Alceste, amant de Célimène. Puilinte, ami d'Alceste. Oronte, amant de Celimène. CÉLIMÈNE, amante d’Alceste. ÉLIANTB, cousine de Célimène. ARISONÉ, amie de Célimène. Acaste, } marquis. CUITANDRE, BASQUE, valet de Célimène. UN GARDE de la maréchaussée de France. Dubois, valet d'Alceste.
La scène est à Paris dans la maison de Célimène.
LE
U’Est-ce donc? qu'avez-vous ?
ALCESTE , assis.
Laissez-moi, je vous prie. Mais, encor,
dites-moi, quelle bizarrerie... Laissez-moi là, vous dis-je, et courez vous cacher.
Mais on entend les gens, au moins, sans se fâcher.
ALCESTE. Moi, je veux me fâcher, et ne veux point entendre.
Dans vos brusques chagrins je ne puis vous com
prendre; Et, quoiqu'amis, enfin, je suis tout des premiers...
ALCESTE, se levant brusquement.. Moi, votre ami ! rayez cela de vos papiers... J'ai fait jusques ici profession de l'être ; Mais, après ce qu'en vous je viens de voir paroître, Je vous déclare net que je ne le suis plus, Et ne veus nulle place en des cours corrom pus.
Je suis donc bien coupable, Alceste, à votre compte ?
ALCESTR. Allez, vous devriez mourir de
pure honte; Une telle action ne sauroit s'excuser, Et tout homme d'honneur s'en doit scandaliser. Je vous vois accabler un homme de caresses, Et témoigner pour lui les dernières tendresses ; De protestations, d'offres et de serments, Vous chargez la fureur de vos embrassements : Et quand je vous demande après quel est cet homme, A peine pouvez-vous dire comme il se nomme; Votre chaleur pour lui tombe en vous séparant , Et vous me le traitez, à moi, d'indifférent! Morbleu! c'est une chose indigne, lâche, infâme, De s'ab aisser ainsi jusqu'à trahir son âme; Et si, par un malheur, j'en avois fait autant, Je m'irois, de regret, pendre tout à l'instant.
Je ne vois pas , pour moi, que le cas soit pendable ; Et je vous supplierai d'avoir pour agréable Que je me fasse un peu grâce sur votre arrêt, Et ne me pende pas pour cela, s'il vous plait. Que la plaisanterie est de mauvaise grâce! Mais, sérieusement, que voulez-vous qu'on fasse ?
Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'hon
On ne lâche aucun mot qui ne parte du cæur.
Lorsqu'un homme vous vient embrasser avec joie, Il faut bien le payer de la même monnoie, Répondre comme on peut à ses empressements, Et rendre offre pour offre, et serments pour serments. Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode, Qu’affectent la plupart de vos gens à la monde;
Et je ne hais rien tant que les contorsions De tous ces grands faiseurs de protestations, Ces affables donneurs d'embrassades frivoles, Ces obligeants diseurs d'inutiles paroles, Qui de civilités avec tous font combat, Et traitent du même air l'honnête homme et le fat. Quel avantage a-t-on qu'un homme vous caresse Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse, Et vous fasse de vous un éloge éclatant, Lorsqu'au premier faquin is court en faire autant ? Non, non, il n'est point d'âme un peu bien située Qui veuille d'une estime ainsi prostituée; Et la plus glorieuse a des régals peu chers, Dès qu'on voit qu'on nous mêle avec tout l'univers. Sur quelque préférence une estime se fonde, Et c'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde. Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps, Morbleu! vous n'êtes pas pour être de mes gens; Je refuse d'un cæur la vaste complaisance Qui ne fait de mérite aucune différence : Je veux qu'on me distingue, et, pour le tranchernet, L'ami du genre humain n'est point du tout mon fait. * Mais quand on est du monde il faut bien que l'onrende Quelques delors civils que l'usage demande. Non, vous dis-je; on devroit chatier sans pitié Ce commerce honteux de semblant d'amitié. Je veux que l'on soit homme, et qu'en toute rencontre Le fond de notre cœur dans son discours se inontre, Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments Ne se masquent jamais sous de vains compliments. Il est bien des endroits où la pleine franchise Deviendroit ridicule, et seroit peu permise, Et, par fois, n'en déplaise à votre austère honneur. Ilest bon de cacher ce qu'on a dans le cœur. Seroit-il à propos et de la bienséance De dire à mille geps tout ce que d'eux on pense?
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