du bois. Un médecin qui coupe du bois !

VALÈRE. Qui s'amuse à cueillir des simples, voulez-vous dire?

Non; c'est un homme extraordinaire qui se plaît à cela , fantasque, bizarre, quinteux, et que vous ne prendriez jamais pour ce qu'il est. ll va vêtu d'une façon extravagante , affecte quelquefois de paroître ignorant, tient sa science renfermée, et ne fait rien tous les jours, que d’exercer les merveilleux talents qu'il a eus du ciel pour la médecine.

VALÈRE. C'est une chose admirable. que tous les grands hommes ont toujours du caprice, quelque petit grain de folie mêlé à leur science.

La folie de celui-ci est plus grande qu'on ne peut croire, car elle va parfois jusqu'à vouloir être battu pour demeurer d'accord de sa capacité; et je vous

LUCAS.

MARTINE.

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MARTINE.

MARTINE.

donne avis que vous n'en viendrez pas à bout, qu'il n'avouera jamais qu'il est médecin, s'il se le met en fantaisie, que vous ne preniez chacun un bâton, et, ne le réduisiez, à force de coups, à vous confesser à la fince qu'il vous cachera d'abord. C'est ainsi que nous en usons quand nous avons besoin de lui.

VALÈRE. Voilà une étrange folie !

Il est vrai; mais, après cela , vous verrez qu'il fait des merveilles.

VALÈRE. Comment s'appelle-t-il ?

Il s'appelle Sganarelle. Mais il est aisé à connoitre: c'est un homme qui a une large barbe noire, et qui porte une fraise, avec un habit jaune et verd,

Un habit jaune et vard! C'est donc le médecin des parroquets?

VALÈRE. Mais est-il bien vrai qu'il soit si habile que vous le dites ?

MARTINE.

LUCAS.

MARTINE.

Comment! c'est un homme qui fait des miracles. Il y a six mois qu'une feinme fut abandonnée de tous les autres médecins: on la tenoit morte il y avoit déjà, six heures, et l'on se disposuit à l'ensevelir, lorsqu'on y fit venir de force l'homme dont nous

у parlons. Il lui mit, l'ayant vue, une petite goutte de je ne sais quoi dans la bouche ; et, dans le mêmeinstant, elle se leva de son lit, et se mit aussitôt à se promener dans sa chambre comme si de rien n'eût été.

LUCAS.

Ah!

VALÈRE. Il falloit que ce fùt quelque goute d’or potable.

MARTINB.

Cela pourroit bien être.Il n'y a pas trois semaines encore qu'un jeune enfant de douze ans tomba du haut du clocher en bas, et se brisa sur le pavé la tête, les bras et les jambes. On n'y eut pas plutôt amené notre homme, qu'il le frotta par tout le corps d'un certain onguent qu'il sait faire ; et l'enfant aussitôt se leva sur ses pieds, et courut jouer à la fossette.

LUCAS.

Ah!

VALÈRE. Il faut que cet homme-là ait la médecine universelle.

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LUCAS.

Tétigué! vlà justement l'homme qu'il nous faut. Allons vite le charcher.

VALÈRE. Nous vous remercions du plaisir que vous nous faites.

MARTINE,

LUCAS.

Mais souvenez-vous bien au moins de l'avertissement que je vous ai donné.

Hé! morguenne ! laissez-nous faire : s'il ne tient qu’à battre, la vache est à nous.

VALÈRE, À Lucas, Nous sommes bien heureux d'avoir fait cette rencontre; et j'en conçois, pour moi, la meilleure espérance du monde.

SCENE VI.

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SGANARELLE, chantant derrière le théâtre. Là, là,

la.

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