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M. TOMÈs. Il faut avouer que j'ai une mule admirable pour cela, et qu'on a peine à croire le chemin que je lui fais faire tous les jours.

M. DES FONANDRÈS. J'ai un cheval merveiäleux, et c'est un animalinfatigable.

M. TOMÈS. Savez-vous le chemin que ma mule a fait aujourd'hui. J'ai été premièrement tout contre l'Arsenal; de l'Arsenal, au bout du faubourg Saint-Germain; du faubourg Saint-Germain, au fond du Marais; du fond du Marais, à la porte Saint-Honoré; de la porte Saint-Honoré, au faubourg Saint-Jacques; du faubourg Saint-Jacques, à la porte de Richelieu ; de la porte de Richelieu, ici; d'ici, je dois aller encore à Ia Place royale.

M. DESFONANDRÈS Mon cheval a fait tout cela aujourd'hui; et de plus, j'ai été à Ruel voir un malade.

M. Tomès. Mais à propos quel parti prenez-vous dans la querelle des deux médecins Théophraste et Artemius ? car c'est une affaire qui partage tout notre corps.

M. DESFONANDRÈS. Moi, je suis pour Artémius.

M. TOMĚs. Et moi aussi. Ce n'est pas que son avis, comme on a vu, n'ait tué le malade, et que celui de Théophraste ne fût beaucoup meilleur assurément; mais enfin il a tort dans les circonstances, et il ne devoit pas être d'un autre avis que son ancien. Qu'en dites

vous ?

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M, DESFONANDRÉS. Sans doute, il faut toujours garder des formalités, quoi qu'il puisse arriver.

M. TCMÈS. *Pour moi, j'y suis sévère en diable, à moins que ce ne soit entre amis; et l'on nous assembla un jour,

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trois de nous autres, avec un médecin de dehors, pour une consultation, où j'arrêtai toute l'affaire, et ne voulus point endurer qu'on opinat, si les choses n'alloient dans l'ordre. Les gens de la maison faisoient ce qu'ils pouvoient, et la maladie pressoit; mais je n'en voulus point démordre , et la malade mourut bravememt pendant cette contestation.

M. DESFONANDRÈS. C'est fort bien fait d'apprendre aux gens à vivre, et de leur montrer leur béjaune.

M. TOMÈS. Un homme mort n'est qu'un homme mort, et ne fait point de conséquence; mais une formalité négligée porte un notable préjudice à tout le corps des médecins.

SCÈNE IV. SGANARELLE, MESSIEURS TOMÈS, DESFONAN.

DRÈS, MACROTON, BAHIS.

SCANARELLE. Messieurs, l'oppression de ma fille augmente ; je, vous prie de me dire vîte ce que vous avez résolu.

M. Tomés , à M. Desfonandrès.
Allons, monsieur.

M. DESFONANDRÉS.
Non, monsieur ; parlez , s'il vous plaît.

N. TOMÈS.
Vous vous moquez.

N. DESFONANDRÈS, Je ne parlerai pas le premier,

M. TOMÈS. Monsieur...

M, DESFONANDRÉS. Monsieur...

SGANARELLE, Ile! de grâce, messieurs, laissez toutes ces cérémonies, et sungez que les choses pressent,

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( Ils parlent tous quatre à-la-fois. )

M. TOMĚs.
La maladie de votre fille...

M. DESFONANDRÉS.
L'avis de tous ces messieurs tous ensemble...

M, MACROTON

A-près a-voir bien con-sul-té...

M. BAHIS, Pour raisonner...

SGANARELLE Hé! messieurs, parlez l'un après l'autre, de grâce.

M. TOMès. Monsieur, nous avons raisonné sur la maladie de votre fille; et mon avis , à moi, est que cela procéde d'une grande chaleur de sang : ainsi je conclus à la saigner le plutôt que vous pourrez.

M. DES FONANDRÈS. Et moi, je dis que sa maladie est une pourriture d'humeurs, causée par une trop grande réplétion : ainsi je conclus à lui donner de l'émétique.

M. TOMÀS.
Je soutiens que l'émétique la tuera.

M. DESFONANDRÉS.
Et moi, que la saignée la fera mourir

M. TOMÈS.
C'est bien à vous de faire l'habile homme!

M, DESFONANDRÈS. Oui, c'est à moi; et je vous prêterai le collet en tout genre d'érudition.

M. TOMÉS. Souvenez-vous de l'homme que vous fites crever ces jours passés.

M. DES FONANDRÈS. Souvenez-vous de la dame que vous avez envoyée en l'autre monde, il y a trois jours.

M. Tomes , à Sganarelle. Je vous ai dit mon avis.

M. DESFONANDALS , à Sganarelle. Je vous ai dit ma pensée.

M. TOMÈS. Si vous ne faites saigner tout-à-l'heure votre fille , c'est une personne morte. ( Il sort.)

M. DESFONANDRÈS Si vous la faites saigner , elle ne sera pas envie dans un quart-d'heure. (Il sort.)

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A qui croire des deux ? et quelle résolution prendre sur des avis si opposés ? Messieurs, je vous conjure de déterminer mon esprit, et de me dire sans passion ce que vous croyez le plus propre à soulager

ma fille.

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M. MACROTON.

M. BARIS,

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Mon-sieur , dans ces ma-ti-e-res-là, il faut procéder a-vec-que cir-con-spec-ti-on, et ne ri-en fai-re, con-me on dit, à la vo-lée, d'au-tant que les fau-tes qu'on y peut fai-re sont, se-lon no-tre maî-tre Hippo-cra-te, d’u-ne dan-ge-reu-se con-sé-quen-ce.

bredouillant. Il est vrai; il faut bien prendre garde à ce qu'on fait, car ce ne sont point ici des jeux d'enfants; et quand on a failli , il n'est pas aisé de réparer le manquement et de rétablir ce qu'on a gâté. Expérimentum périculosum. C'est pourquoi il s'agit de raisonner auparavant comme il faut, de peser mûrement les choses; de regarder le temperament des gens , d'examiner les causes de la maladie, et de voir les remèdes qu'on y doit apporter.

y
SGANABELLE,

à part.
L’un va en tortue, et l'autre court la poste.

Or, mon-sieur, pour ve-nir au fait, je tro11-ve que vo-tre fil-le a u-ne ma-la-die chro-nique, et qu'el-le

M. MACROTON.

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peut pé-ri-cli-ter si on ne lui don-ne du se-cours , d'au-tant que les symp-to-mes qu'el-le a sont in-dica-tifs d’u-ne va-peur fu-li-gi-neu-se et mor-di-can-te qui lui pi-co-te les mem-bra-nes du cer-veau. Orcette va-peur, que nous nom-mons en grec at-mos , est causée par des hu-meurs pu-tri-des, te-pa-cesconglu-ti-neu-ses, qui sont con-te-nues dans le bas

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ven-tre.

M. BAHIS.

Et comme ces humeurs ont été là engendrées par une longue succession de temps, elles s'y sont recuites, et ont acquis cette malignité qui fume vers a région du cerveau.

M. MACROTON.

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Si bien donc que, pour tirer, dé-la-cher, ar-racher, ex-pul-ser, e-va-cuer les-di-tes humeurs, il faudia u-ne pur-gati-on vi-gou-reu-se Mais, au pré-a-lable, je trou-ve à pro-pos, et il n'y a pas d'in-con-véni-ent, d'u-ser de pe-tils re-mè-des a-no-dins , c'est-à-di-re de pe-tits la-ve-ments ré-mo-li-ents et dé-ter-sifs, de ju-leps et de si-rops ra-trai-chissants qu’on mê-le-ra dans sa ti-san-ne,

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M. BAHIS.

Après, nous en viendrons à la purgation et à la saignée que nous réitérerons s'il en est besoin.

M. MACROTON.

Ce n'est pas qu'a-vec tout ce-la vo-tre fille ne puis-se mou-rir; mais au moins vous au-rez fait quelque cho-se, et vous all-rez la con-so-lati-on qu'el-le se-ra mor-te dans les for-mes.

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M. BAHIS.

Il vaut mieux mourir selon les règles que de réchapper contre les règles.

M. MACROTON

Nous vous di-sons sin-ce-re-ment no-tre pen-sé-e.

M. BARIS.

Et vous avons pailé comme nous parlerions à notre propre

fière,

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