DON PÈDRE. ADR ASTB. J'ailu, je ne sais où, qu'Apelle peignit autrefois une maîtresse d'Alexandre,d'une merveilleuse beauté, et qu'il en devint, la peignant, si éperdument amoureux, qu'il fut près d'en perdre la vie ; de sorte qu'Alexandre par générosité luicéda l'objet de ses vux, .( à don Pédre.) Je pourrais faire ici ce qu'Apelle fit autrefois ; mais vous ne feriez pas peut-être ce que fit Alexandre. (Don Pedre fait la grimace.) ISIDORB, à don Pèdre. Tout cela sent la nation; et toujours messieurs les François ont un fond de galanterie qui se répand par-tout. ADRASTE. On ne se trompe guère à ces sortes de choses, et vous avez l'esprit trop éclairé pour ne pas voir de quelle source partent les choses qu'on vous dit. Oui, quand Alexandre seroit ici, et que ce seroit votre amant, je ne pourrois m'empêcher de vous dire que je n'ai rien vu de si beau que ce que je vois inaintenant, et que... DON PÈDRE. Seigneur François, vous ne devriez pas, ce me semble, tant parler; cela vous détourne de votre ouvrage. ADRASTE. Ah! point du tout. J'ai toujours coutume de parler quand je peins; et il est besoin dans ces choses d'un peu de conversation pour réveiller l'esprit et tenir les visages dans la gaieté nécessaire aux personnes que l'on veut peindre. SCÈNE XIII. ADRASTE, ISIDORE. DON PÈDRE. Que veut dire cet homme-là ? Et qui laisse monter les gens sans nous en avertir? HALI , à don Pedre. J'entre ici librement; mais entre cavaliers telle liberté est perinise. Seigneur, suis-je connu de vous ? DON PEDRE, Non, seigneur. Je suis don Gilles d'Avalos ; et l'histoire d'Espagne vous doit avoir instruit de mon mérite.. DON PÈDRE. Souhaitez-vous quelque chose de moi ? HALI. HALI. Oui, un conseil sur un fait d'honneur. Je sais qu'en ces matières il est mal-aisé de trouver un cavalier plus consommé que vous. Mais jevous demande pour grâce que nous nous tirions à l'écart. DON PÈDRE. Nous voilà assez loin. ADRASTE , à don Pédre qui le surprend parlant bas à Isidore. J'observois de près la couleur de ses yeux. HALI, tirant don Pèdre pour l'éloigner d’Adraste et ďIsidore. Seigneur, j'ai reçu un soufflet. Vous savez. ce qu'est un souillet, lorsqu'il se donne à main ouverte sur le beau milieu de la joue. J'ai ce soufflet fort sur le cæur; et je suis dans l'incertitude si , pour me venger de l'affront, je dois me battre avec mon homme, ou bien le faire assassiner. DON PÈDRE. Assassiner, c'est le plus sûr et le plus court chemin. Quel est votre ennemi ? HALI. ADRASTE, ISIDORE, Parlons bas , s'il vous plaît. ne peut voir Adraste.) Pėdre et Hali parlent bas ensemble. Je ne sais si vous dites vrai, mais vous persuadez. Mais vous persuadé-je jusqu'à vous inspirer quelque peu de bonté pour moi ? ISIDORE. A DRASTE. ISIDORE. ADRASTE, ADRASTE. ISIDORE. A me résoudre. ADRASTE. Ab! quand on aime bien on se résout bientôt. Mais consentez-vous, dites-moi, que ce soit dès ce moment inême ? ISIDORE, DON PÉDRE, à Hali. HALI à Isidore.) Seigneur , quand vous aurez reçu qnelque soufflet, je suis homme aussi de conseil, et je pourrais vous rendre la pareille. DON PÅDRE. Je vous laisse aller sans vous reconduire; mais entre cavaliers cette liberté est permise. ADRASTE , à Isidore. Non, il n'est rien qui puisse effacer de mon cæur les tendres témoignages... (à don Pèdre apercer ant Adraste qui parle de près Je regardois ce petit trou qu'elle a au côté du menton; et je croyois d'abord que ce fût une tache. Mais c'est assez pour aujourd’bui, nous finirons une autre fois. ( à don Pèdre, qui veut voir le portrait. ) Non, ne regardez rien encore; faites serrer cela , je vous prie. (à Isidore.) Et vous, je vous conjure de ne vous relâcher point, et de garder un esprit gai, pour le dessein que j'ai d'achever notre ouvrage. Je conserverai pour cela toute la gaieté qu'il faut. SCÈNE XIV. ISIDORE. ISIDORE. Qu'en dites vous ? Ce gentilhomme ine paroît le plus civil du monde; et l'on doit demeurer d'accord que les François ont quelque chose en eux de poli, de galant, que n'ont point les autres nations. DON PÈDRE. Oui : mais ils ont cela de mauvais, qu'ils s'émancipent nn peu trop, et s'attachent en étourdis à conter des fleurettes à toutes cellesqu'ilsrencontrent. C'est qu'ils savent qu'on plaît aux dames par ces choses. ISIDORB. DON PÈDRE, Oui : mais s'ils plaisent aux dames, ils déplaisent fort aux messieurs ; et l'on n'est point bien aise de voir sous sa moustache cajoler hardiment sa femme ou sa maîtresse. ISIDORE. SCÈNE XV. ZAIDE, DON PÈDRE, ISIDORE. et ZAÏDE. Ah! seigneur cavalier, sauvez-moi, s'il vous plaît, des mains d'un mari furieux dont je suis poursuivie. Sa jalousie est incroyable, et passe dans ses mouvements tout ce qu'on peut imaginer. Il va jusqu'à vouloir que je sois toujours voilée; pour m'avoir trouvé le visage un peu découvert, il a mis l'épée la main, et m'a réduite à me jeter chez vous pour vous demander votre appui contre son injustice. Mais je le vois paroître. De grâce, seigneur cavalier, sauvez-moi de sa fureur. DON PÈDRE, à 2 aïde, lui montrant Isidore. Entrez là-dedans avec elle, et n'appréhendezrien, SCÈNE XVI. ADRASTE, DON PÈDRE. DON PÈDRE, IIé quoi! seigneur, c'est vous! Tant de jalousie pour un François ! je pensois qu'il n'y eût que nous qui en fussions capables. Les François excellent toujours dans toutes les choses qu'ils font; et quand nous nous melons d'être jaloux, nous le sommes vingt fois plus qu'un Sicilien. ADRASTE. |