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humain du monde, et je ne puis voir deux amants soupirer l'un pour l'autre , qu'il ne me prenne une tendresse charitable et un désir ardent de soulager les maux qu'ils souffrent. Je veux, à quelque prix que ce soit,tirerLucinde de la tyrannie où elle est, et la mettre en votre pouvoir. Vous in'avez plu d'abord ; je me connois en gens, et elle ne peut pas mieux choisir. L'amour risque des choses extraordinaires, et nous avonsconcerté enseinble une manière de stratagême qui pourra peut-être nous réussir. Toutes nos mesures sont déjà prises; l'homme à qui nous avons affaire, n'est pas des plus fins de ce monde;et si cette aventure nous manque, nous trouverons mille autres voies pour arriver à notre but, Attendez-moi là seulement, je reviens vous quérir.

(Clitandre se retire dans le fond du théâtre.)

SCÈNE IV.

SGANARELLE, LISETTE.

LISETTE.

Monsieur , allégresse ! allégresse !

SGANARELLE.

Qu'est-ce ?

LISETTE.

Réjouissez-vous.

SGANARELLE,

De quoi ?

LISETTE,

SGANARELLE.

Réjouissez-vous , vous dis-je.

Dis-moi dono ce que c'est, et puis je me réjouirai peut-être.

Non. Je veux que vous vous réjouissiez auparavant que vous chantiez, que vous dansiez.

LISETTE.

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LISETTE.

Sur ma parole.

( Il chante et donse.) Allons donc. La lerá la la , la lera la. Que diable !

SGANARELLE,

LISETTE.

Monsieur, votre fille est guérie.

SGANARELLE.

Ma fille est guérie!

LISETTE.

Oui. Je vous amène un médecin, mais un médecin d'importance, qui fait des cures merveilleuses, et qui se inoque des autres médecins.

SGANARELLE. Où est-il ?

LISETTE,
Je vais le faire entrer.

SGANA RELLE , seul.
Il faut voir si celui-ci fera plus que les autres.

SCÈNE V.

CLITANDRE, en habil de médecin ;

SGANARELLE, LISETTE.

LISETTE.

LISETTE, amenant Clilandre
Le voici,

SGANARELLE.
Voilà un médecin qui a la barbe bien jeune.

La science ne se mesure pas à la barbe , et ce n'est pas par le mentón qu'il est habile,

Monsieur on m'a dit que vous aviez des remèdes admirables pour faire aller à la selle.

Monsieur, mes remèdes sont différents de ceux des autres. Ils ont l'émétique, les saignées, les me

SGANARELLE.

CLITANDRE.

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decines et les lavements; mais moi je guéris par des paroles, par des sons, par des lettres, par des talisinans, et par des anneaux constellés.

LISETTE.

2

Que vous ai-je dit ?

SGANARELLE. Voilà un grand homme'!

LISETTE. Monsieur, comme votre fille est là toute habillée dans une chaise, je vais la faire passer ici.

SGANARELLE.
Oai. Fais.
CLITANDRE,

tâtant le pouls à Sganarelle. Votre fille est bien malade.

SGANARELLE, Vous connoissez cela ici?

CLITANDRE. Oui, par la sympathie qu'il y a entre le père et la fille.

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SGANARELLE.

LISETTE.

LISETTE , à Clitandre. Tenez, monsieur, voilà une chaise auprès d'elle. (à Sganarelle.) Allons, laissez-les là tous deux.

Pourquoi ? Je veux demeurer là.

Vous moquez-vous? il faut s'éloigner. Un médecin a cent choses à demander qu'il n'est pas honnête homme entende.

i (Sganarette et Lisette s'éloignant. )

bas, à Lucinde. Ah! Madame, que le ravissement où je me trou ve est grand! et que je sais peu par où vous comiche

CLITANDRE,

cer mon discours ! Tant que je ne vous ai parlé que des yeux, j'avois, ce ne sembloit, ceat choses à vous dire ; et maintenant que j'ai la liberté de vous parler de la façon que je souhaitois, je demeure interdit, et la grande joie où je suis étouffe toutes mes paroles.

LUCINDE.

CLITANDRE.

LUCINDE.

Je puis vous dire la même chose; et je sens, comme vous,

des mouvements de joie qui m'empêchent de pouvoir parler.

Ah! madame, que je serois heureux s'il étoit vrai que vous sentissiez tout ce que je sens, et qu'il me fût permis de juger de votre âine par la mienne! Mais, madame , puis-je au moins croire que ce soit à vous à qui je doive la pensée de cet heureux stratagême qui ine fait jouir de votre présence ?

Si vous ne m'en devezpasla pensée, vousm’êtes re, devable au moins d'en avoir approuvé la proposition avec beaucoup de joie.

SGANARELEE , à Lisette.
Il me semble qu'il lui parle de bien près.

à Sganarelle. C'est qu'il observe sa physionomie et tous les traits de son visage.

CLITANDRE , à Lucinde. Serez-vous constante, madame, dans ces bontés que vous me témoignez ?

Mais vous , serez-vous ferme dans les résolutions que vous avez montrées ?

LISETTE

LUCINDE.

CLITANDRE,

Ah! madame, jusqu'à la mort. Je n'ai point de plus forte envie que d'être à vous, et je vais le faire paroître dans ce que vous m'allez voir faire.

SGÅNARELLE, à Clitandre. Hé bien! notre malade ? Elle nous semble un peu plus gaie.

CLITANDRE.

C’est que j'ai déjà fait agir sur elle un de ces remèdesque mon art m'enseigne. Comme l'esprit a grand empire sur le corps, et que c'est de lui bien souvent que procèdent les maladies, ma coutuine est de courir à guérir les esprits avant que de venir aux corps. J'ai donc observé ses regards , les traits de son visage, et les lignes de ses deux mains; et par la science que le ciel m'a donnée, j'ai reconnu que c'étoit de l'esprit qu'elle étoit malade, et que tout son mal ne venoit que d'une imagination déréglée et d'un désir dépravé de vouloir êtremariée. Pour moi, je ne vois rien de plus extravagant et de plus ridicule que cette envie qu'on a du mariage.

SGANARELLE, à part. Voilà un habile homme!

CLITANDRE.

Et j'ai eu et aurai pour lui, toute ma vie, une aversion effroyable.

SGANARELLE, à part. Voilà un grand médecin!

å

CLITANDRE.

Mais coinme il faut flatter l'imagination des malades, et que j'ai vu en elle de l'aliénation d'esprit, et même qu'il y avoit du péril à ne lui pas donner un prompt secours, je l'ai prise par son foible, et lui ai dit que j'étois venu ici pour vous la demander en mariage. Soudain son visage a changé, son teint s'est éclairci, ses yeux se sont animés; et si vous voulez, pour quelques jours, l'entretenir dans cette erreur, vous verrez que nous la tirerons d'où elle est.

SGANARELLE. Oui-dà, je le veux bien.

Après, nous ferons agir d'autres remèdes pour la guérir entièremer de cette fantaisi

CLITANDRE.

SGANARLLLE.

Oui, cela est le mieux du monde. Hé bien !ma

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