Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

Et ce qui me surprend encore davantage,
C'est cet étrange choix où votre cour s'engage.
La sincère Éliante a du penchant pour vous,
La prude Arsinoé vous voit d'un oil fort doux;
Cependant à leurs voeux votre âme se refuse,
Tandis qu'en ses liens Célimène l’ainuse,
De qui l'humeur coquette et l'esprit médisant
Semblent si fort donner dans les mœurs d'aprésent.
D'où vient que, leur portant une haine mortelle,
Vous pouvez bien souffrir ce qu'en tient cette belle ?
Ne sont-ce plus défauts dans un objet si doux ?
Ne les voyez-vous pas, ou les excusez-vous ?

ALCESTE.
Non : l'amour que je sens pour cette jeune veuve
Ne ferme point mes yeux aux défauts qu'on lui

treuve; Et je suis , quelque ardeur qu'elle m'ait pu donner, Le premier à les voir, comme à les condamner. Mais, avec tout cela , quoi que je puisse faire, Je confesse mon foible; elle a l'art de me plaire : J'ai beau voir ses défauts, et j'ai beau l’en blâmer', En dépit qu'on en ait elle se fait aimer, Sa grâce est la plus forte; et sans doute ma flamme De ces vices du temps pourra purger son âme. Si vous faites cela , vous ne l'erez pas peų. Vous croyez être donc aimé d'elle?

Oui, parbleu! Je ne l'aimerois pas si je ne croyois l'être.

PHILINTE. Mais , si son amitié pour vous se fait paroître, D'où vient que vos rivaux vous causent de l'ennui ? C'est qu'un cæur bien atteint veut qu'on soit tout à lui; Et je ne viens ici qu'à dessein de lui dire Tout ce que là-dessus ma' passion m'inspire. Pour moi, si je n'avois qu'à former des désirs,

a

PHILINTE.

ALCESTR.

ALCESTE,

PHILINTE

[ocr errors]

Sa cousine Éliante auroit tous mes soupirs;
Son cour, qui vous estime, est solide et sincère,
Et ce choix plus conforme étoit mieux votre affaire.
Il est vrai; ma raison me le dit chaque jour:
Mais la raison n'est pas ce qui règle l'amour.

ALCESTB.

[ocr errors]

PHILINTE.

Je crains fort pour vos feux; et l'espoir où vous êtes Pourroit...

SCÈNE IL.

[merged small][ocr errors]

ORONTB, à Alceste, J'ai su là-bas que, pour quelques emplettes, Éliante est sortie, et Célimène aussi ; Mais, comme l'on m'a dit que vous étiez ici, J'ai monté pour vous dire, et d'un caur véritable , Que j'ai conçu pour vous une estime incroyable, Et que depuis long-temps cette estime in'a mis Dans un ardent désir d'être de vos amis. Oui, mon cæur au mérite aime à rendre justice, Et je brûle qu'un noud d'amitié nous unisse. Je crois qu'un ami chaud, et de ma qualité, N'est pas assurément ponr être réjeté.

(Pendant le discours d'Oronte, Alceste est rêveur , sans faire attention que c'est à lui qu'on parle, et ne sort de sa rêverie que quand Oronte lui dit :) C'est à vous, s'il vous plait, que ce discours s'adresse... A moi, monsieur?

[ocr errors]

ALCESTE,

[ocr errors]

ORONTE.

A vous. Trouvez-vous qu'il vous blesse ?

ALCESTE.

Non pas. Mais la surprise est fort grande pour moi; Et je n'attendois pas l'honneur que je reçoi.

ORONTE. L'estime où je vous tiens ne doit point vous sur

prendre, Et de tout l'univers vous la pouvez prétendre.

ALCESTE.
Monsieur...

ORONTE.
L'état n'a rien qui ne soit au-dessous
Du mérite éclatant que l'on découvre en vous.

ALCESTE.
Monsieur...

ORONTE.

[ocr errors]

Oui, de ma part je vous tiens préférable A tout ce que j'y vois de plus considérable.

ALCESTE.
Monsieur...

ORONTE.
Sois-je du ciel écrasé si je mens!
Et

pour vous confirmer ici mes sentiments, Souffrez qu'à cæur ouvert, monsieur, je vous em

brasse,
Kt qu'en votre amitié je vous demande place.
Touchez là s'il vous plaît. Vous me la promettez,
Votre amitié ?

ALCESTE.
Monsieur...

ORONTE.

Quoi ! vous y résistez ?

ALCESTE. Monsieur, c'est trop d'honneur que vous me voulez

faire : Mais l'amitié demande un peu plus de mystère; Et c'est assurément en profaner le nom Que de vouloir le mettre à toute occasion. Avec lumière et choix cette union veut naître. Avant que nous lier, il faut nous mieux connoître ; Et nous pourrions avoir telles complexions , Que fous deux du marché nous nous repentirions.

ORONTE. Parbleu! c'est là-dessus parleren homme sage, Et je vous en estime encore davantage : Souffrons donc que le temps forme des neuds si doux, Mais cependant je m'offre entièrement à vous : S'il faut faire à la cour pour vous quelque ouverture, On sait qu'auprès du roi je fais qnelque figure; Il m'écoute, et dans tout il en use, ma foi, Le plus honnêtement du monde avecque moi. Enfin, je suis à vous de toutes les manières ; Et, comme votre esprit a de grandes lumières, Je viens , pour commencer entre nous ce beau næud, Vous montrer un sonnet que j'ai fait depuis peu, Et savoir s'il est bon qu'au public je l'expose, Monsieur, je suis mal propre à décider la chose. Veuillez m'en dispenser.

ALCESTE,

ORONTE.

Pourquoi ?

ALCESTE.

J'ai le défaut D'être un peu plus sincère en cela qu'il ne faut.

ORONTB.

ALCESTE.

C'est ce que je demande; et j'auois lieu de plainte
Si, m'exposant à vous pour me parler sans feinte,
Vous alliez me trahir; et me déguiser rien.
Puisqu'il vous plait ainsi, inonsieur, je le veux bien.
Sonnet. C'est un sonnet. L'espoir... C'est une dame
Qui de quelque espérance avait flatté ma Namme.
L'espoir... Ce ne sont point de ces grands vers pom-

pelix,
Mais de petits vers doux, tendres et langoureux.

ORONTE.

ALCESTE.

Nous verrons bien.

ORONTE,

L'espoir...Je ne sais si le style Pourra vous en paroître assez net et facile,

Et si du choix des mots vous vous contenterez.

ALCESTE. Nous allons voir, monsieur,

ORONTE.

Au reste , vous saurez Que je n'ai demeuré qu'un quart-d'heure à le faire.

ALCESTE.
Voyons, monsieur; le temps ne fait rien à l'affaire.

ORONTE lit.
L'espoir , il est vrai, nous soulage,
Et nous berce un temps notre ennui :
Mais , Philis , le triste avantage,
Lorsque rien ne marche après lui !

PHILINTE.
Je suis déjà charmé de ce petit morceau.

ALCESTE, bas, á Philinte.
Quoi! vous avez le front de trouver cela beau !

[ocr errors]
[ocr errors]

ORONTE.

Vous eûtes de la complaisance ;
Mais vous en deviez moins avoir ,
Et ne vous pas mettre en dépense,
Pour ne me donner que l'espoir.

PHILINTE.

Ah! qu'en termes galants ces choses-là sont mises !

ALCESTE, bas, à Philinte. quoi! vil complaisant, vous louez des sottises !

ORONTE.

S'il faut qu'une attente éternelle
Pousse à bout l'ardeur de mon zèle,
Le trépas sera mon recours.
Vos soins ne m'en peuvent distraire :
Belle Philis, on désespère
Alors qu'on espère toujours.

PHILINTE.

La chute en est jolie, amoureuse , admirable.

ALCESTE , bas, à part La peste de ta chute! empoisonneur, au diable ! En eusses-tu fait une à te casser le nez !

« PrécédentContinuer »