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VALÈRE. J'entends quelqu'un qui chante, et qui coupe du bois. $GANARELLE, entrant sur le théâtre avec une bouteille

á sa main, sans aperçevoir Valère ni Lucas. Là, là, là... Ma foi, c'est assez travailler pour boire un coup. Prenons un peu d'haleine

(après avoir bu.) Voilà du bois qui est salé comme tous les diables. ( Il chante)

Qu'ils sont doux,
Bouteille jolie,

Qu'ils sont doux,
Vos petits glougloux !
Mais mon sort feroit bien des jaloux,
Si vous étiez toujours remplie.

Ah! bouteille ma mie,

Pourquoi vous vuidez-vous ? Allons, morbleu ! il ne faut point engendrer de mélancolie.

VALÈRE, bas, à Lucas.
Le voilà lui-même.

LUCAS, bas, à Valère. Je pense quevous dites vrai,et que j'avons bouté le nez dessus.

VALÈRE. Voyons de près.

SGANARELLE, embrassant sa bouteille. Ah! ma petite friponne! que je t'aime, mon petit bouchon! (Il chante.) A percevant Valère et Lucas qui

l'examinent, il baisse la voix. Mais mon sort... feroit bien... des jaloux,

Si...

( voyant qu'on l'examine de plus près.) Que diable'à qui en veulent ces gens-là ?

VALÈRE, à Lucas. C'est lui assurément.

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LUCAS , à Valére, Le vla tont craché comme on nous l'a défiguré. (Sganarelle pose la bouteille à terre; ct Valère se bais.

sant pour le saluer, comme il croit que c'est à dessein de la prendre, il la met de l'autre côté: Lucas faisant la mime chose que Valère, Syanarelle reprend sa bouteille, et la tient contre son estomac, avec divers gestes qui font un jeu de théâtre.

SGANARELLE, Ils consultent en me regardant. Quel dessein auroient-ils?

VALÈRE. Monsieur n'est-ce pas vous qui vous appelez Sganarelle ?

à part.

SGANARELLE.

Hé! quoi ?

VALÈRE. Je vous demande si ce n'est pas vous qui se nomme Sganarelle. SGANARELLE , se tournant vers Valère , puis vers Lucas. Oui et non, selon ce que vous lui voulez.

VALÈRE. Nous ne voulons que lui faire toutes les civilités que nous pourrons. En ce cas, c'est moi qui se nomme Sganarelle. "

VALÅRE. Monsieur, nous sommes ravis de vous voir. On nous a adressés à vous pour ce que nous cherchons ; et nous venons implorer votre aide, dont nous avons besoin.

SGANARELLE.

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SG AXARELLE.

Si c'est quelque chose, messieurs, qui dépende de mon petit négoce, je suis tout prêt à vous rendre service.

VALÈRE. Monsieur, c'est trop de grâce que vous nous faites. Mais, monsieur, couvrez-vous, s'il vous plaît; le so. leil pourroil vous incommoder.'

LUCAS.

Monsieu', boutez dessus.

SG ANABELLE , à part.
Voici des gens bien pleins de cérémonies.

(Il se couvre.)

VALÈRE. Monsieur, il ne faut pas trouver étrange que nous venions à vous; les habiles gens sont toujours recherchés ; et nous sommes instruits de votre capacité.

SGANARELLE.

Il est vrai, inessieurs, que je suis le premier homme du monde pour faire des fagots.

VALÈRE. Ah! monsieur!...

SGANARELLE.

Je n'y épargne aucune chose, et les fais d'une façon qu'il n'y a rien à dire.

VALÈRE.
Monsieur, ce n'est pas cela dont il est question.

SGANARELLE.
Mais aussi je les vends cent dix sous le cent.

VALÈRE.
Ne parlons point de cela, s'il vous plaît.

SGANARELLE. Je vous promets que je ne saurois les donner à moins.

VALÈRE. Monsieur, nous savons les choses.

SGANARELLE. Si vous savez les choses, vous savez que je les vends cela.

VALÈRE. Monsieur, c'est se mcqner que...

SGANARELLE, Je ne me moque point, je n'en puis rien rabattre.

VAIÈRE. Parlons d'autre façon , de grâce.

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SGANARELLE. Vous en pourrez trouver autre part à moins; il y a fagots et fagots : mais pour ceux que je fais...

VALÈRE.
IIé! monsieur, laissons là ce discours.

SOANARELLE.
Je vous jure que vous ne les auriez pas, so

s'il s'en falloit un double.

VALÈRE. Hé! fi!

SGANARELLE.

Non, en conscience ; vous en paierez cela. Je vous parle sincèrement, et ne suis pas homme à surfaire.

VALÈRE. Faut-il, monsieur, qu’une personne comme vous s'amuse a ces grossières feintes, s'abaisse à parler de la sorte! qu'un homme si savant, un fameux médecin, comme vous êtes, veuille se déguiser aux yeux du monde, et tenir enterrés les beaux talents qu'il a !

SGANARELLE,

à

part. Il est fou.

VALÈRE.
De grâce, monsieur, ne dissimulez point avec

nous.

SGANARELLE.

Comment ?

LUCAS.

Tout ce tripotage ne sart de rian; je savons c'en que je savons.

SGANARELLE.

Quoi donc ? que me voulez-vous dire ? Pour qui me prenez-vous ?

VALÈRE.
Pour ce que vous êtes, pour un grand médecin.

SGANARELLE.

Médecin vous-même; je ne le suis point, et je ne l'ai jamais été,

VALÈRE, bas.
Voilà sa folie qui le tient.(haut.) Monsieur, ne

veuillez point nier les choses davantage; et n'en venons point, s'il vous plait, à de fâcheuses extrémités.

SGANARELLE.

A quoi donc ?

VALÈRE. A de certaines choses dont nous serions marris.

SGANARELLE. Parbleu! venez-en à tout ce qu'il vous plaira ; je ne suis point médecin, et ne sais ce que vous me voulez dire.

VALÈRE, bas. Je vois bien qu'il faut se servir du remède.( haut.) Monsieur, encore un coup je vous prie d'avouer ce que vous êtes.

LUCAS, Hé! tétigué ! ne lantiponnez point davantage, et confessez à la franquette que v's êtes médecin.

SGANARELLE , à part.
J'enrage.

VALÈRE.
A quoi bon nier ce qu'on sait ?

LUCAS.

Pourquoi toutes ces fraimes-là ? A quoi est-ce que ça vous sart?

SGANARELLE.

Messieurs, en un mot autant qu'en deux mille, je vous dis que je ne suis point médecin.

VALÈRE, Vous n'êtes point inédecin ?

SGANARELLE.

Non.

LUCAS.

SGANARELLE.

V'n'êtes pas médecin ?
Non, vous dis-je.

VALÅRE, Puisque vous le voulez, il faut bien s'y résoudre. ( Ils prennent ehacun un bâton, et le frappent.)

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